Léonie : « Le parkour m’a libérée de certains diktats... »Adepte de parkour, étudiante en sciences sociales, 26 ans

Leonie Brodmann
Basket, équitation, danse moderne… Léonie a toujours eu la bougeotte. Lorsqu’elle a découvert le parkour, c’est devenu son sport de prédilection. À Lausanne, avec les traceurs (comme on nomme les pratiquants de cette discipline) de son association, Léonie Brodmann se réapproprie l’espace public à grand renfort de bonds et de roulades.

Propos recueillis par Lise Famelart

Publié le 12 avril 2021 à 10h04, mis à jour le 18 juillet 2023 à 12h47

« J’ai pratiqué la danse moderne pendant très longtemps. Il y a six ans, j’ai découvert le parkour et c’est devenu une composante importante de ma vie. Aujourd’hui, je me définis comme traceuse, et j’interagis autrement avec l’espace urbain.

Tout a commencé quand je faisais de la danse contemporaine. Un ami m’a montré des vidéos de parkour, et je trouvais que c’était assez proche esthétiquement de ce que je pouvais faire dans la danse.

J’ai monté un projet collaboratif avec des traceurs, et un an après j’ai décidé de commencer à prendre des cours. Au bout d’un moment, j’ai carrément arrêté la danse, et continué le parkour.

©DR

Au début, c’était plutôt le côté esthétique de ce sport qui me plaisait. Et puis j’ai accroché à l’ambiance et à la motivation que je pouvais recevoir de ceux qui pratiquaient et enseignaient ce sport.

À la danse, c’est souvent « peut mieux faire ». Au parkour, il y a toujours des choses à célébrer, il y a beaucoup moins de pression. Aujourd’hui, je pratique au rythme de deux à trois fois par semaine, en fonction des conditions climatiques.

Le parkour est souvent vu comme un sport dangereux, et ce n’est pas complètement faux puisqu’on pratique sur du béton. Mais la peur ne m’a jamais tellement bloquée.

Les conditions font qu’on apprend doucement, on mesure beaucoup les risques, on teste énormément avant de tenter quelque chose.

Donc, dans une certaine mesure, on essaie de préparer un saut qui peut être dangereux, au maximum au sol.

©Robert Brodmann

Les sauts qui me font peur, je vais essayer de les tester avant, analyser la longueur du saut, les surfaces… on arrive à maîtriser une partie des paramètres pour que le béton soit moins effrayant.

Je pense aussi que le fait qu’on réfléchisse beaucoup plus avant de sauter est finalement plus sécurisant. Si on avait des matelas et des tapis, on se ferait peut-être mal plus souvent, parce qu’on ferait potentiellement moins attention.

En un sens, ce sport m’a libérée de certains diktats. Je faisais très attention à mon corps quand je faisais de la danse, mais le parkour est une pratique plus positive à mes yeux. Et ce ne sont pas vraiment les effets sur mon corps qui m’intéressent le plus : c’est plutôt l’aspect politique de la pratique.

©DR/Parkour Générations

Ce sport me permet de me sentir légitime, d’occuper certains espaces que je ne me serais pas forcément appropriée avant. En tant que femme, ce n’est pas toujours facile d’aller dans certains endroits, d’occuper l’espace, de faire la démonstration de corps en mouvement. Mais c’est quelque chose d’important pour moi.

Avant, il y avait beaucoup de lieux que j’abordais négativement, des endroits que je voyais comme sales, dangereux, où il fallait marcher vite, où il ne fallait pas trop que j’aille la nuit… réinvestir ces lieux avec d’autres personnes, que ce soient des filles ou des garçons, et y construire nos compétences physiques, ça nous permet d’y associer des expériences positives.

Maintenant, je me sens plus à l’aise, j’ose davantage pratiquer dans certains espaces qui ont l’air privés, ou qui semblent trop jolis… je tente dans le doute, et je me dis “on verra si on me vire” !

©DR

Ce n’est pas toujours simple, surtout au début, d’oser faire des sauts, et différentes figures là où les gens vivent leur vie quotidienne. Mais avec le temps, on s’habitue et l’aspect de groupe joue beaucoup. Pour autant, le parkour n’est pas nécessairement un sport de groupe, on peut le pratiquer de manière autonome.

Mais, pour moi, c’est important d’avoir d’autres personnes autour de moi parce que ça entretient une dynamique collective, on se lance des défis. Ça m’arrive de pratiquer seule, mais de moins en moins parce que j’ai de plus en plus de potes qui en font.

©Nathalie Weber

Au départ, c’est vrai, j’avais envie de m’entraîner, je prenais mes baskets et j’y allais ! C’est pas évident de pratiquer toute seule, parce qu’on fait des choses qui sortent des normes donc on est tout de suite très visible et ça peut paraître un peu gênant.

Mais, en même temps, c’est assez libérateur de pouvoir faire son truc soi-même, les gens autour nous regardent bizarrement. On se dit alors que ces choses qu’on fait, ils ne savent pas forcément les faire !

Ce qui me plaît aussi dans le côté collectif, c’est qu’il y a de plus en plus de femmes dans ce sport. Pendant un temps, on faisait des entraînements en non-mixité avec mon asso, pour encourager les femmes à nous rejoindre. Les traceuses commencent à être visibles dans l’espace public, on les voit beaucoup sur les réseaux sociaux comme YouTube, Instagram… il y en a qui sont très fortes comme Hazal Nehir, Tamila, Sydney Olson…

©Gaïth Zehri

Ces figures fortes permettent à d’autres femmes de s’identifier à la discipline plus facilement. Dans mon asso, je n’ai jamais ressenti de rejet, mais quand j’ai commencé c’était rare de voir des filles faire du parkour.

Au départ, c’est un sport qui a plutôt été investi par les hommes, il y avait pas mal une logique de boys clubs. Mais je vois que les choses commencent à changer, il y a de plus en plus une volonté de démocratiser le parkour.

Il y a aussi des femmes qui hésitent à se lancer parce qu’elles ont peur de ne pas avoir la force physique nécessaire. En fait, ce sport est accessible à beaucoup de monde, l’idéal étant de se faire accompagner par quelqu’un qui pratique déjà.

Il n’y a pas spécialement besoin de beaucoup de force, de compétences particulières… mais plutôt d’une méthode, qui peut être appliquée à tout le monde. Si tu es, par exemple, une femme qui a n’a pas fait de sport depuis longtemps ou un homme en surpoids…

Il y a toujours moyen d’utiliser la méthode du parkour pour jouer, pour s’amuser ! »

©Robert Brodmann

Elles aussi sont inspirantes...

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »
Maureen : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Maureen Marchaudon : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Suite à une anorexie mentale, Maureen Marchaudon découvre la pratique du street workout, un sport encore jusque-là réservé aux gros bras masculins. Piquée de ces figures qui allient force, agilité et technique, elle devient vite insatiable jusqu’à décrocher le titre de vice-championne de France 2024 de street workout freestyle et à l’enseigner aux femmes qui veulent r(re)trouver la confiance en elles. Who run the world ? Girls !

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Caroline Ciavaldini : « En escalade, quoi qu’il m’arrive, c’est mon choix et je l’assume. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une championne attirée par les hauteurs (Caroline Ciavaldini sur notre photo), une passionnée de danse, 5 infos sur une patronne des parquets, une définition de saison et une compétition en roue libre, c’est le meilleur d’ÀBLOCK!. Enjoy !

Lire plus »
Faustine Noël, l’envol d’une pionnière du parabadminton français

Il était une fois le badminton… féminin

Un bouchon de champagne décoré de plumes…le badminton était né ! Nous sommes en 1873 et ce jeu de plage rapporté en France par des soldats anglais va très vite plaire à ces dames de la haute société. Avant de donner naissance à de grandes championnes du volant. Histoire express des « bad » girls !

Lire plus »
Manaé Feleu : « Quand t'es une fille et que tu dis que tu joues au rugby, on te répond que c’est un sport de brutes . »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une athlète qui marche vers les sommets, une capitaine de l’équipe de France de rugby qui sait comment apprivoiser le ballon ovale (Manae Feleu sur notre photo), une fille qui court, qui court, et le décryptage d’un baromètre sur les jeunes et le sport, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK! Enjoy !

Lire plus »
Femmes en montagne

La montagne, les femmes, tout un festival !

Devenir le premier festival français de films sur les femmes en montagne, c’est fait ! Et c’est l’association « On n’est pas que des collants » qui nous donne, pour sa deuxième édition, rendez-vous en novembre, à Annecy, pour des soirées ciné au plus haut des sommets ! Mais avant, ferventes montagnardes, n’oubliez pas votre caméra…

Lire plus »
Jessy Trémoulière : « Je n’aurais jamais penser faire autant dans le rugby, j’ai juste envie de dire merci.  »

Jessy Trémoulière : « Je n’aurais jamais pensé faire autant dans le rugby, j’ai juste envie de dire merci.  »

Ça y est, c’est fini… Après des années à tout donner pour le maillot bleu, Jessy Trémoulière raccroche les crampons en équipe de France. Elle veut, désormais, se consacrer à sa ferme et retrouver le rugby sans la pression. Dernière chance d’admirer cette grande dame du XV : ce samedi pour la finale du Tournoi des Six Nations 2023, face aux Anglaises, sur la pelouse mythique de Twickenham. Il ne manque que la victoire pour partir en apothéose !

Lire plus »
Maud Fontenoy

Maud Fontenoy : 5 infos pour briller en mer

L’eau, c’est son élément ! Navigatrice aux multiples exploits, Maud Fontenoy est presque née en mer. Battante dans l’âme, elle est l’une des « premières ». Première femme à traverser l’Atlantique Nord et le Pacifique à la rame. Première Française à réaliser le tour du monde à contre-courant.
À travers sa fondation, elle se bat désormais pour la protection des eaux : sauver l’océan, c’est sauver l’homme.

Lire plus »
Justine Wong-Orantes

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une volleyeuse de haut-vol (Justine Wong-Orantes sur notre photo), une ex-infirmière crossfiteuse devenue coach mentale pour cause de burn-out sportif ou une reine du disque qui va entrer en piste pour ses 7e Jeux Olympiques, c’est le best de la semaine !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner