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Anouk Garnier : « En grimpant la Tour Eiffel à la corde, je ne serai plus seulement “unstoppable“ mais monumentale. »Coach sportif, championne de course à obstacles, 35 ans

Anouk Garnier : « En grimpant la Tour Eiffel à la corde, je ne serai plus seulement “unstoppable“ mais monumental. »
Grande blonde explosive au sourire franc, l’athlète et coach sportif Anouk Garnier, double championne du monde de course à obstacles, est une adepte des parcours du combattant. Son nouveau défi : battre le record du monde de grimper de corde où, à la force de ses bras, elle se hissera jusqu’au deuxième étage de la Tour Eiffel.

Propos recueillis par Claire Bonnot

Publié le 01 avril 2024 à 15h21, mis à jour le 03 avril 2024 à 9h56

« Je suis la première femme à réaliser un exploit sportif et physique aussi extrême sur la Tour Eiffel ! Je rêve grand. Même si ça paraît impossible, j’y vais quand même. Je rends en quelque sorte hommage à l’âme de Gustave Eiffel.

Dès que la météo le permettra -car je devais le faire le 3 avril, mais il y avait trop de vent et de pluie- l’exploit que je veux réaliser avec ce « Tour Eiffel Monumentale 100 » est un nouveau record du monde du plus long grimper de corde hommes et femmes confondus, fixé sur la longueur et non sur le chronomètre. Les précédents records sont détenus par le Sud-Africain Thomas Van Tonder sur 90 mètres et la Danoise Ida Mathilde Steensgaard sur 26 mètres. Je vais moi-même grimper sur une corde de 110 mètres de long, jetée au centre du parvis de la Tour Eiffel, jusqu’à atteindre le deuxième étage.

Je suis double championne du monde de courses à obstacles dans ma catégorie d’âge, mais je ne suis pas dans la catégorie professionnelle car je n’ai pas les sponsors pour vivre de mon sport. En septembre 2022, je deviens championne du monde, ce qui est une grosse étape de ma carrière de sportive mais je sais que j’ai encore du boulot pour atteindre l’étape professionnelle. Je ne suis que dans le Top 12 environ avec mon chrono.

Quand j’ai vu la championne pro – la Danoise Ida Mathilde Steensgaard – réaliser le record du monde de grimper de corde sur 26 mètres, à Copenhague, je me suis dit « Ce n’est pas si fou que ça ! ». Et je suis tout de suite allée regarder à quelle hauteur était le premier étage de la Tour Eiffel en me disant « Ah tiens, je pourrais faire ça ! ». Cela peut créer un grand évènement autour d’une performance unique et attirer des sponsors, justement.

Je me suis lancée ce défi un peu fou par goût du dépassement et je suis partie toute seule à l’aventure. Je me suis occupée de savoir si c’était techniquement faisable, comment je pouvais être assurée et si je pouvais avoir un accord. Je grimpe donc en partenariat avec la Société d’Exploitation de la Tour Eiffel.

La ville de Paris soutient aussi l’événement qui s’inscrit dans cette année 2024 où le sport est célébré en France et qui viendra clore l’exposition sur les 135 ans d’exploits sportifs ayant marqué l’histoire du monument, « Un grand terrain de jeux ». Je suis moi-même ambassadrice du programme des volontaires de Paris 2024 et porteuse de la flamme olympique.

Si nous avons prévu des invités et des journalistes, la Tour Eiffel sera bien évidemment toujours ouverte aux touristes. Dans la file d’attente, les gens pourront me voir, je grimperai au milieu ! Je suis tellement dans mon truc, je suis tellement surentraînée que rien ne peut me déconcentrer. Et surtout si j’ai des encouragements de la part des visiteurs, ça va encore plus m’aider, ça va être super fort ! C’est un moment que j’attends avec impatience.

À quelques jours du défi, je n’en peux plus et, en même temps, c’est la fin d’un gros projet après un an et demi de préparation… Je pense que je vais me sentir vide après. C’est tout le chemin pour réaliser cet exploit qui compte, en fait, même si la sensation d’accomplissement sera encore plus énorme lorsque j’aurai réussi.

Dans le grimper à la corde, il y a tout qui bosse, les bras, les abdos, les jambes, les muscles, c’est très cardio. C’est très dur physiquement : quand on est sur la corde, les mains brûlent, la corde frotte sur les tibias et cisaille les pieds. Pour supporter tout ça mentalement, c’est de l’entraînement. Grimper les 110 mètres de corde devrait durer environ vingt minutes.

Je me suis lancée dans l’aventure sans savoir ce que ça donnerait côté vertige. Je ne l’ai pas généralement.  J’ai grimpé une corde dans un viaduc de 40 mètres cet été pour tester mon appréhension face au vide. Et aucun problème !

Quand je « grimpe », j’essaye de ne penser à rien, d’être dans la « zone » où le corps fait naturellement ce qu’il doit faire. Je suis dans une concentration tellement intense que c’est comme une sorte de méditation. J’adore ce genre de moments littéralement suspendus.

Après, bien sûr, on pense à plein de trucs parfois et le plus dur c’est quand les douleurs sont plus intenses que d’habitude. J’essaye d’être hyper attentive aux signaux que mon corps m’envoie : je dois toujours prendre des pauses, mais je dois absolument éviter l’échec musculaire. Je gère tout ça de façon méthodique, je compte le nombre de mouvements que je fais : je sais qu’environ tous les dix mouvements, je prends une pause et puis je réduis petit à petit avec la fatigue qui s’accumule.

Pour réussir, il faut se connaître par cœur. L’idée est que, durant la performance, toutes ces stratégies bossées pendant l’entraînement se fassent naturellement.

Enfant, j’étais une tarée ! Je suis née dans une famille de gymnastes, j’ai appris à marcher dans la salle de gym de ma grand-mère qui me gardait le soir après l’école. La salle de gym est clairement devenue mon terrain de jeu. J’étais un vrai singe. Je passais ma vie à grimper partout, jusque sur le toit de mes parents.

J’ai ensuite continué la gym à haut niveau, j’ai fait la fac de sport et je suis devenue coach.  J’ai débuté dans la course à obstacles en 2014 quand j’ai accompagné une équipe. J’ai adoré et j’ai décidé de la faire seule l’année d’après.

En 2015, je suis arrivée deuxième en élite, deux semaines après je faisais les championnats du monde Spartan Race. Tout s’est enchaîné ensuite. J’ai alors découvert l’OCR, l’Obstacle Course Racing, où l’obstacle est plus technique. Ça c’est mon truc ! J’ai fait plus de 25 podiums internationaux. Ma plus belle victoire est la Spartan Race au Stade de France en 2018.

Ce sport de courses à obstacles, ça fait « guerrière » ! Les mecs sont hyper cools avec nous, je n’ai jamais senti de différence entre nous. En tout cas, moi, je me suis toujours sentie à ma place. Bien sûr, les performances sont différentes avec les hommes mais, parfois, on va plus vite que certains !

C’est un sport qui permet de se révéler en tant que femme, on prend confiance en soi : on voit qu’on est capable de franchir des murs de 2.50 mètres ou de porter une charge sur un certain nombre de mètres. Je le fais à un niveau élite mais 90 % des personnes qui viennent faire les courses le font à un niveau loisir. C’est ce que je trouve génial : on est tous sur le même parcours.

J’arrive à faire tout ça grâce à l’entraînement. Et puis, quand on est dans l’inconfort, il faut arriver à « hacker » son cerveau. Il va nous envoyer des signaux pour qu’on ne continue pas mais c’est là où il faut justement s’accrocher.

Pour ce nouveau défi sur la Tour Eiffel par exemple, je suis aussi motivée par une cause qui me tient personnellement à cœur et touche de près ma propre mère : soutenir la Ligue contre le cancer en récoltant des dons. Je me dis : « Ma mère se bat contre le cancer, toi, c’est quoi ton excuse ? Bats-toi, va chercher plus loin ». Je me dis que lorsqu’on a la chance d’être en bonne santé, il faut exploiter le corps humain à son summum, chacun à son niveau.

Avec cet exploit, je veux dire que rien n’est impossible. Si on s’engage à fond sur un projet, on peut y arriver. J’engage chacun de nous à sortir de sa zone de confort. Ce que j’aime le plus au monde, outre faire mon sport, c’est transmettre ma motivation et pousser les autres à se dépasser, à être dans une meilleure santé physique et mentale, à performer. J’ai créé ma société, Performance MC by Anouk Garnier, pour ça.

Avec ce défi, je ne serai plus seulement « Unstoppable » – le nom donné à mes conférences sur l’état d’esprit de la performance – mais je serai « Monumental ». Je rêve de développer ce concept à d’autres monuments dans le monde.

Pour la suite, j’ai très envie d’organiser des espèces d’expéditions en pleine autonomie à la Mike Horn car j’adore la nature. Et, bien sûr, de devenir, un jour, championne du monde professionnelle de courses à obstacles ! »

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