Coralie Lassource« Tokyo, je veux en profiter et kiffer ! »

Coralie Lassource
Rio lui avait échappé en raison d’une blessure. Elle ne laissera pas passer Tokyo. Coralie Lassource, 29 ans, s’apprête à disputer les premiers Jeux Olympiques de sa carrière de handballeuse, au Japon, du 23 juillet au 8 août. L’ailière gauche de Brest, toute récente finaliste de la Ligue des Champions, endossera, pour l’occasion, le rôle de capitaine de l’équipe de France. Rencontre avec une championne qui va droit au but.

Par Sophie Danger

Publié le 15 juillet 2021 à 11h36, mis à jour le 08 août 2024 à 14h00

Coralie, 2021 est un excellent cru pour toi. Tu es vice-championne d’Europe avec Brest, club avec lequel tu as également remporté la Coupe de France et le Championnat. Tu t’apprêtes désormais à t’envoler pour Tokyo où tu vas disputer les Jeux Olympiques avec l’équipe de France. Pour l’occasion, tu vas porter le brassard de capitaine. Cette nomination, toi qui n’as « que » 29 capes en Bleu, tu t’y attendais ?

Franchement, je ne m’y attendais vraiment pas du tout ! Quand je l’ai appris, je suis carrément tombée de ma chaise !

C’est Olivier Krumbholz (le sélectionneur des Bleues, Ndlr) qui est venue m’aborder au mois d’avril dernier pour me proposer le capitanat.

J’étais très très surprise parce que je ne suis pas la plus capée ni la plus expérimentée en équipe de France. Pour moi, c’était inattendu, je pensais que j’étais en train de rêver, j’étais sur les fesses.

Tu n’avais pas assez confiance en tes qualités de joueuse pour prétendre à un tel poste ?

Je n’ai fait que deux compétitions en équipe de France, le Mondial 2015 et l’Euro 2020.

Ces deux compétitions, qui plus est, je ne les ai pas disputées en entier. Pour la première, j’étais dans les tribunes puis je suis rentrée dans le groupe et, pour la deuxième, j’étais dans le groupe au début avant d’en sortir.

Tout cela fait que je n’ai pas vraiment une énorme expérience internationale et encore moins l’expérience des Jeux Olympiques. Or, je sais combien c’est spécial.

C’est un événement que l’on attend et qui n’arrive que tous les quatre ans et ça n’a rien à voir avec un Championnat d’Europe ou un Championnat du monde.

Comment tu l’appréhendes ce rôle ?

Il va falloir que j’arrive à me gérer moi et à gérer le groupe, mais j’ai su le faire avec Brest et, même si ce n’est pas tout à fait la même chose, il y a des similitudes.

C’est pour cela que je me suis permis de relever ce défi et on verra ce que ça donne.

En quoi le rôle de capitaine est différent quand on évolue en club ou en équipe de France ?

L’équipe de France, c’est l’équipe du pays et j’endosse le rôle de capitaine pour une occasion très spéciale. Il y a aussi le fait que l’on évolue en équipe de France par période, contrairement au club avec lequel on est de juillet à juin.

La période pré-Jeux Olympiques est super courte. Il faut savoir se mettre en place très rapidement. La chance que j’ai, c’est que je suis capitaine de Brest, une grande équipe, et que ce rôle n’est pas complètement nouveau pour moi.

Il me faut juste faire une petite transition.

Dans l’absolu, il représente quoi pour toi ce brassard ?

Pour moi, c’est la récompense de tout ce que j’ai pu faire avant. Par exemple, je suis allée jouer en Hongrie (Coralie a évolué à Erd, Ndlr) alors que je jouais à Paris auparavant.

Ça impliquait de quitter mon pays, de quitter ma famille. Même si je l’ai bien vécu, c’est un sacrifice.

Le hand, c’est quelque chose qui prend énormément de temps dans notre vie et je prends cette nomination comme une récompense.

Ça signifie que je ne me suis pas battue pour rien. Ma devise, c’est que le travail paie toujours et là, je vois le fruit de mon travail se concrétiser.

Tu as commencé à endosser ton nouveau rôle de capitaine à l’occasion de la préparation, quelles sont tes impressions ?

Honnêtement, je ne me suis pas mis la pression plus que ça. Dans un premier temps, j’avais besoin de savoir où je me situais en tant que joueuse.

Pour moi, il est très important d’être bien en tant que joueuse pour être bien en tant que capitaine. Je ne suis pas une personne qui va énormément parler du jeu, de l’attitude, du comportement en dehors du terrain.

Je suis plus une fille qui est actrice sur le terrain et qui, de part son activité, va essayer de booster les autres vers un objectif commun.

Olivier Krumbholz dit de toi que tu as à la fois une forte personnalité tout en étant discrète. Comment tu vas les motiver tes troupes, toi qui avoues être timide ?

Pour moi, tout se passe sur le terrain, ça ne passe pas forcément par les mots. Le terrain, c’est l’endroit où je m’exprime, le lieu où j’arrive à me lâcher, à être moi-même.

La discrétion, c’est dans la vie. Au quotidien, je ne suis pas celle qui est sur le devant de la scène, celle qui se met en avant mais sur le terrain par contre, je me bats à fond, je donne tout pour gagner un match.

C’est mon identité. Il y a un contraste entre ces deux pans de ma personnalité et sur un terrain, je me métamorphose.

Tu vas remplacer Siraba Dembélé-Pavlovic, capitaine depuis 2012, qui est blessée. Tu as eu l’occasion d’échanger avec elle, elle t’a donné des conseils ?

On s’est eues au téléphone fin avril. Je lui ai demandé quel était son rôle en tant que capitaine et elle m’a expliqué ce qu’elle faisait.

Elle m’a clairement dit de ne pas me prendre la tête, de rester moi-même. Moi, ça me va très bien.

Pour être bien en tant que capitaine, il faut que je sois bien dans ma tête, après, ça vient tout seul.

Les Jeux, ce sera une première pour toi. Tu aurais dû, normalement, participer à ceux de Rio en 2016, mais tu te blesses à la cuisse gauche et la sélection t’échappe. Comment as-tu vécu ce rendez-vous manqué ?

Je ne vais pas mentir, je l’ai très mal vécu, d’autant plus que les filles ont fait un excellent résultat (L’équipe de France a terminé 2e du tournoi olympique, Ndlr).

Quand je me suis blessée, on était encore trois en lice et la liste sortait environ cinq jours après.

C’était assez mitigé comme sensation parce qu’on se dit qu’on était tellement proche…

Par la suite, je suis partie en vacances et j’ai essayé de couper, de ne plus trop y penser pour pouvoir repartir pleinement pour la saison d’après.

En équipe de France de hand, il y a beaucoup de joueuses cadres installées. L’intégrer est difficile, tu as eu l’impression d’avoir laisser filer une chance qui pouvait éventuellement ne plus se présenter ?

Après Rio, J’ai fait la prépa pour l’Euro 2016 mais je n’ai pas été sélectionnée. En 2019, j’ai fait un stage durant lequel les joueuses cadres avaient été laissées au repos, un stage qui était plus axé sur les jeunes en vue de l’échéance 2024.

C’était dur parce que je savais que je n’étais pas forcément dans les cadres et je voulais tellement atteindre cet objectif !

Tout ça fait qu’aujourd’hui, quand je regarde ce que j’ai fait et où j’en suis maintenant, je suis trop fière.

Tu évoquais ton départ pour la Hongrie. Tu as pris le risque d’être moins visible en France en quittant le Championnat national, c’était important pour toi d’aller voir ailleurs ?

Je m’étais dit que, dans une carrière, c’était bien de voir autre chose. Ça faisait un moment que j’étais à Paris et j’avais envie de changer.

C’était une expérience enrichissante et en même temps compliquée. Après deux années, je n’avais qu’une envie, rentrer.

J’ai bien fait puisque je suis allée à Brest, un club qui a d’excellents résultats depuis 2019.

Maintenant, je suis de retour en équipe de France, qui plus est en tant que capitaine, donc c’est plus que pas mal.

Ces Jeux Olympiques auxquels tu t’apprêtes à participer, ils représentent quoi pour toi ?

C’est un truc de fou ! J’ai d’ailleurs encore un peu de mal à vraiment réaliser et je pense que ça s’explique par le fait d’avoir été si proche de pouvoir y participer en 2016 et de m’être blessée à ce moment précis.

Il y a un peu de ça qui me reste en tête. Même si je veux le zapper totalement, il y a encore une petite crainte et le covid n’arrange rien.

Mais, me connaissant, je vais vraiment réaliser quand je serai au Japon et là, je pense que je me dirai : “Wahouuu, j’y suis !“.

Ces Jeux, malgré tout, vont être quand même assez bizarres. Avec les nouvelles restrictions, il n’y aura pas de public et la vie au village sera, je pense, totalement différente des Jeux Olympiques précédents.

Ce sera donc un sentiment mitigé parce que tu vis les Jeux mais tu ne les vis pas pleinement.

L’avantage, c’est que dans trois ans ça recommence et, qui plus est, à la maison…

J’espère que je vais pouvoir les faire. Je vais me focaliser sur Tokyo car ils arrivent très vite, mais si j’ai la chance de pouvoir vivre deux Jeux olympiques dans ma carrière, ce serait vraiment un pur bonheur.

Par rapport à Rio, tu te sens comment dans ton hand ? Plus mûre, plus assurée ?

Je suis aussi mitigée sur ce sujet. Je me dis que j’ai vécu des compétitions intenses, le Final Four de la Ligue des Champions par exemple, avec des enjeux très importants  et des équipes très fortes dans lesquelles évoluent beaucoup d’étrangères.

Le contexte est un peu similaire mais, malgré tout, Tokyo, ça reste des Jeux Olympiques et il est possible que, lors du premier match, je ressente du stress.

D’un côté, je vais me dire : “Ça y est, je l’ai fait“ et, dans le même temps, je vais ressasser tout mon passé par rapport à l’équipe de France.

Quoi qu’il en soit, je veux que la joie et la volonté de vivre l’instant présent prennent le dessus. Je veux pleinement en profiter et kiffer parce que cet évènement-là ne se représentera peut-être pas et je n’ai pas envie de regretter.

Je vais peut-être ressentir un peu de stress mais, au coup de sifflet, ce sera parti, il faudra juste lâcher les chevaux !

Comment tu les abordes ces Jeux, comment tu sens l’équipe ?

On a toutes envie de ramener une médaille à la maison alors on est toutes focus. Lors de notre premier match amical, ça faisait longtemps que l’on n’avait pas joué avec l’équipe de France et il y a eu un peu de frustration (Défaite face à la Norvège 21-30 le 4 juillet dernier, Ndlr).

En revanche, lors du second match amical (28-28 face aux mêmes Norvégiennes deux jours plus tard, Ndlr), on avait Tokyo en tête et on a sorti un jeu digne de l’équipe de France.

Malgré les absences de certaines joueuses à ce moment-là, l’état d’esprit était top. On sent que l’on a toute hâte que ça commence.

Repartir de Tokyo satisfaite, ça signifierait quoi pour toi ?

Un bon résultat et peu importe le résultat. Enfin je dis ça maintenant !

Je veux juste être contente et fière d’avoir pu participer à ces Jeux, mais je le serai d’autant plus si on ramène une médaille.

Je ne veux rien regretter, je veux que l’on joue toutes comme on sait le faire, que l’on joue notre meilleur handball pour pouvoir rentrer sans regret.

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