À une époque où le port de signes religieux ne cesse de faire débat, l’histoire de deux jeunes arbitres de la fédération française de handball voilées (FFHB), ayant récemment annoncé l’arrêt brutal de leur parcours vers le haut niveau, démontre que le sujet est loin d’être clos.
Cette fin de carrière prématurée est intervenue à la suite d’un communiqué de la FFHB, les rappelant à la réglementation concernant la tenue d’arbitre ainsi que sur l’interdiction du port du voile.
Diffusée sur les réseaux sociaux, cette nouvelle interroge, quand on sait que la FFHB autorise le port de signes religieux ou confessionnels pour ses joueuses ; contrairement à la fédération française de football qui, par exemple, l’interdit.
En tout état de cause, le statut d’arbitre sportif semble permettre un exercice différencié de la liberté de conscience et de religion, au sein d’une même fédération.
- Quel statut pour l’arbitre sportif en France ?
D’ores et déjà, il convient de préciser qu’en matière sportive, il existe une très grande diversité de catégories d’arbitres, notamment du fait de la multiplicité des disciplines et règles du jeu applicables.
Juges, juges-arbitres, commissaires, notateurs, évaluateurs, responsables de jury, chronométreurs, officiels, commissaires, principaux ou assistants, juges de chaise, juges de côté, juges de ligne, juges de touche, juges de mêlée…la multitude des dénominations témoignent de l’identité plurielle de l’arbitre sportif.
Parfois au cœur de l’action, il se confond dans certains sports avec les athlètes de la partie ; parfois à l’extérieur du terrain, il peut être interdit de tout déplacement.
Ses décisions peuvent intervenir en cours d’action, ou a posteriori, par l’attribution de notes. Il contrôle l’application des règles du jeu, jusqu’à leur interprétation, érigeant une véritable jurisprudence qui régule sa discipline.
Ainsi, c’est seulement en 2006, par la loi n° 2006-1294 du 23 octobre 2006 portant diverses dispositions relatives aux arbitres, que l’Etat est intervenu pour tenter de définir les contours de son statut.
L’autre raison qui explique cette tardiveté législative vient aussi du fait que l’activité arbitrale est foncièrement paradoxale.
En effet, d’une part, il existe un lien de subordination entre l’arbitre sportif et sa fédération de rattachement, notamment car c’est la fédération, elle-même délégataire d’un service public, qui désigne les arbitres pour officier à l’occasion d’une compétition.
D’autre part, l’arbitrage nécessite une certaine autonomie, corollaire de l’impartialité, absolument nécessaire à l’exercice de sa fonction.
En outre, l’arbitre sportif bénéficie d’une protection pénale accordées aux personnes chargées d’une mission de service public. La reconnaissance d’un tel statut permet notamment d’aggraver les peines encourues pour les principales infractions d’atteintes auxdites personnes.
C’est dans ce cadre que l’article 223-2 du code du sport reconnaît aujourd’hui l’arbitre sportif comme chargé d’une mission de service public.
- Quelles conséquences sur sa liberté de conscience et de religion ?
La reconnaissance d’une telle mission de service public à l’égard de l’arbitre sportif entraîne de nombreuses conséquences sur ses droits et obligations.
Parmi elles, la restriction de la liberté de conscience et de religion, commise par l’ingérence étatique, trouvant sa source dans le principe de laïcité et de neutralité des services publics.
Pour rappel, c’est la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, qui fonde ledit principe de neutralité de l’Etat en matière religieuse. Aussi, la laïcité et l’exigence de neutralité de l’Etat sont consacrées à l’article 1er de la Constitution de 1958.
Une telle limitation pesant sur la liberté des personnes incarnant le service public est riche de lois et de jurisprudences. Les juges du Palais-Royal sont d’ailleurs déjà allés jusqu’à s’intéresser à la question de la pilosité faciale d’un agent, dont l’absence de soin suggérait à sa hiérarchie l’appartenance de l’intéressé à la mouvance islamiste (CE, 12 février 2020, Monsieur B, n°418299).
Ainsi, c’est l’interprétation singulière du principe de laïcité à la française, axée sur la protection de la liberté de conscience et de l’égalité des usagers, qui constitue un tel vivier d’interdictions.
La France n’a pas fait le choix de favoriser l’universalisme et le respect de la culture des arbitres sportifs, contrairement à la position du CIO, ou plus largement, aux valeurs que le sport est censé véhiculer.
Dès lors, il convient de reconnaître que le monde du sport est, lui aussi, susceptible de constituer un vecteur de discriminations.