Senda Berenson Celle qui a conjugué le basket au féminin
Longtemps réfractaire à l’éducation physique, Senda Berenson s’est servie du sport pour renforcer sa constitution fragile. Devenue professeure de sport à Boston, elle s’est mise en tête d’y convertir ses élèves en les initiant à une discipline toute jeune, le basketball. Retour sur le parcours d’une pionnière qui a su saisir la balle au bond.
Par Sophie Danger
Publié le 09 août 2021 à 16h48, mis à jour le 13 avril 2023 à 15h39
Elle n’a longtemps vécu que pour la musique. Avant qu’un concours de circonstances extraordinaire ne change radicalement sa destinée. Senda Berenson, disparue en 1954 à l’âge de 76 ans, a marqué, de manière indélébile, l’Histoire du sport en mettant le basket à portée de femme.
Une épopée fantastique qui débute en 1890 aux États-Unis. Senda Berenson a alors 22 ans. Née en 1868 à Butrimonys, une petite bourgade de Lituanie, elle vit depuis une quinzaine d’années dans la région de Boston (Massachusetts) où ses parents se sont installés après avoir quitté l’Empire Russe.
Sensible et passionnée par les arts, elle ne rêve que de peinture, de littérature et de piano. Sa constitution fragile va malheureusement, très tôt, contrarier ses projets de carrière.
Diminuée par un dos récalcitrant, elle se voit contrainte de renoncer au Conservatoire de musique et sombre dans une profonde dépression.
Son entrée à la Boston Normal School of Gymnastic va lui permettre de reprendre doucement pied. Senda Berenson ne nourrit qu’un intérêt – limité – pour l’éducation physique, mais la gymnastique suédoise a bonne presse. Elle pourrait y gagner en robustesse et reprendre ainsi le cours de ses études musicales.
La tentation est grande pour la jeune Américaine qui décide de tenter l’aventure. Problème, l’entrée est soumise à deux conditions : être diplômée et en bonne santé. Or, elle n’en remplit aucune.
Son profil retient néanmoins l’attention de la directrice de l’établissement, Amy Morris Homans, qui voit dans sa candidature une opportunité unique de prouver, sans contestation possible, les bienfaits du sport sur la santé.
Malgré la bonne volonté dont elle fait preuve, les premiers mois vont se révéler complexes pour Senda Berenson. Les cours sont exigeants et les douleurs engendrées par la pratique intensive de la gymnastique difficilement supportables.
Inscrite pour une année, elle décide, malgré tout, de s’accrocher. Et le miracle opère. Arrivée au terme de son cursus, elle est capable, à son tour, d’endurer, sans souffrir, ses deux heures quotidiennes d’éducation physique.
Le pari d’Amy Morris Homans est gagné et Senda Berenson est mandatée, en qualité de professeur, pour prêcher la bonne parole au Smith College puis à la Northampton High School.
L’accueil, dans l’ensemble, s’avère plutôt favorable. Pour autant, si l’encadrement est réceptif, les élèves le sont moins. L’époque valorise les femmes frêles et la majorité des étudiantes rechigne à se faire violence physiquement. Mais Senda Berenson ne renonce pas pour autant.
La gymnastique suédoise est jugée ennuyeuse, qu’à cela ne tienne, elle trouvera d’autres alternatives ! Le basketball sera l’une d’elles. La discipline n’a que quelques mois lorsqu’elle en entend parler pour la première fois.
Tout droit sortie de l’imagination du docteur James Naismith, professeur de sport à l’université de Springfield, elle consiste à faire pénétrer une balle dans une caisse de bois installée en hauteur dans un gymnase.
James Naismith, professeur de sport à l’université de Springfield, inventeur du basketball
L’idée fait son chemin et, au printemps 1892, Senda Berenson organise une première initiation basket à la Northampton High School. Le succès est immédiat.
L’année suivante, elle va plus loin et propose des rencontres inter-classes. Une fois encore, l’adhésion est générale.
Seul souci, le basket a été inventé par un homme à destination d’autres hommes. La professeure de sport va donc se charger de le mettre à portée d’un public féminin en en modifiant les règles.
Dorénavant, le terrain sera divisé en trois zones et chacune des joueuses qui y est assignée aura pour interdiction d’en sortir.
Autre adaptation notable, la conservation de la balle est limitée à trois secondes et les dribbles ne doivent pas excéder trois rebonds. Enfin, il est formellement défendu de reprendre le ballon à une adversaire.
Revu et corrigé, le basketball féminin va progressivement se diffuser à travers tout le pays avant de traverser l’Atlantique et de se propager en Europe.
À la demande de la division féminine de l’American Association for Health, Physical Education and Recreation – l’Association américaine pour la santé, l’éducation physique et les loisirs – Senda Berenson planche sur une version écrite du règlement.
Éditée par la Spalding’s Athletic Library en 1901 sous le titre « Basket Ball Guide for Women », elle fera office de guide de référence pour les aspirantes basketteuses jusque dans les années 60.
Quatre ans plus tard, Senda Berenson participe à la création du Comité Américain de Basketball pour les femmes qui deviendra, plus tard, la National Association for Girls and Women in Sports. Elle en sera la présidente durant dix-sept ans.
Senda Berenson continuera à enseigner jusqu’au début des années 20. Elle consacrera, par la suite, le reste de sa vie à voyager et à étudier l’art et la musique.
En 1984, trois décennies après sa disparition, elle est intronisée au Naismith Memorial Basketball Hall.
Première femme à recevoir un tel honneur, elle est récompensée, à titre posthume, pour son immense contribution au basketball féminin.
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