L’étape Albi-Blagnac de ce Tour de France Femmes qui s’inscrit au plat du jour nous était rendue comme une évidence. Vendue aux ogresses sprinteuses, ces croqueuses de lignes blanches, celles qui s’imaginaient fendre la dernière ligne d’arrivée propice à leurs atouts, ont vu dans une débauche d’efforts s’envoler leurs espoirs de victoire, sous la fougue et l’audace d’une jeune Danoise.
Échappée en compagnie de deux autres coureuses, Emma Norsgaard, de l’équipe Movistar, aura résisté de justesse au retour d’un peloton paniquard.
Trouvera-t-on alors légitime de s’interroger si la chance sourit vraiment aux audacieuses ? Il est souvent convenu que les portes du succès trouvent leurs clés dans la détermination, les efforts ou le talent. Mais si l’audace, c’était de forcer sa chance ?
« I took a chance and reached for the stars », s’exclama à l’arrivée Emma Norsgaard. Traduisez : « J’ai pris ma chance et j’ai visé les étoiles ».
Richard Wiseman, professeur en psychologie et directeur d’un laboratoire de recherche à l’Université de Hertfordshire en Angleterre a suivi plus de quatre-cents personnes pendant près de huit années. Son équipe et lui identifièrent quatre mécanismes inconscients, communs aux personnes chanceuses : repérer les occasions favorables, écouter son intuition, adopter en toutes circonstances une attitude positive et enfin tirer profit de ses expériences malheureuses.
À l’heure où nous quittons nos bureaux et clôturons à la hâte nos dossiers pour nous en aller vivre des heures joyeuses en bords de terrasses, celle qui s’était cassée la clavicule plus tôt cette année, tira non pas au fût mais au clair et sans pression, les quatre préceptes de la chance selon Wiseman.
Si l’on dit de l’Art de la Fugue qu’elle fut inachevée par Jean Sébastien Bach, Norsgaard quant à elle livra une partition complète. C’est ainsi que le récital fugitif de la course cycliste de juillet continue de tourner. Mais comment se compose la partition du succès ? Quels en sont les mots, quelles en sont les notes ?
Interrogée sur ses émotions, Emma Norsgaard déclara : « I’m lost for words, really… I’m lost for words ». Traduisez : « Je n’ai pas les mots, vraiment… Je n’ai pas les mots ».
Les partitions, du succès et des échecs, parfois se construisent dans le silence. Le silence de l’instant présent soustrait au seul geste sportif.