« Le sport ça a toujours fait partie de ma vie, depuis toute petite. Je viens du sud de la France à l’origine, d’une famille très nombreuse, on est six enfants, ce n’est pas commun. Chez nous, on a toujours été habitués à l’extérieur, en fait mes parents ont un domaine viticole, donc on a beaucoup d’espaces, et on a toujours énormément fait de sport dehors : vélo, course à pied, je faisais du tennis en compétition aussi. Avec mes frères et sœurs, on était tout le temps dehors, on est des touches à tout et on aimait profondément le sport.
C’est dans cet environnement que je découvre les deux sports qui vont me suivre le plus longtemps : la course à pied et la natation. C’est venu assez naturellement, c’était deux éléments dans lesquels je me sentais bien et, la course à pied, ça a toujours été ma zone à moi, dehors dans la nature. Je prenais mes baskets, c’était facile, je partais me balader dans les vignes et j’allais m’exiler dans ma « petite bulle » c’était mon petit moment à moi pour échapper un peu à tous mes frères et sœurs.
La natation, c’est plutôt parce que j’ai toujours été très aquatique, j’adore l’eau, c’est vraiment un élément qui me plaît, qui m’attire, où je me sens bien. C’est un peu pareil que la course, c’est un endroit où je me sens dans un cocon.
Ça, c’était il y a encore cinq ans avant que je ne découvre le triathlon. C’est ma grande sœur qui, à force d’enchaîner les marathons, m’a dit un jour : « Bon Alice, là il est temps de passer à l’étape supérieur, à quelque chose de plus difficile : fais du triathlon puis tu feras un Ironman ». C’est parti de là, elle a mis sa petite graine dans ma tête et je me suis dit qu’elle avait raison. Je suis tombé totalement amoureuse de ce sport, je le pratique tout le temps aujourd’hui et ça me permet d’allier toutes mes disciplines préférées.
Également, grâce au triathlon, ma pratique du vélo est devenue plus sérieuse parce qu’avant je le pratiquais mais davantage en loisir, je faisais un peu de tout. Avec le triathlon, je me suis vraiment intéressée au côté entraînement sur vélo de route et j’ai de suite accroché.
La course à pied, c’est bien, mais tu ne peux pas aller très loin, grand maximum tu fais un marathon, c’est 42 kilomètres. En vélo, quand tu commences à avoir un bon niveau, tu peux faire des sorties de 160 kilomètres, tu peux voir énormément de choses. Pouvoir aller très loin assez vite, ça m’a séduit. Et puis aussi l’aspect vitesse qui est assez excitant, mais c’est surtout l’envie de découverte et la soif de voir des choses.
Tout ça m’a mené, presque par hasard, à devenir il y a un an capitaine du club Skoda We Love Cycling de la région Nouvelle-Aquitaine (treize clubs répartis sur le territoire français qui organise des sorties vélos pour tous niveaux, Ndlr). Je suivais déjà le programme We Love Cycling via les réseaux. Je voyais qu’en région Pacca c’était très actif, ils organisaient beaucoup de sorties, je trouvais ça génial comme programme, donc j’ai regardé en Nouvelle-Aquitaine ce qu’il en était.
À l’époque, il n’y avait qu’un capitaine basé à Poitiers, très loin de chez moi qui réside dans le sud de la région. Je me voyais mal faire quatre heures de route pour une sortie vélo, donc je suivais de loin, sans trop pouvoir rentrer dans le programme. Puis, il y a un an, j’ai appris que ce capitaine cherchait à se faire remplacer, alors j’ai tout de suite candidaté et ça s’est fait comme ça.
En tant que capitaine, j’ai beaucoup d’aspects différents à gérer, sur le vélo mais aussi en dehors du vélo. En dehors, ça va être beaucoup d’échanges avec la communauté sur les réseaux sociaux, je suis un peu le relais de toutes les infos. J’essaye d’écouter au maximum les besoins des autres, si je peux répondre à une demande, je fais sans problème.
Sur le vélo, là c’est vraiment un rôle d’encadrant. C’est moi qui contacte les concessions en amont pour savoir quel jour on peut venir, comment on peut s’organiser etc. En général, les concessions offrent les petits déjeuners. Moi je m’occupe du tracé, de l’allure, parce qu’on a trois niveaux différents : débutants, intermédiaire, avancé. Ce sont toujours des boucles, mais j’adapte selon le niveau de la sortie, il faut répondre aux exigences du plus grand nombre. J’ai la chance d’être une femme donc, en plus, je peux organiser des sorties 100 % féminines. J’anime, je fais un petit briefing de sécurité et ensuite on part à l’aventure.
Autre aspect sur lequel je suis chanceuse : dans ma région on est deux capitaines, je partage le capitanat avec un autre cycliste qui s’appelle Rémi Diaz. C’est génial parce qu’on peut étendre beaucoup plus notre activité. Moi, je gère plutôt la partie sud, lui la partie nord. On se tient au courant de ce qu’on fait l’un l’autre, et on alterne.
Très vite quand on voit que je partage le capitanat avec un homme, on pourrait se poser la question du rapport homme-femme dans mon milieu, surtout le cyclisme qui a souvent été considéré comme très masculin. Historiquement c’est vrai. Quand on regarde les statistiques, il y a davantage de pratiquants hommes que femmes. Je pense que c’est culturel, mais c’est en train de changer, on est là pour inverser la tendance et montrer qu’en fait les filles peuvent faire du vélo aussi. Avec le retour du Tour de France Femmes, ça incite les petites filles à se dire que c’est possible, même nous, à notre petite échelle, on joue un rôle de modèle.
Le 28 juin, je participe d’ailleurs à un évènement qui va dans le sens de la démocratisation du cyclisme féminin, le projet « J-1 ». C’est un projet organisé par l’association « Donnons des elles au vélo » qui promeut la pratique féminine du cyclisme. Une asso lancée par Claire Floret. En résumé, chaque année depuis 2015, entre neuf et treize femmes, toutes amatrices comme moi, partent 1 jour avant les hommes sur le tracé du Tour de France masculin, elles font toutes les étapes avec un jour d’avance.
Cette année, j’ai la chance de faire partie de l’équipe, le départ est prévu ce 28 juin de Florence et on arrivera le 20 juillet à Nice en faisant le même nombre de kilomètres que les mecs et exactement sur les mêmes routes. Tous les jours, on embarquera aussi avec nous trente-cinq hommes et trente-cinq femmes sur une étape. Ça, c’est génial pour le partage et c’est très important pour nous qu’il y ait autant de femmes que d’hommes, ça permet de promouvoir l’égalité dans le cyclisme.
Finalement ce projet, c’est vraiment comme si j’allais faire le Tour. C’est incroyable, c’est un rêve, tout le monde connaît le Tour. Moi, quand j’étais petite, il passait en bas de chez moi. Me dire que je vais faire la même chose qu’eux à mon âge, c’est une chance inouïe, c’est inimaginable ! D’autant plus dans les meilleures conditions avec tout un staff autour. Mais même au-delà de l’accomplissement personnel, ce que j’aime particulièrement, c’est le message qu’on va renvoyer et le fait de le partager. Je pense que si on m’avait dit « Tu fais le Tour de France mais toute seule » je ne suis pas certaine que je l’aurais fait. Le partage, c’est ce qui me plaît le plus.
Physiquement et musculairement, on est suivies depuis six mois donc, même si ça va être difficile évidemment, ce n’est pas sur ce plan-là que je me fais le plus de soucis. Ce qui m’inquiète le plus, c’est comment je vais réagir au manque de sommeil. On part très tôt pour accueillir les gens, on reste jusque tard avec eux aussi, on n’aura pas un sommeil ultra optimisé et c’est ça ma plus grosse appréhension. Mais, comparé à l’excitation du fait de rencontrer des gens, partager cette expérience et le rêve que c’est en soi, la peur ne fait pas le poids.
Sinon, « J-1 » c’est loin d’être une finalité pour moi, j’ai encore plein d’autres objectifs en tête. Sportivement, je me suis inscrite à mon premier Ironman qui sera pour 2025. J’avais déjà fait des semis, mais là on part sur le full distance : 3,8km de natation, 180km de vélo, et pour finir un marathon. Je combine un peu tous mes sports et je me fais ma petite popote.
Une dernière chose, j’aimerais continuer à faire grandir la communauté cycliste. J’ai déjà réussi à connecter des gens qui aujourd’hui roulent ensemble, je veux continuer de le faire, c’est une très grande fierté.
D'autres épisodes de "Cyclisme, dans la roue des sportives"