Le 24 septembre 2023, sur le marathon de Berlin, l’Éthiopienne Tigist Assefa, 28 ans, devint la nouvelle reine du marathon, bouclant les 42,195 km en 2 h 11’’52. Mais pour que ces championnes puissent gagner à grandes foulées, il a fallu que d’autres filles intrépides battent le pavé. Histoire express d’une course longue distance conjuguée au féminin.
Par Clotilde Boudet
Publié le 29 décembre 2021 à 17h48, mis à jour le 24 septembre 2023 à 11h37
On a longtemps cru les femmes incapables de courir les 42,195 km d’un marathon…
Il y eut quelques échappées belles, notamment en France où, le 29 septembre 1918, Marie-Louise Ledru s’engagea au milieu des hommes pour un « Tour de Paris » en 5 heures et 40 minutes, terminant à la 38e place sur 78 concurrents.
Même si d’autres lui ont volé la vedette, elle est considérée comme la première femme à avoir participé à un marathon.
Ou encore la Britannique Violet Piercy, officiellement déclarée première détentrice du record au marathon pour une femme par l’Association internationale des fédérations d’athlétisme. C’était le 3 octobre 1926, entre Windsor et Londres, et elle affichait un temps de 3 heures 40 minutes et 22 secondes.
Des exceptions trop vite oubliées et en dehors des grandes compétitions. Jusqu’en 1960, la plus longue course féminine des Jeux Olympiques était le 800m.
À cette époque, la femme, même athlète, est encore vu comme un vaisseau : elle ne doit rien faire qui puisse potentiellement l’empêcher d’enfanter. Et encore moins pour s’enlaidir. Or, la course rend les femmes « disgracieuses » dit-on alors…
En décembre 1963, Mary Lepper participe clandestinement au marathon de Culver City, en Californie. À ses côtés, une autre intrépide, sa copine Lyn Carman qui ne terminera pas le marathon mais s’écriera à l’attention des officiels qui tentent de les arrêter : « J’ai le droit de courir dans la rue ! »
Mary Lepper, elle, bouclera le marathon en 3h 37 min et 07 sec. Même si l’histoire l’a laissé sombrer dans l’oubli, elle est considérée comme l’une des premières recordwomen de la discipline.
Mary Lepper à droite, au côté de sa partenaire de course, Lyn Carman.
Trois ans plus tard, une autre jeune femme s’élance sans autorisation sur un marathon, celui de Boston.
Roberta Gibb, surnommée « Bobbi » n’avait alors que deux années d’expérience dans la course. Ce qui ne l’empêcha pas de jaillir d’un buisson, au milieu du cortège de coureurs, « déguisé » en homme.
Lorsque ses homologues masculins la démasquent, ils forment un cercle autour d’elle pour s’assurer qu’elle arrive au bout de son marathon. Ce qu’elle fit, en 3h 21min 40 sec !
Ce jour-là, seul un tiers des 415 concurrents obtint un meilleur chrono que Roberta…
La Une du Record American en 1966 : Bobbi Gibb courant le marathon incognito et sans dossard.
L’un des coureurs dépassés par Bobbi Gibb, un certain Tom Miller, se trouve être le petit ami d’une autre jeune Américaine prénommée Kathrine Switzer.
Ensemble, ils s’entraînent à la course à l’Université de Syracuse, New York. Inspirée par « Bobbi », Kathrine décide que l’année suivante, elle aussi participera au marathon de Boston… Mais pas clandestinement.
Elle s’inscrit donc sous le nom « K. V. Switzer » et, le 19 avril 1967, prend le départ du marathon avec le dossard n° 261 accroché au maillot.
Kathrine court la tête haute, suivie de près par son petit-ami et son coach, Arnie Briggs. Lorsqu’un des officiels réalise qu’une femme participe à la course, il va tout faire pour l’arrêter.
Les photos de Jock Semple poursuivant Katherine, bien décidé à l’arrêter avant d’être envoyé dans le décor par le (très) costaud Tom Miller, ont fait le tour du monde !
La jeune femme a pu terminer sa course, en 4h 20 min.
Bobbi Gibb, qui elle aussi courait cette édition (toujours officieusement), n’a jamais pu passer la ligne d’arrivée. Les officiels formèrent une chaîne humaine pour l’en empêcher.
Quant à Kathrine Switzer, elle est disqualifiée et suspendue par la Fédération américaine d’athlétisme (AAU).
Trente ans plus tard, en 1996, la Boston Athletic Association (BAA) a enfin officialisé les temps de Roberta Gibb pour les années 1966, 1967 (3h27) et 1968 (3h30).
La course mythique de Boston ne s’est ouverte aux femmes qu’à partir de 1972. Cette année-là, l’américaine Nina Kuscsik est la première des neuf participantes à finir la boucle, en 3h 10 min et 26 sec.
À l’époque, les femmes sont autorisées à courir à condition qu’elles partent dix minutes avant les hommes. Nina et cinq autres coureuses s’assirent sur la ligne de départ pour protester contre cette règle absurde.
Nina Kuscsik s’est battue pour que les femmes aient le droit de participer aux marathons dans les mêmes conditions que les hommes.
Environ dix ans plus tard, le marathon féminin a fait son entrée aux championnats du monde d’athlétisme (1983) puis aux JO 1984 de Los Angeles qui marquera les esprits avec cette arrivée titubante de la Suissesse Gabrielle Andersen.
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