Noëlie : « Quand je roule, c’est un sentiment de liberté et de joie qui m’anime. »Designer, cycliste, 32 ans
Maman d’un enfant en bas âge, la trentenaire Noëlie n’a pourtant jamais lâché le guidon et s’est fait une place de choix dans le monde du vélo. Son prochain défi ? La course reine de l’ultra-cyclisme, la RAF 2500km, sans assistance et en totale autonomie. Avec sa coéquipière Elsa, elles seront le premier duo féminin de toute l’histoire de la RAF. De vraies Indiana Jones au féminin !
Propos recueillis par Claire Bonnot
Publié le 18 mars 2024 à 8h52, mis à jour le 19 mars 2024 à 16h42
« Petite, je me déplaçais toujours à vélo pour aller à l’école de mon village. Mais je n’aurais jamais pensé que ça deviendrait un sport car personne de mon entourage n’en faisait. J’ai pratiqué le tennis pendant dix ans et j’ai enchaîné avec le badminton pendant douze ans – j’aijoué en national sans pour autant suivre la voie du sport–étude.
J’ai donc vraiment découvert le vélo avec mon conjoint qui pratiquait le triathlon longue distance. Je me suis mise à rouler avec lui et ça a été fabuleux de partager ce sentiment de liberté et de puissance offert par le vélo !
J’ai très vite eu envie de me mettre au triathlon. J’ai vu les choses en grand et je me suis faite accompagner par un entraîneur, Loïc Lepoutre. J’ai bouclémon premier longue distance en 2020.
En 2021, je découvre que je suis enceinte mais je continue de rouler énormément avec mon conjoint qui prépare à ce moment-là la RAF 2500km (Race Across France). Et, bien sûr, ça me donne envie de me lancer moi aussi dans l’ultra vélo…
C’est décidé : je ne veux plus faire que ça : du vélo !
Je veux vivre des aventures incroyables, faire de super rencontres, vibrer au rythme des choses simples de la vie … car sur des courses pareilles, il faut gérer son sommeil, son alimentation, son hydratation… Ça faisait sens avec le fait que j’étais devenue maman. Je voulais aussi montrer qu’en tant que femme et mère, on peut quand même aller au bout de projets comme ça.
J’enchaîne alors les courses d’ultra-cyclisme : la RAF 370km, mon bébé a 8 mois. La Gravelman Breizh 350km, la Race Across Paris 500km et la RAF 1000km. Et c’est sur cette course que je rencontre Elsa, celle avec qui je pars sur ma prochaine aventure… historique : le premier duo féminin de la Race Across France 2500km, ce sera nous ! Et il n’y a que 6 % de femmes sur cette épreuve.
Top départ ? En juin 2024 à Lille. Prêt…feu…partez ! Sur ce genre de courses, mon mental se forge comme celui d’une pro. Je me donne les moyens pour repousser mes limites !
Sur la RAF 1000km, l’idée était de me découvrir sur ce type de courses longue distance et de voir comment j’enchaînais les kilomètres sans pression d’objectif de temps. La veille, c’était pasta party à Megève, c’est là que j’ai fait la connaissance d’Elsa qui est ambassadrice de la RAF et vit à New York.
Elle me demande si j’ai de quoi dormir sur le parcours, je lui réponds que j’ai un petit matelas toujours avec moi pour m’allonger n’importe où dès que je fatigue. Elle me propose alors de partager un logement avec d’autres coureurs. Je décide de m’offrir un vrai lit deux nuits de suite et pour la troisième nuit, on se recroise sur la route. On n’a pas le droit de rouler ensemble car ça peut être considéré comme de l’assistance, or c’est une course en totale autonomie et sans assistance extérieure. Mais on peut rouler côte à côte.
Elsa me dit qu’elle aimerait rouler avec moi car j’ai l’air de bien gérer mon temps, elle trouve qu’elle est partie trop vite. C’est à ce moment-là que l’orage éclate et que la course est interrompue. On s’arrête dans le premier abri, une distillerie. Chance, la propriétaire a une maison aménagée avec lits et cuisine pour ses équipes. Le lendemain, on décide de ne plus se quitter sur la route. On s’est dit « On franchit la ligne d’arrivée main dans la main ». Notre duo était scellé !
La RAF 2500km, c’était une idée lointaine… Ça avait déjà été tellement dur le 1000km ! Alors, un jour, j’ai dit à Elsa : « Si tu la fais, je la fais». Elsa ne recule devant rien, elle a même traversé les États-Unis en vélo, de New York à San Diego…
En plus, on allait devenir le premier duo 100 % féminin de toute l’histoire de cette course ! On s’est inscrites au mois d’octobre 2023. On sait qu’on n’abandonnera jamais, on s’entraîne pour ça. Sauf cas de force majeure, évidemment. Mentalement, on va devoir gérer notre propre physiologie mais aussi celle de l’autre parce qu’on va devoir rouler ensemble tout le temps. Ce n’est pas un relais.
Notre course est aussi un projet caritatif : nous faisons une levée de fonds pour l’Association Aladin qui réalise des rêves d’enfants gravement malades ou hospitalisés pour une longue durée, au CHU de Bordeaux. En avril, nous allons faire voyager Coline, une jeune fille polyhandicapée, à travers la France, et l’emmener à Disneyland avec sa famille le temps d’un week-end.
Sur la route, je ne me suis jamais fait de grosses frayeurs même si c’est vrai qu’on est carrément seules dans la nature parfois, et souvent dans la nuit. Moi, ce dont j’ai le plus peur, ce sont des animaux qui traversent la route. Et puis, on est aussi tributaires du temps, orages, pluie, grêle, vent, cagnard… C’est vraiment l’aventure !
Quand je roule, je pense à plein de choses, c’est incontrôlable, et c’est un sentiment de liberté et de joie qui m’anime. Souvent, on a un quotidien très prenant sur le plan de la charge mentale – boulot, famille, entraînements – et là, on n’a qu’à se gérer soi-même, c’est reposant.
La course est l’aboutissement d’un long projet prévu en amont et qui s’étale sur plusieurs mois … On n’a plus qu’à profiter, c’est reposant, c’est un sentiment incroyable ! Je m’évade…
Et puis, les paysages sont magnifiques, la route est calme, on rencontre des locaux qui nous motivent…
L’ultra-cyclisme est un milieuhyper accessible à toutes les femmes. Il n’y a pas besoin d’une grosse préparation pour se mettre sur un vélo et il y a moins de risques de blessures que la course à pied, par exemple. La seule limite peut être financière. Ou bien peut-être celle de ne pas oser prendre du temps pour ça, surtout quand on a une famille. Mais c’est important de s’offrir cet espace de décompression.
Quand on a accouché, par exemple, on cherche à se réapproprier son corps et le sport permet de retrouver confiance en nos capacités.
Je dirais à toutes les femmes qui veulent se lancer sur la piste de l’ultra vélo qu’il ne faut pas hésiter parce qu’on a toute notre place. On se dit souvent que c’est trop dur et que c’est réservé aux hommes alors qu’on a une belle part à jouer : nous, les femmes, on est meilleures en gestion de l’effort sur la longue distance, on est patientes dans l’endurance. Et on a une capacité de résilience en toutes situations ! »
Pour soutenir l’association Aladin, rendez-vous sur leur cagnotte.
Pour supporter les deux ultra-cyclistes sur les bords de route cet été, direction l’Instagram de Noëlie et Elsa.
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