Une question de survie. Née dans un foyer modeste du nord-est de l’Inde, Deepika Kumari est devenue archère dans le seul but de manger à sa faim. À bientôt 27 ans, l’ex-N°1 mondiale a de l'appétit et ne cache pas son impatience de se mettre à table lors des JO de Tokyo.
Par Sophie Danger
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Le récit de sa courte vie ressemble à s’y méprendre à un scenario hollywoodien. Née dans un foyer très modeste du Jharkhand, dans le nord-est de l’Inde, Deepika Kumari était tout sauf destinée à jouer les premiers rôles. C’est le sport, et plus précisément le tir à l’arc, qui lui aura finalement permis, par une de ces facétieuses pirouettes dont seul le hasard a le secret, de devenir actrice de sa propre histoire.
Premier enfant de Shivnath Mahato, conducteur de pousse-pousse, et Geeta Mahato, infirmière, Deepika Kumari voit le jour le 13 juin 1994. Elle grandit à Ratu Chati, un gros bourg situé à quinze kilomètres de Ranchi, la capitale de l’État.
Son enfance s’y déroule sans heurt mais pas sans problèmes. Malgré leurs efforts, les jeunes parents peinent en effet à subvenir aux besoins du foyer. L’argent manque, la nourriture aussi.
La donne va néanmoins changer à l’été 2005. En vacances chez sa grand-mère, Deepika Kumari écoute sa cousine Vidya Kumari lui raconter sa vie à la Tata Archery Academy. Non contente d’y apprendre les bases du tir à l’arc, elle y est également blanchie et surtout nourrie. Manger à sa faim ! Cette seule perspective suffit à convaincre l’adolescente de suivre la même voie.
Conseillée par sa “complice”, elle s’inscrit à une compétition locale, tremplin obligatoire pour intégrer, à son tour, l’école tant convoitée. Sa frêle constitution va malheureusement jouer contre elle. Malnutrie, chétive, elle peine à se dépêtrer de son arc et de ses flèches et laisse filer sa chance.
Obsédée à l’idée de pouvoir se repaître, pour la première fois de sa vie, de trois repas par jour, Deepika Kumari s’obstine et frappe directement à la porte de la Tata Academy.
Remerciée dans un premier temps, elle y sera admise un an plus tard, après un passage obligé par la Arjun Archery Academy où elle apprend les rudiments de la discipline. « À Tata, j’ai commencé à faire plus de compétitions, j’ai eu de meilleurs coaches, de meilleurs entraînements, se félicite-t-elle dans les colonnes de Yourstory. La vie a commencé à s’améliorer car nous avions de la nourriture et des conditions de vie correctes. C’est en regardant les séniors, qui remportaient plein de compétitions, que ça m’a inspirée et donné envie de gagner, moi aussi ».
Le ventre enfin plein, Deepika Kumari commence à nourrir quelque intérêt pour le tir à l’arc. Elle n’aura besoin que de quelques mois pour se révéler.
En 2009, elle est sacrée championne du monde cadette. L’année suivante, elle goûte de nouveau à l’or en s’adjugeant le titre en individuel et par équipe lors des Jeux du Commonwealth organisés à New Delhi.
« C’est ma victoire la plus marquante parce que j’étais si jeune et tout le monde était beaucoup plus âgé que moi, se souvient-elle dans Vervemagazine. Tout le monde était heureux que je sois arrivée en finale. Tout était nouveau pour moi. À cette époque, gagner ou perdre m’importait peu, je me préoccupais davantage de mon jeu. Ce sont des petites choses dont je me souviens et que je continue à chérir. »
La moisson de la jeune Indienne ne s’arrête pas là. En 2011, elle devient championne du monde junior, vice-championne du monde par équipes et grimpe sur la troisième marche du podium des Asian Games en compagnie de ses coéquipières.
En 2012, c’est la consécration. À tout juste 18 ans, elle remporte sa première Coupe du monde en Turquie. Propulsée numéro 1 mondiale au cours de la saison, elle décroche son billet pour les Jeux Olympiques de Londres.
La presse indienne, emballée par ce petit bout de femme, la donne gagnante du rendez-vous britannique avant même qu’il ne débute. Il n’en sera, hélas, rien. Deepika Kumari, malade, s’incline dès le premier tour. « J’ai attrapé la fièvre quelques jours avant les Jeux, explique-t-elle dans ForbesIndia. J’étais faible et je n’ai pas pu m’entraîner pendant plusieurs jours. Le vent tourbillonnant et la météo constamment changeante ne m’ont pas aidée non plus. »
Pas armée pour faire face à ce genre de situations, la jeune archère tente de composer comme elle peut avec sa déception et celle d’un pays aussi prompt à la porter aux nues qu’à lui tourner le dos. « Il y a des moments où je ne suis pas capable de bien tirer et ça impacte la façon dont les gens me perçoivent, analyse-t-elle dans KnoledgeTribe.
Ils remettent mon travail en question et se plaignent que je ne travaille pas assez dur. Ce qu’ils ne réalisent pas, c’est qu’il s’agit d’un sport et que personne ne peut gagner à chaque coup ou réaliser la même performance à chaque fois. »
Malgré une pression constante et de plus en plus pesante, Deepika Kumari s’accroche. Les bons résultats se font plus rares ? Qu’importe, elle courbe l’échine et persévère !
Jusqu’à ce jour d’avril 2016. De passage à Shanghai pour la première étape de la Coupe du monde, elle décroche l’argent par équipe et égale le record du monde. À quelques mois des Jeux de Rio, les journaux en font, une nouvelle fois, une prétendante toute désignée à la victoire.
Comme à Londres, le cauchemar se répète. Après un beau début de parcours, l’archère du Jharkhand s’incline aux portes des quarts de finale dans l’épreuve individuelle. Le prix à payer sera le même que quatre ans auparavant : les journalistes s’emballent et les officiels la boudent. Déchue de son statut d’icône le temps d’un simple aller-retour entre l’Inde et le Brésil, Deepika Kumari songe à raccrocher.
C’est alors que le cinéma s’intéresse à elle. Immortalisée sur pellicule, un an auparavant pour les besoins d’un documentaire, « Ladies First », elle se voit, cette fois, proposer de tenir le premier rôle sur grand écran. Une histoire de chasse aux sorcières qui, par certains aspects, raisonne avec son propre parcours.
« Au début, j’étais très excitée, s’amuse-t-elle dans Inmakers. Je n’étais pas en forme et je voulais essayer de jouer. Le tournage était prévu au mois de mars 2018, mais j’ai ensuite réalisé que, si je plongeais dans le monde du celluloïd, je perdrais ma concentration pour le tir à l’arc. C’était une année importante et je voulais désespérément renverser la situation dans ce sport. Alors, j’ai finalement rejeté l’offre. »
Sûre de son fait, la petite prodige de la Tata Academy repart courageusement en campagne. Et se remet à briller en Coupe du monde.
En novembre 2019, elle valide son billet pour les Jeux Olympiques de Tokyo initialement programmés en 2020. Déterminée à ne pas revivre la même mésaventure qu’à Londres et à Rio, elle a pris les devants et s’est rapprochée de Mugdha Bavare, une préparatrice mentale. « L’idée d’abandonner tout cela m’a traversé l’esprit, avoue-t-elle à Scroll.In. Mais l’amour du tir à l’arc, ma détermination à me battre m’ont permis de continuer malgré ces moments difficiles ».
À bientôt 26 ans, Deepika Kumari profite du report des JO pour peaufiner sereinement sa revanche. Une troisième occasion qui, elle n’en doute pas, ne sera pas la dernière. Car si d’aventure le Japon ne sourit pas, elle ne s’interdit pas de se projeter à Paris.
Et après ? Après, il sera temps de passer définitivement à autre chose.
« Je veux participer aux Jeux jusqu’en 2024, conclue-t-elle dans IndianExpress. Après ça, je veux monter une académie sportive. C’est le rêve de mon père et le mien aussi. Nous allons donc tous les deux créer cette académie et demander au gouvernement de nous soutenir. Nous formerons les enfants au sport et leur donnerons tous les entraînements et les infrastructures nécessaires. Je veux que les gens croient au fait qu’ils ne doivent jamais abandonner leurs rêves. »
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