L’an dernier, l’athlétisme a pris des libertés avec les droits de l’Homme, ou plutôt avec les droits des femmes. Le tribunal arbitral du sport a validé le règlement de la Fédération internationale d’athlétisme qui oblige les femmes hyperandrogènes à faire baisser artificiellement leur taux de testostérone pour être acceptées dans la compétition.
De qui parle-t-on ? De Caster Semanya, mais aussi de Margaret Wambui, de Francine Nyonsaba ou de Dutee Chand. Des athlètes qui secrètent naturellement plus d’androgènes que la moyenne des femmes, élevant ainsi leur taux de testostérone et potentiellement, leur masse musculaire.
À partir de maintenant, elles ne pourront prendre place derrière la ligne de départ qu’à condition d’accepter un traitement qui bride leur système hormonal. L’idée n’est guère plus choquante que ces générations de femmes qui prennent la pilule, dans un calcul bien compris entre les risques pour leur santé et le bénéfice du contrôle de leur fécondité.
La réalité est moins banale. Ce traitement contre l’hyperandrogénie induit des risques accrus de méningiomes, des tumeurs au cerveau. Il provoque des troubles de l’humeur, des règles et des accès de somnolence. C’est tout ?
Égalité de corps
Rappelons qu’aucune étude ne prouve clairement que l’androgénie a un impact réel sur les performances des athlètes. On les torture préventivement.
Qu’est-ce qui trouble à ce point la Fédération d’athlétisme ? Elle évoque « un avantage significatif » et invoque « l’intégrité de l’athlétisme féminin ». Mots-valises, mots-paravents.
L’excellence des sportifs relève partout du travail et d’une forme d’exceptionnalité physique. A-t-on contraint le nageur Michael Phelps à s’injecter de l’acide lactique, lui qui en produit deux fois moins que la moyenne et peut s’entraîner deux fois plus sans souffrir ?
A-t-on opéré les sinus de la danseuse synchronisée Virginie Dedieu qui peut naturellement se passer de pince-nez ?
Les athlètes androgènes révèlent une soudaine aspiration pour l’égalité de corps normalisés. Comme si on ne pouvait faire de compétition qu’à égalité parfaite, des corps, des muscles, des hormones, des fluides… Comme si on voulait un 400 mètres de robots.
Ce que nous dit la Fédération d’athlétisme, et c’est plus sérieux, c’est qu’on ne peut pas laisser des femmes « masculines » en liberté. Il faudrait donc éviter de concurrencer les performances des hommes ?
Officiellement, on les bride au nom de l’égalité entre les femmes.
En réalité, on protège une certaine idée de la faiblesse des femmes.
*Marie Petitcuénot est la créatrice du podcast Michelle qui raconte des histoires de femmes libres. Pour ÀBLOCK!, elle donne la parole à des « sportives libres »…