Carole Castellani« Le CrossFit me permet de repousser mes limites. »

Carole Castellani : « Le CrossFit me permet de repousser mes limites. »
Elle se définit comme une hyper active survoltée. Carole Castellani, 33 ans, est l’une des plus acharnées de nos crossfiteuses françaises. À son actif : deux participations et une médaille de bronze en équipe aux Games, le championnat du monde de la discipline qui a lieu aux États-Unis. Aujourd’hui, enceinte, mademoiselle chante des berceuses tout en rêvant de repartir sur la route de Madison…

Par Valérie Domain

Publié le 09 février 2022 à 7h32, mis à jour le 12 avril 2022 à 11h26

Petite fille, tu étais déjà très sportive, tu dis d’ailleurs que ta vie, c’était l’école et le sport…

Oui, ça a toujours compté énormément. Je viens d’une famille très sportive. Tous les week-ends avec mes parents, nous faisions du vélo, de la course à pied.

Dès que j’ai eu l’âge, ils m’ont inscrite en club. J’ai commencé par la gymnastique, mais je faisais aussi parallèlement de la natation synchronisée, du triathlon.

À un moment donné, il a fallu faire un choix, toutes ces activités étaient très compliquées à gérer. J’ai choisi la gym. J’avais 8 ans et je serais incapable de dire pourquoi cette discipline-là en particulier.

Je crois que j’aimais l’idée de retrouver mes copines et parce que c’était un sport qui me semblait complet, où chaque exercice, chaque agrès, était un défi à relever. C’est aussi une discipline exigeante et j’ai toujours été très compétitrice.

Tu as pratiqué la gym pendant plus de dix ans, tu n’as jamais pensé en faire à haut niveau ?

J’ai participé à quelques compétitions dont le championnat de France en équipe, mais j’étais dans un petit club, à Châteauneuf-les-Martigues, près de Marseille, je n’avais pas dans l’idée d’en changer et je ne crois pas avoir eu un niveau suffisant de toute façon.

J’ai partiellement arrêté à 17 ans lorsque je suis partie de chez mes parents pour suivre des études de Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives, Ndlr) à Gap. Je crois qu’en quittant mon club de cœur, j’ai perdu la motivation pour la gym.

Je me suis plutôt concentrée sur le ski pendant deux ans puisque j’étais en spécialité ski.

Tu as fait ta dernière année à Montréal où la pratique sportive, dit-on, est plus développée qu’en France…

Oui, j’ai vu la différence avec la France où c’est beaucoup de théorie et peu de pratique, là-bas c’est l’inverse. J’étais vraiment dans mon élément car on a beaucoup plus de temps pour faire du sport.

J’ai touché à tout, comme d’habitude. Lorsque j’ai l’occasion de tester un sport, j’y vais !

Lorsque tu es revenue en France, à Lyon, en 2009, pour préparer un Master en préparation physique, tu as découvert malgré tout un nouveau sport, l’un des rares que tu n’avais jamais pratiqué…

En fait, j’ai trouvé un stage dans un club de rugby, le LOU. Je me suis dit : « Tu ne peux pas encadrer des groupes dans un sport que tu ne connais pas bien. » Je me suis donc mise au rugby, au rugby à XV, mais aussi un peu à Sept.

J’ai accroché tout de suite, surtout qu’il y avait là une équipe féminine. Je n’ai pas lâché ce sport pendant huit ans.

J’aimais l’idée de se sacrifier pour le groupe, qu’on soit toutes réunies sur le terrain dans un seul objectif, mais aussi qu’il permette de rassembler une grande variété de profils.

Se passionner pour la gym puis le rugby, c’est peu banal, tant ces deux sports sont différents…

J’avais toujours eu envie de pratiquer intensivement un sport Co mais je n’en avais jamais eu l’opportunité. Là, j’ai sauté sur l’occasion.

Et puis, c’est vrai que ces sports ne se ressemblent pas du tout, mais en apparence seulement, car tout ce que j’avais appris en gym -le gainage, la connaissance du corps dans l’espace…, ça peut s’appliquer à tous les sports dont le rugby. La gym est une base formidable pour la pratique d’autres sports.

©Julien Strai

Le rugby féminin a encore mauvaise presse aujourd’hui, les stéréotypes ont la vie dure, c’est quelque chose que tu as connu ?

Il y a toujours des gens pour véhiculer des clichés, notamment que c’est un sport violent, mais dans la pratique, au final, on voit bien que les filles qui jouent au rugby, pour la plupart, ne sont pas défigurées, elles n’ont pas les oreilles en feuilles de chou ni les dents cassées.

Depuis mes débuts en rugby, en 2009, la pratique s’est développée, mais il y a encore des gens pour dire que ce n’est pas un sport de filles. Qu’ils viennent donc voir un match et ils changeront d’avis !

Pourquoi avoir quitté le rugby ? Une lassitude après huit ans de terrain ?

En 2014, je faisais pas mal de recherches sur la préparation physique et j’ai découvert le CrossFit. À l’époque, il n’y avait qu’une seule salle à Lyon et, pour la petite histoire, elle appartenait à un étudiant qui était en Staps avec moi, j’y suis allée et j’ai accroché.

Je m’y suis entraînée deux-trois fois par semaine, en plus du rugby, puis tous les jours. On avait atteint un bon niveau en rugby, ça devenait de plus en plus exigeant et à côté de ça, au CrossFit, j’avais des objectifs de compétition, je ne pouvais pas tout faire. Là encore, je devais faire un choix. En 2016, j’ai alors switché.

Qu’est-ce qui t’a autant plu dans le CrossFit, au point d’en abandonner le rugby ?

L’esprit d’équipe, là aussi, mais un esprit d’équipe différent. Parce que tu es tout seul, livré à toi-même, mais avec d’autres. Ils souffrent en même temps que toi, ils t’encouragent. J’ai tout de suite aimé l’ambiance, l’esprit communautaire, généreux.

Le CrossFit, c’est un mélange de gymnastique, d’endurance et d’haltérophilie, tu connaissais déjà bien les deux premiers, mais l’haltérophilie, tu y avais déjà touché ?

Un peu car, pour mon job de prépa physique, j’avais dû me former à ça. Ce n’était pas quelque chose qui me passionnait, mais je savais que c’était très utile pour la puissance et l’explosivité. Ensuite, j’ai découvert que l’haltérophilie était un sport hyper varié.

©wodandpix

Tu dis être très compétitrice, tu valides aussi l’expression « No pain, no gain » (« pas d’efforts, pas de réussite »), tu avoues être une acharnée, toujours dans le désir de te dépasser, ça vient d’où ce tempérament ?

Peut-être dans la recherche de mes limites ? En tout cas, je passe mon temps à les repousser et je ne me dis jamais que je vais trop loin, j’ai toujours beaucoup à découvrir.

Le CrossFit est une discipline très variée, dans laquelle on ne s’ennuie jamais. Je crois que je n’arrêterai jamais ce sport car il est à la fois intense et très complet.

Et puis, j’aime le sport pour ce qu’il offre de défis. C’est ce qui me fait avancer.

Ça fait sept ans que tu pratiques le CrossFit. Tu as fait de la compétition dès le début, tu as tout de suite été performante ?

J’avais des lacunes mais, justement, la compétition me permettait de voir où je devais m’améliorer. Après, ce que je trouve super fun dans les compet’ de CrossFit, c’est que tu peux avoir une compétition très axée force, une autre cardio, une autre CrossFit, c’est à dire un mélange de tout.

Par défaut, je dirais que ma spécialité forcément c’est la gym, mais avec le temps, ce n’est plus autant mon point fort. Le niveau a tellement augmenté que même des sportifs qui n’ont jamais fait de gym dans leur vie peuvent être meilleurs que ceux qui en ont fait des années comme moi !

Le but est de pouvoir être performant sur les trois piliers et de renforcer ses points faibles, mais aussi ses points forts. Je sais, par exemple, que si certains exercices tombent dans un wod, je vais être super contente, comme la marche sur les mains, les HSPU (Hand stand push up, pompes à la verticale, Ndlr), tout ce qui est exercices à la barre de traction… Sinon, j’aime bien l’haltéro, mais c’est tellement technique que c’est dur, plus dur.

Au CrossFit, les nouvelles épreuves se multiplient, il y a aujourd’hui de la natation, du vélo… comment on s’y retrouve ?

C’est justement ça qui est bien ! Ce n’est pas qu’ils en ajoutent tout le temps, c’est qu’ils rendent accessibles différents sports. À la base, le CrossFit, c’est être prêt à l’imprévu, il faut donc s’attendre à tout.

Si demain, on nous dit qu’il faut couper un rondin en micro-rondelles, il faudra le faire. Mais ce sera seulement en compétition car on n’apprend pas tout en salle de CrossFit.

Tu as testé une multitude de sports et là tu en trouves un qui les mêle tous en quelque sorte !

C’est exactement ça !

En août 2019, tu es qualifiée pour participer aux CrossFit Games, sorte de championnat du monde de la discipline aux États-Unis, le berceau du CrossFit. Tu as découvert un autre monde ?

Les Américains, c’est vrai, ont vingt ans d’avance sur nous, mais le CrossFit européen a un très bon niveau et se développe de plus en plus, certaines des meilleures crossfiteuses sont Islandaises. Je n’ai donc pas été surprise ni dépaysée, je m’attendais à rencontrer des noms que je connaissais déjà.

J’avais aussi suivi de près Framboise Labat lorsqu’elle participait aux Games : quand un Français ou une Française est qualifiée là-bas, c’est comme si on était tous qualifiés ! Ça fait rêver. Pour nous, c’est comme d’aller aux JO.

Après ta participation aux Games où tu termines 34e, tu décides d’arrêter de travailler pour te consacrer au CrossFit, on peut en vivre de ce sport ?

Non, pas vraiment, en plus le CrossFit n’est pas un sport fédéral, il n’a pas de fédération. En fait, je me donnais un an pour vivre la vie d’une sportive de haut niveau. Et j’ai été aidée par des sponsors qui croyaient en moi.

Mais c’était plutôt mal tombé car la crise sanitaire commençait et beaucoup de compétitions ont été annulées. Ma dernière grosse compet’ après les CrossFit Games, c’était le Dubaï CrossFit Championship, en décembre 2019.

Puis fin du bal pour 2020 à cause du Covid.

L’année 2020 a donc été une année 100 % entraînement…

Oui et c’est difficile pour un athlète de haut niveau de ne pas se frotter à la compétition, aux autres compétiteurs qui te permettent de savoir où tu en es côté performances. Et puis, avoir un objectif de compétition en point de mire, ça te motive.

Au début, ça allait, mais j’ai connu des hauts et des bas, mes entraînements étaient en dents de scie, on ne peut pas se projeter, on ne sait pas où on va. Heureusement, on a vite commencé à s’entraîner à plusieurs.

Tu n’as jamais eu envie d’arrêter, un coup de blues, une blessure qui remet tout en question ?

Non, je ne me suis jamais dit : « J’en ai marre, j’arrête tout. » Et si un jour, je me dis ça, ce sera forcément parce que je veux pratiquer une autre discipline. Mais, non, ça ne pourra pas arriver en fait.

Cette année passée à t’entraîner avec d’autres athlètes et non plus en individuel, te donne l’envie de retenter les Games, en août 2021, à Madison dans le Wisconsin, mais, cette fois, en équipe. Tu étais la seule à connaître la compétition de l’intérieur ?

Oui, j’étais avec trois petits jeunes – le plus jeune est né en 2000, on a douze ans d’écart – qui m’appellent « Mamie », c’est pour dire ! Donc, ils n’avaient pas encore eu l’occasion de se qualifier là-bas. Et quand on a réussi, c’était incroyable, le rêve d’une vie !

Après, je leur avais expliqué que c’était grandiose, mais qu’il ne fallait pas se laisser prendre par le spectacle. Parce que c’est un show, on ne s’attend pas à ça. C’est important de rester concentré, on s’amusera après.

On a donc fait comme à l’entraînement, étape par étape, on a déroulé les épreuves tranquillement. Et on a terminé 3e.

Tu dis « c’était le rêve d’une vie », l’émotion était donc plus grande que lorsque tu t’es qualifiée en individuel ?

Oui, parce que je partageais cette victoire avec les gens que j’aime. J’étais moins prise par le spectacle, plus sereine parce que je connaissais déjà cette ambiance. La surprise aussi, c’est qu’on a bataillé avec les meilleurs alors qu’on pensait batailler avec le milieu du tableau.

La programmation de cette année-là nous allait bien et on s’est retrouvés avec l’élite, ça nous a tirés vers le haut. Quand on a su qu’on allait faire un podium, on n’y croyait pas. C’était fou.

C’était il y a six mois, tu savoures encore cette médaille ou tu es déjà en préparation pour la prochaine grande compétition ?

Je sais qu’on a fait un podium aux Games, mais je ne m’en rends toujours pas compte. En fait, on est revenus, on a repris l’entraînement, on se revoit tous les jours, mais quand on le raconte, quand on voit des photos, on n’en revient pas ! Je sais qu’on l’a fait, mais je ne réalise pas, et je crois que ça va durer quelques années !

Pour ce qui est des compet’ à venir, je fais une pause car je suis enceinte de six mois, mais je pense déjà à la reprise et aux prochains Games, que ce soit en équipe ou en individuel.

Je poursuis mon entraînement dans la salle que j’ai ouvert à Lyon avec mon compagnon qui est aussi mon coach, et j’espère m’entraîner le plus longtemps possible.

Je ne vois pas ma grossesse comme un frein, on a des exemples de sportives de haut niveau, dont des crossfiteuses, qui reviennent sans problème après une grossesse, ce sera juste un nouveau défi. Ça ne me fait pas peur.

D'autres épisodes de "Muscu, haltéro, CrossFit, ça envoie du lourd !"

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