« J’ai toujours baigné dans le sport et surtout dans les sports d’eau. J’ai débuté avec la natation que j’ai pratiquée pendant plus de quinze ans et j’ai continué avec le plongeon acrobatique en sports études mais j’ai aussi fait de la voile.
Des sports aquatiques, donc, sans doute parce que je suis semi-grecque et que mes parents voulaient que je sache nager quand on allait, l’été, voir mes grands-parents ! Alors, le kayak a été une sorte de continuité…
J’avais testé avec l’école et ça m’avait bien plu. J’ai commencé en club à l’âge de 15 ans et j’ai progressé assez vite. Du coup, j’ai bien accroché !
Avant de faire du kayak polo ou toutes autres disciplines, tout le monde commence par le kayak. On est d’abord dans une école de pagaie dans laquelle on essaye de pratiquer toutes les disciplines de kayak.
Le but est que l’on trouve dans laquelle se spécialiser pour notamment faire de la compétition : il faut d’abord apprendre à maîtriser un kayak, à pagayer droit, à tourner. Puis, on apprend le slalom – sur rivière en passant des portes, la course en ligne – pagayer le plus vite possible sur de l’eau calme, la descente de rivière – pagayer rapidement aussi, mais sans portes, et le kayak polo…
Ce que j’aimais avec le kayak, c’est que j’étais douée et quand un sport vous convient, ça aide beaucoup à l’aimer !
Et puis, c’est très motivant pour moi, le kayak, ce défi de parvenir à tout prix à faire tenir droit un bateau ! Quand on parvient à lui faire faire ce qu’on veut, c’est très gratifiant !
J’ai débuté par le slalom en compétition et ça m’a fait m’accrocher à mon kayak : j’adore la compétition !
Dans le club de Strasbourg, il y avait tout un pôle de kayak polo du coup j’ai commencé en parallèle. Mais c’est quand une équipe de kayak polo féminine s’est créée que je m’y suis mise à fond.
À l’époque, j’étais dans un lycée spécialisé, je faisais de l’art appliqué pour aller vers le design et j’avais même pensé à arrêter pour pouvoir passer plus de temps à l’entraînement.
Mais mes coachs m’ont conseillé de faire les deux – avoir un projet sportif et un projet professionnel – car il faut savoir que, dans ce sport, on n’est pas sportives professionnelles c’est-à-dire que l’on n’est pas rémunérées. Ce qu’on peut toucher comme rémunération dépend des régions : les montants sont souvent alloués selon les résultats sportifs.
Tout a vraiment commencé pour moi en kayak polo en 2014, quand je suis allée voir les Championnats du monde de la spécialité en Normandie. J’ai compris à ce moment-là que je préférais ce sport d’équipe plutôt que le slalom qui se pratique en solo.
C’est vraiment l’esprit d’équipe qui m’a fait totalement plonger dans le kayak polo : apprendre de et partager avec tes coéquipiers.
À peu près au même moment, on a eu une équipe fille à Strasbourg et j’ai pu évoluer en championnat national.
La suite ? Les sélections en Équipe de France en U21 Femmes en 2015 et 2016. Et je suis rentrée pour la première fois dans l’équipe en 2017 pour les Championnats d’Europe à Saint-Omer, près de Lille. On a fait troisième !
L’année d’après rebelote : je pars au Canada pour les Championnats du monde où notre équipe se place cinquième. La France est une bonne nation du kayak polo, je pense qu’on aurait pu mieux faire sur ces deux échéances…
C’est ce qu’elle a finalement fait : en octobre dernier, on décrochait le titre en Championnats d’Europe en Italie, une première historique pour l’équipe féminine. Génial pour moi dont c’était la première sélection en équipe senior. Je suis la petite nouvelle de l’équipe.
Bref, l’équipe avait fait de nombreux podiums, mais jamais la première place. On est sur une bonne glisse !
Avec ses coéquipières championnes d’Europe : Claire Moal (capitaine), Mélissa Ledormeur, Aline Roulland, Céleste Louis, Eloise Frigot, Marion Robert, Clotilde Lemasle, Thomas Richer (coach)…©Beatriz Carmona
Le kayak polo n’est pas un sport olympique donc ça n’aide pas sur le plan de sa médiatisation. Mais je trouve que c’est le moment d’en parler avec cette victoire historique !
Le problème, c’est que la plupart des gens n’imaginent même pas que ce sport existe ! Je crois que les premières traces du Kayak polo remontent en Écosse en 1880.
En France, la première équipe nationale a été créée dans les années 1990 et la première apparition pour l’équipe féminine est en 1994 : elle termine 3e aux championnats du monde.
Côté entraînement, on fait de longs sprints en kayak, des mouvements techniques sur des plans d’eaux calmes en extérieur. Ensuite, on se fait des passes de ballon à la main, on bosse sur la tactique en collectif…
Côté perso, c’est un sport qui mobilise moins les membres inférieurs que les bras, mais le corps doit être gainé et les membres inférieurs maîtrisés. Il y a un petit côté centaure, on doit faire corps avec le bateau.
D’ailleurs, chacune a son propre bateau même en équipe nationale. Parce que chacun d’entre eux a des petites particularités. Moi, je fais 1,60m donc c’est plus compliqué en kayak que lorsqu’on est grand parce qu’on prend moins de place dans le bateau donc il est plus dur à contrôler.
J’ai passé beaucoup de temps à caler mon bateau… Je n’ai eu que deux bateaux différents depuis le début, de la même marque.
Mon poste en équipe de France n’est pas forcément le même que dans mes différents clubs. En équipe de France, je suis à l’arrière, en défense sur les ailes ou en central.
Sinon, en attaque, j’apprécie de jouer à l’intérieur, c’est ce que je faisais en club. C’est l’équivalent du pivot en handball : tu rentres dans la défense adverse et tu pousses les kayaks des autres, soit pour essayer de se placer pour shooter soit pour créer des intervalles pour tes coéquipières pour qu’elles puissent jouer avec de la vitesse.
Le kayak polo, c’est du polo sur kayak avec des schémas de hand : on est 5 en défense et 5 en attaque. C’est le seul sport où le gardien vient attaquer avec les attaquants. On est donc toujours en supériorité numérique en attaque.
Ce sport m’a tout apporté ! Quand j’ai commencé le kayak polo, je n’avais fait que des sports individuels et ça se ressentait sur mon caractère, dans ma manière de sociabiliser avec les gens.
J’ai d’ailleurs pris quelques claques en kayak polo parce que j’ai dû me rendre compte que tout le monde ne s’entraînait pas de la même manière que moi ou que les coéquipières n’avaient pas les mêmes exigences ou objectifs.
J’ai compris que le plus important était de « jouer en équipe » et que ça ne servait à rien d’être très forte si je ne jouais pas avec les autres. J’ai aussi appris à assimiler une victoire et à me dépasser à nouveau…
À côté de ma carrière sportive, je suis designer et ce sport à haut niveau m’a vraiment aidée à m’organiser dans mes études et dans ma vie : à me fixer des objectifs, à construire des étapes pour y arriver.
Je dirais aux jeunes filles qui ont envie de se jeter à l’eau comme moi que ce n’est pas du tout un sport de brutes comme on peut se l’imaginer. Oui, c’est un sport de contact, oui, on peut se prendre des coups, mais c’est un sport plus beau que brutal.
Il est très tactique et stratégique. Et puis, il promet de faire vivre des expériences inimaginables : c’est un sport extrêmement riche en émotions. Ça en vaut vraiment la peine, ne serait-ce que pour le côté sport d’équipe !
Mon rêve sportif est assez proche puisqu’il se déroulera l’an prochain, lors des Championnats du monde en France à Saint-Omer et lors des World Games à Birmingham aux États-Unis.
Au-delà de les gagner, mon projet est de jouer le mieux possible avec mon équipe, l’Équipe de France féminine de kayak-polo. De montrer qu’on est une équipe soudée et qu’on fait du beau jeu !
Ce que je dirais pour donner envie de voir du kayak-polo, féminin de surcroît ? Les matchs de kayak-polo féminin, c’est un peu du jamais vu pour la plupart des gens. Et c’est super impressionnant ! On est loin de l’image du kayak de tourisme, on n’est pas affalées sur le dos de notre kayak.
Et puis, contrairement aux trois autres disciplines du kayak, le kayak-polo se comprend très facilement, c’est un sport spectacle comme le foot ou le basket : il y a un ballon, deux buts, deux équipes. En prime ? Un spectacle inédit.
Ouverture ©Beatriz Carmona