Amandine Miquel« L’important est de ne pas oublier le chemin parcouru pour en arriver là. »

Amandine Miquel : « L’important est de ne pas oublier le chemin parcouru pour en arriver là. »
Ex-footballeuse devenue l’une des entraîneuses françaises les plus en vue, Amandine Miquel, à la tête de l'équipe de foot féminine du Stade de Reims, n’a jamais eu peur de s’imposer. Elle ose sur tous les terrains et n’a pas l’intention de faire de la figuration, où que ce soit.

Par Sophie Danger

Publié le 26 novembre 2021 à 16h22, mis à jour le 17 décembre 2021 à 17h36

Durant toute ton enfance, tu as suivi tes parents, enseignants, au gré de leurs mutations. En 1990, ils posent leurs valises au Mexique et c’est là-bas, dans le club de Tecamachalco, que tu vas commencer à jouer au football. Comment ça s’est fait ? C’était la seule activité possible ou c’est toi qui en as fait la demande ?

Non pas du tout. En fait, j’ai des parents assez fantastiques qui m’ont fait essayer plusieurs disciplines puis m’ont demandé de choisir.

J’ai fait quasiment une semaine de chaque. Il y a eu le karaté, le baseball, le hockey sur gazon – il y avait des sports un peu bizarres au Mexique – et j’ai choisi le football.

Pourquoi ce sport-là et pas un autre ? Je ne sais pas. À cette époque, mon frère faisait de la natation donc rien à voir, j’ai certainement dû trouver l’équipe ou l’encadrement plus sympa.

Pendant six ans, tu vas évoluer là-bas, seule fille au milieu des garçons. Cette situation ne t’a jamais posé de problème ?

J’étais la seule fille mais, finalement, à cet âge-là, entre 6 et 8 ans, on reste des enfants. Je sentais bien que l’on me mettait là où personne ne voulait être sur le terrain mais je n’ai pas eu l’impression d’être rejetée et je n’ai pas ressenti de sexisme.

Tu n’as jamais eu envie de pratiquer une activité avec plus de mixité ou une activité à dominante féminine ?

Non, mais, plus tard, quand je suis partie en Angleterre, j’ai pratiqué le volley en scolaire et plutôt à haut niveau puisque nous sommes allées en finale nationale.

Mais, il se trouve que j’étais relativement forte en football, même dans les équipes de garçons, et que, de fait, j’y avais ma place.

Après six ans en Amérique du nord, cap sur l’Angleterre en famille. Tu vas être repérée dans la cour de récréation et tu vas prendre la direction de Chelsea. Comment ça s’est passé ?

Je crois que ce sont des parents d’élèves qui ont parlé de moi. Ils se sont dit : “La petite Française, on va l’envoyer au club du coin. “ Et le club du coin, c’était Chelsea !

En Angleterre, et plus précisément à Londres, c’est une question de quartier. Les clubs sont implantés dans la ville.

Mon lycée était situé dans le quartier de South Kensington, collé à celui de Chelsea, c’était donc le club le plus proche pour moi. Si mon lycée avait été dans le quartier d’Arsenal, j’aurais certainement signé là-bas, ça s’est fait comme ça.

Ça représentait quoi pour toi, ce club ?

À cette époque-là, il y avait pas mal de Français qui évoluaient à Chelsea comme Didier Deschamps, Marcel Desailly et Franck Leboeuf. Pour moi, c’était surréaliste.

Je passais du Mexique où je jouais dans un petit club de quartier avec des garçons à un club aussi réputé que celui-là. C’était aussi la première fois que je jouais avec des filles. Tout était impressionnant.

Ce changement de pays, de continent implique également une nouvelle vision du football. Qu’est-ce que ça a changé pour toi de jouer en Angleterre ? Tu t’es acclimatée facilement ?

Ça n’a pas été facile parce que, tout d’abord, personne ne parlait français. Au début, pour les consignes, on fonctionnait beaucoup par mime, par dessins pour que je comprenne ce que je devais faire.

L’herbe aussi était différente. C’était gras, il pleuvait, c’était mouillé. En Angleterre, j’ai découvert les tacles, c’est d’ailleurs la première chose que l’on apprend.

De manière générale, le jeu est très différent, beaucoup plus tactique, beaucoup plus dur qu’au Mexique. Venir de là-bas a été un avantage pour moi, dans le sens où je proposais une façon de jouer différente, mais ça a été aussi un inconvénient.

Moi, j’étais plutôt à tripoter le ballon, très technique, les petits espaces, comme en Amérique du Sud, mais pour ce qui est des duels, de l’intensité et défensivement, je n’y étais pas du tout. Cette expérience m’a permis de compléter ma palette.

©A2M sport consulting

Passer du soleil et de la chaleur au gris et au froid n’a pas eu d’incidence sur ton envie de continuer à jouer ?

Non parce que, mine de rien, en Angleterre, on récupère de l’herbe, chose que l’on n’avait pas forcément au Mexique. Là-bas, lors de la saison sèche, nos terrains c’était plutôt de la terre, c’était jaune et tout sec.

C’est vrai qu’il pleut en Angleterre et qu’il fait un temps gris une grosse partie de l’année, mais les pelouses, ce sont des billards et c’est un vrai plaisir de jouer sur des terrains comme ça.

En 2001, tu as 17 ans, nouveau départ, pour la Réunion, cette fois. Tu retrouves le soleil mais en ce qui concerne le football, le niveau est beaucoup plus faible que ce que tu as connu à Chelsea. Rester en Angleterre n’était pas envisageable pour poursuivre ta carrière de joueuse ?

On venait d’être sacrées championnes d’Angleterre chez les moins de 17 ans avec Chelsea et je sentais bien qu’il fallait rester dans les parages.

Nous avons eu un petit litige à ce propos avec mes parents. J’étais en première, je devais passer en terminale et il me restait un an avant le bac et ils tenaient absolument à ce que je le passe, au minimum.

J’ai essayé de négocier pour rester en internat ou bien à Londres, toute seule, mais ils n’ont pas voulu et ce d’autant que l’île de La Réunion n’est pas la porte à côté, ce que je peux comprendre.

C’est malgré tout à La Réunion que tu vas faire une rencontre déterminante. Tu apprends que les Bleues sont en stage sur l’île. Tu appelles Élisabeth Loisel, la sélectionneuse, à son hôtel et tu lui demandes de passer des essais…

Je sais dans quel hôtel sont les Bleues, j’appelle la réception au culot et je demande à parler à la coach. Aujourd’hui, j’appelle l’hôtel de Deschamps, je ne pense pas qu’on me le passe mais là, la réceptionniste me passe la chambre d’Élisabeth Loisel.

Elle décroche et je lui explique ma situation. Je lui dis que je n’ai pas participé à toutes les détections faites en France pour repérer les talents puisque j’étais à l’étranger et je lui explique ma carrière.

Elle me dit : « Demain, 10h, tu t’entraînes avec nous ». Le lendemain, mon père m’emmène à la séance et je rate l’école pour m’entraîner une heure et demie avec l’équipe de France.

Tu vas lui taper dans l’œil…

Oui. Elle m’a dit qu’il y avait quelque chose mais qu’il était trop tard pour rentrer au pôle France, mon idée initiale, parce que ça se passe sur les années lycée et que, moi, j’étais déjà en terminale.

Elle m’a aussi dit que, pour l’équipe de France A, il y avait encore un peu de boulot mais que, pour la première division française, ça devrait le faire. Elle m’a orientée sur le club de Juvisy.

Elle connaissait la dirigeante, elle lui avait parlé de moi et m’a dit qu’ils allaient me recruter. À l’époque, Juvisy était en tête du championnat, c’était une des meilleures équipes de France.

Tu vas donc quitter La Réunion pour Juvisy. Ça c’est bien passé avec tes parents cette fois ?

J’ai essayé de les entourlouper en choisissant des études qui ne pouvaient se faire qu’à Paris. C’était complètement prémédité, c’était pour signer à Juvisy.

Après le bac, j’ai donc fait une année là-bas.

C’était quoi ce cursus ?

Tout simplement un BTS tourisme mais, à ce moment-là, il n’y avait pas cette option proposée sur l’île de La Réunion. J’avais trouvé une école dans le 15e arrondissement de Paris via Nouvelles Frontières. Je me suis débrouillée pour atterrir au bon endroit.

Tu atterris en région parisienne en 2002, mais la parenthèse tropicale a eu pas mal de conséquences sur ton niveau et tu ne parviens pas à retrouver celui qui a été le tien. Tu as craint, un temps, de devoir renoncer à tes ambitions footballistiques ?

Oui. Tout ça demandait beaucoup d’efforts parce que Juvisy, c’est en banlieue. Il fallait prendre le RER pour aller s’entraîner le soir. On commençait à 20h, on finissait à 22h et on rentrait vers minuit.

Après ça, il fallait dîner et aller en cours le lendemain. En plus, à cette époque-là, on n’était pas forcément rémunérée, même en D1.

À un moment, je me suis dit que ça ne valait pas le coup, que j’allais me concentrer sur mes études et que l’on verrait après.

J’ai continué à jouer mais j’ai arrêté de viser le haut niveau. Je me suis dit que le football serait un loisir et que, plutôt que de me rendre malade à essayer de rattraper mon niveau, je jouerai dorénavant pour le plaisir.

C’est à ce moment-là que tu décides de devenir coach ?

Oui, parce que je reprends contact avec Farra Williams, une de mes coéquipières de Chelsea. Pendant cinq ans, c’était mon binôme de milieu de terrain, on avait un niveau équivalent et, là, c’est la Coupe du monde, elle est en équipe d’Angleterre et elle en est la capitaine.

Je me dis alors que ça aurait pu être moi et je réalise que j’aurais peut-être dû m’accrocher davantage, qu’à un moment donné, ça s’est peut-être joué au mental. J’ai énormément de regrets parce qu’une Coupe du monde, ça doit être une super expérience.

Je commence à regarder les staffs et je réalise qu’il y a les joueuses, certes, mais il y aussi les autres. Eux aussi participent, eux aussi gagnent une médaille. C’est comme ça que je décide de me lancer dans la filière de coach

Tu décides de passer tes diplômes. Quand on te demande quel est ton but, tu expliques que tu veux entraîner l’équipe de France, participer à la Coupe du monde… On te met en garde en t’expliquant qu’il ne faut pas rêver, l’équipe de France ne sera pas pour toi, la D1 non plus, d’ailleurs. Ça ne t’a pas refroidi ? Qu’est-ce qui fait que tu sois passé outre cette mise en garde pour y aller quand même ?

Sur le moment ça m’a refroidie mais, avec le recul, je me dis que, à 19 ans, c’était un peu culotté de répondre “L’équipe de France“ à la question : “Quelles sont vos ambitions ? “.

Après ça, j’ai su que ça allait être plus compliqué que prévu mais que ce n’était pas grave, que ça prendrait le temps qu’il faudrait.

J’ai continué les études et les boulots annexes. Au pire des cas, comme ça, j’aurais le diplôme et ça me ferait un complément d’activité.

C’était le moyen, malgré tout, d’assouvir ma passion pour le football et, même si mon objectif restait le haut niveau, je me disais que je prendrais quand même du plaisir à entraîner et peu importe le niveau.

Comment s’est passée cette formation, combien de temps a-t-elle duré ?

Avant, il fallait passer les diplômes par tranches d’âge. On passait d’abord le diplôme pour entraîner les moins de 9 ans et, à la suite, il fallait entraîner une équipe de moins de 9 ans pendant un an.

Ensuite, il y avait le diplôme pour entraîner les moins de 13 ans et, pareil, il fallait prendre une équipe pendant un an, et ça jusqu’aux équipes sénior.

C’est une façon de faire qui a évolué depuis, mais que l’on aurait dû garder il me semble parce que ça permet au coach de passer par toutes les catégories et c’est très formateur.

Ce ne sont pas les mêmes besoins, la même écoute, en fonction de l’âge. En tout cas, la formation m’a pris quatre-cinq ans. J’ai fait toutes les catégories et puis j’ai eu le diplôme pour entraîner une équipe sénior de niveau régional.

C’est à cette période que tu es allée de tester à Mayotte ?

J’ai passé mon brevet d’état du premier degré, le diplôme pour entraîner une équipe sénior de niveau régional, à la Réunion. Ensuite, je suis partie à Mayotte faire quelques saisons et participer au développement du football féminin là-bas.

J’ai finalement eu tous les niveaux au niveau régional, j’avais entraîné des filles à La Réunion, à Mayotte, j’avais entraîné les deux sélections, j’étais allée aux Jeux des îles aux Comores, Jeux que l’on avait gagnés… J’avais fait le tour dans les îles, au niveau régional du moins.

À ce moment-là, j’avais deux options : soit je restais là-dessus et ça restait un loisir, soit je passais le diplôme de niveau national et je tentais quelque chose. À cette époque-là, j’avais 30 ans et je me suis dit : « Allez, je me donne dix ans ! ».

L’étape suivante, c’était le diplôme pour entraîner une équipe sénior de niveau national. Tu quittes tout et tu retournes en France, direction Clairefontaine…

À ce moment de ma vie, j’étais professeur vacataire à Mayotte. Le diplôme de niveau national ne se passe qu’à Clairefontaine alors j’ai dû démissionner. Je me retrouve sans emploi et je devais partir un an sans aucune source de revenus.

Je devais emprunter un peu d’argent à mes parents, mais j’ai décidé de tenter le coup. L’idée était que, si à 40 ans, je n’avais pas atteint le niveau national ou une sélection, je me résignerais et j’exercerais un autre métier.

J’ai vendu ma voiture pour prendre mon billet d’avion : c’était parti !

Tu vas devoir, une fois encore, faire preuve de culot pour atteindre ton but…

Je m’inscris au concours d’entrée à Clairefontaine mais, premier problème, on est deux-cents inscrits et il y a vingt places. Moi, j’avais démissionné, j’avais toutes mes affaires avec moi, deux valises. C’était au mois de juillet.

Les tests d’entrée se déroulent sur deux jours et sont assez poussés. Je m’y étais préparée, mais je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir faire si je n’étais pas dans les vingt.

À l’entretien, j’ai été cash. J’ai expliqué aux formateurs que je n’avais pas de plan B et je leur ai fait peur en leur disant que, s’ils ne me prenaient pas cette année, je reviendrai tous les ans pendant dix ans.

En gros, soit vous gagnez du temps et vous me prenez, là, maintenant, soit on se revoit tous les mois de juillet. Pour en avoir parlé avec certains formateurs par la suite, je pense que c’est ce qui a fait qu’ils m’ont retenue.

Ils se sont dit : « Celle-là, elle ne va pas nous lâcher, alors on la prend parce qu’elle va aller au bout. »

Tu fais preuve, chaque fois, d’une détermination à toute épreuve !

Je ne sais pas. J’aurais très bien pu rester à Mayotte. Là-bas, j’étais professeur vacataire, je travaillais quatorze heures par semaine et j’étais très bien payée. J’avais les vacances scolaires, une maison avec vue sur la mer, mais je me suis rendu compte que je m’ennuyais.

Avoir de l’argent, des vacances, une vue sur la mer et une météo de rêve, satisferait certainement une grande partie de la population mais, en ce qui me concerne, avais-je vraiment envie de vivre une vie sans piment, une vie plate ?

Non, ça n’allait pas être possible, il me fallait des contraintes, du suspense, pour ne pas que je m’ennuie.

C’était risqué malgré tout, tu as tout quitté, tout vendu pour venir passer ton DES ?

Si ça n’avait pas marché, ma carrière aurait été tout autre. La petite anecdote c’est que, quand j’arrive à Clairefontaine, Élisabeth Loisel fait partie des formateurs. Sur le moment, elle ne se souvient pas de moi.

Une fois que je suis retenue, durant les premiers cours, je lui pose la question : « Tu te souviens de la gamine de La Réunion ? ». Ça lui rappelle en effet quelque chose et je lui explique que c’est moi. Elle me lance : « Ah oui, donc tu ne lâcheras pas ! » et je lui confirme que non, que je n’allais pas lâcher.

La saison dernière d’ailleurs, je suis allée passer un nouveau diplôme, le CEFF, c’était encore elle la formatrice et elle m’a dit : « Jusqu’au bout… » !

Pour te former au DES, il faut tu aies une expérience de terrain avec une équipe niveau régional au minimum. Tu te lances à corps perdu dans la recherche d’un club, ce sera Bergerac en DH, puis Niort…

J’ai envoyé mon CV à tous les clubs de France et il y en a un qui a répondu, c’était Bergerac. Pour Niort, entre ce qu’ils m’avaient demandé d’atteindre et les moyens associés, ce n’était pas réalisable en très peu de temps donc on n’a pas fait affaire.

La suite, elle va se passer à Reims. L’aventure commence en janvier 2017. À la fin de la saison 2018-19, le groupe valide son billet pour la D1. Comment es-tu arrivée là-bas ?

Grâce au bouche-à-oreille. À ce moment-là, je suis dans un programme pour les coaches sans club mis en place par l’UNECATEF, le syndicat des entraîneurs. Ça, s’appelle « 10 mois vers l’emploi » et ça consiste à accompagner les entraîneurs en recherche de poste.

On me propose d’intégrer ce programme et, au bout de six mois, l’entraîneur principal de Reims appelle pour dire qu’il faudrait quelqu’un pour les filles mais qu’il n’a pas de nom.

On lui propose le mien. Ça s’est fait comme ça.

Je vais passer l’entretien et, à la fin, ils me demandent ma taille pour les survêtements donc j’en déduis que je suis retenue. Je suis embauchée, à la base, pour une saison et demie, les six mois à finir et une saison de plus en contrat.

Tu vas prolonger l’aventure assez rapidement et, en quatre ans, tu vas passer de la DH à l’élite. C’est facile de garder la tête froide ?

Je pense qu’un des points importants, c’est de ne pas oublier. Ne pas oublier tout le chemin parcouru pour en arriver là, ne pas oublier que l’on peut très bien repartir en DH assez rapidement.

Le sport, et peut être encore plus pour les entraîneurs, c’est très friable, ça évolue au gré des performances : quand on gagne, on est des génies ; quand on perd, on est les premiers qu’il faut changer. C’est pour cela, je pense, qu’il faut rester tel que l’on est.

Moi, j’ai le même staff depuis quatre ans, un grand nombre des joueuses étaient là également quand je suis arrivée. Ce n’est pas parce que l’on atteint un niveau supérieur qu’il faut tout changer.

Il faut conserver ce qui fonctionne bien, l’agrémenter de petites touches de temps en temps pour se renouveler, mais pas tout changer du jour au lendemain sous prétexte que l’on a franchi un cap.

Tu évolues, depuis, dans ce club qui mise sur le football féminin, qui va se doter, d’ici peu, d’un centre de formation. Les ambitions, avec Reims, c’est quoi ?

Avec Reims, ce qui est bien c’est que l’on a trouvé un vrai équilibre. J’ai carte blanche, je pilote mon staff, je le choisi et, ça, pour l’ensemble de la section féminine à savoir neuf équipes et cent-vingt joueuses.

Quand nous sommes montées en D1 et que les dirigeants ont vu que ça se passait bien, ils nous ont laissés les clés du projet. Aujourd’hui, leur plus grosse satisfaction, c’est que la section féminine tourne. Il n’y a aucun problème, aucun égo, rien à régler et, en plus, il y a des résultats.

De mon côté, je respecte au centime près les budgets qui me sont attribués. Ils augmentent, de façon mesurée, tous les ans, ce qui me permet d’améliorer les choses.

Au début, on s’entraînait le soir, maintenant, c’est en journée ; on n’avait pas de bâtiment, on va en avoir un ; j’avais deux salariés, on est quasiment neuf…

D’un point de vue personnel, ça me permet également de m’épanouir parce que je ne rentre pas dans une routine.

Tu as d’ailleurs récemment prolongé jusqu’en 2024. Toi qui a l’habitude de beaucoup bouger, c’est la première fois que tu restes en place aussi longtemps…

Initialement, ils voulaient me prolonger de cinq ans, c’est moi qui ai dit que, cinq, c’était peut-être beaucoup et qu’on allait faire trois ! Ça fait trois ans qu’on est sur le projet du bâtiment et j’aimerais bien être là quand on va l’inaugurer, travailler dedans.

L’idée, c’est de stabiliser cette équipe première en première division. Une fois que j’aurais fait ça, que l’on aura des staffs compétents sur chaque équipe, je pourrai les laisser sans aucun regret et dans de très bonnes conditions.

La suite, tu la vois comment ?

C’est drôle parce que, maintenant, il m’arrive de faire des interviews et, cette fois, ce sont les journalistes qui me demandent : « Et l’équipe de France, c’est quelque chose que vous accepteriez ? ». Je leur réponds que, au final, peut-être que l’on va arriver là d’où tout est parti.

Après, que ce soit l’équipe de France ou une autre sélection nationale, ça me va, ça reste un honneur, peu importe le pays. Si c’est l’Angleterre ou le Mexique, je prends. Il y a assez de monde qui veut l’équipe de France, je n’ai pas envie de me battre. On va voir.

L’avantage d’avoir passé les diplômes jeune c’est que je n’ai pas encore 40 ans et que j’ai déjà pas mal d’expérience au haut niveau. La retraite, maintenant, ce n’est pas avant 70 ans donc, si je ne me débrouille pas trop mal, il y a des chances que j’entraîne une sélection nationale avant cet âge-là !

Tu évoquais le profil des sélectionneurs ou sélectionneuses de l’équipe de France en disant que tu ne répondais pas aux critères…

Ce ne sont pas des critères écrits mais, en France, on est assez conservateur. On n’a jamais mis un étranger à la tête d’une sélection française et on met quasiment tout le temps des anciens joueurs.

L’équipe de France, c’est beaucoup de noms. Il y a un profil type du candidat qui se dessine, ce n’est pas fermé, mais je n’ai pas ce profil.

Tu t’imagines où, alors, dans dix ans ? À l’étranger ?

L’étranger, absolument. Ça fait un moment que je suis en France et je ne suis pas habituée. J’aimerais aller voir ailleurs, découvrir une autre culture, un autre management. Je suis intéressée par les États-Unis, par exemple. Là-bas, il y a une culture du sport très différente, les filles sont championnes du monde, ce qui veut bien dire qu’elles doivent faire certaines choses de façon différente.

J’ai aussi envie d’aller voir du côté de l’Angleterre, de l’Italie, de l’Espagne et de l’Australie et j’aurais fait le tour. Si je vais jusqu’à 70 ans, à raison de trois-quatre ans par poste, c’est faisable !

J’ai envie de me balader, j’ai du mal à être sédentaire. Je suis heureuse à Reims mais, hors boulot, je tourne en rond. Je suis dans la même maison, au même endroit, et je ne suis pas habituée.

J’ai changé de pays tous les trois-quatre ans quand j’étais jeune, là je commence à connaître mes voisins et ça ne m’est jamais arrivé. Je ne pense pas avoir le profil à rester vingt ans dans un même club.

Dernière question, que penses-tu de l’évolution du football féminin en France ?

On commence à se poser des questions. Autour de nous, ça bouge – en Angleterre, en Espagne, en Italie, par exemple – et le temps d’avance que nous avions commence à se réduire.

J’ai bien peur que ces pays nous devancent si on ne réagit pas rapidement. Il ne va pas falloir que l’on dorme trop longtemps sur nos lauriers.

Cette année, Lyon qui régnait depuis très longtemps sur l’Europe, n’a pas gagné la Coupe. Il va falloir faire attention. Si on ne réagit pas rapidement, avec des idées innovantes, on ne sera plus forcément les meilleures en foot féminin.

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