Véro Grafe : « Je viens des sports de combat et quand je masse ces sportifs surpuissants, ils me respectent. »Massothérapeuthe de Strongmen, bodybuilders, powerlifters et ferristes, 45 ans.

Véro Grafe : « Je viens des sports de combat et quand je masse ces sportifs surpuissants, ils me respectent. »
Métier : réparer les hommes les plus forts du monde. Massothérapeute pour gladiateurs du XXIe siècle alias les Strongmen, Véronique Grafe -appelez-la simplement “Véro“- envoie du lourd pour les remettre d’aplomb ! « Maman » de cette troupe de mecs super balèzes, l’ex-boxeuse se bat pour institutionnaliser sa discipline. Incursion au cœur de l’incroyable corps humain et de la force poussée à son extrême.

Propos recueillis par Claire Bonnot

Publié le 20 octobre 2021 à 18h13, mis à jour le 12 septembre 2024 à 11h49

« Mon parcours jusqu’à ce métier est fait de chemins de traverse. Tout simplement parce je n’avais aucune idée que ça existait ! Je suis originaire du Luxembourg, mais tout a commencé quand j’ai débarqué à Paris, via le bodybuilding. Les bodybuilders n’avaient pas cette notion de massage pour la récupération contrairement aux pays nordiques ou aux États-Unis où c’est complètement intégré. Je voulais offrir une pédagogie, leur faire comprendre à quel point la récupération est importante pour accroître leurs performances.

C’est en parcourant les événements sportifs pour me faire connaître que je suis tombée un jour sur les compétitions de Strongmen. J’en ai massé et ils n’ont plus jamais voulu que j’arrête !

La discipline du Strongman est un sport de force, les sportifs soulèvent les objets les plus lourds qu’on puisse trouver. C’est un sport répandu dans les pays de l’Est, aux États-Unis et dans les pays du Nord d’où le sport est originaire mais, il y a dix ans, quand je suis arrivée, ça n’existait pas encore en France.

Ce n’est pas un sport institutionnalisé donc notre objectif a été de mettre en place les structures qui puissent permettre aux sportifs de devenir athlètes Strongmen. On en est aux prémisses. J’ai donc fondé en décembre 2019 l’association FFSTRONG (Fédération Française de Strong). En attendant d’avoir des locaux, j’organise des stages de perfectionnement aux techniques Strongman avec des intervenants expérimentés sur des thèmes comme le tirage de camions par exemple. Ce sont vraiment les dieux de la force !

L’adage du Strongman est : savoir soulever n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand. Comme dans chaque discipline, nous retrouvons différentes catégories de poids chez les hommes comme chez les femmes. Les catégories diffèrent en fonction des pays. En France, les catégories accessibles pour les hommes sont -90kg, -105kg, +105kg et pour les femmes : -72kg, -82kg, +82kg

Toute petite, je faisais beaucoup de judo. Ensuite, et pendant douze ans, j’ai pratiqué la boxe française et thaï. Au Luxembourg, j’étais championne régionale. Je suis devenue coach fitness et, en parallèle, secrétaire médicale en rhumatologie. Ma venue en France est liée avec le souhait de changer de métier, de m’orienter davantage vers le sport qui est toute ma vie.

Ici, je me suis inscrite dans une école de massage. J’y ai appris des techniques essentiellement axées sur le bien-être. Au Luxembourg, je travaillais surtout en thérapeutique qui est le fait de traiter la pathologie du muscle, de soigner la cause.

Je me suis aussi inscrite dans une école en Thaïlande où, pendant un mois et demi, je me suis formée à divers types de massages dont des massages thaï traditionnels. Là-bas, ils y vont beaucoup plus franchement qu’en France où nous avons beaucoup de barrières, d’idées reçues sur la fragilité des muscles et du corps.

De là, est née ma société Siddharta Massages. J’ai croisé la route de la médecine chinoise par le plus grand des hasards. Je m’étais inscrite pour six années d’école de médecine traditionnelle chinoise à Paris, en lien avec Shanghai pour la validation des acquis. J’ai appris à soigner les pathologies musculo-squelettiques. Et puis, je suis venue au Strongman.

Pour ça, je fais beaucoup de musculation car « il faut envoyer du lourd » pour pouvoir masser ces gars-là. Il faut une sacrée endurance musculaire, notamment pour tenir le premier et le dernier massage de la semaine qui durent chacun cinquante minutes. Je m’entraîne quatre fois par semaine pendant 1h, essentiellement chez moi.

Je n’ai donc pas suivi une formation pour “réparer“ les Strongmen, mais je travaille à partir de connaissances solides et emportée par ma passion pour le sport et tout ce qui touche au muscle. Avec les Strongmen, c’est vraiment de la mécanique fine, c’est pointu !

Cette discipline est parfaite pour développer ma technique de massothérapie : je traite rarement le problème mais plutôt la cause du problème, c’est ma différence. C’est une technique qui n’existe pas, donc j’ai envie de la partager, de l’enseigner et de la faire évoluer car j’ai beaucoup de demandes dans tous les coins de France même si mon cabinet est basé à Paris.

Ma technique, je l’ai développée avec tous les sports de force, Strongmen mais aussi bodybuilders et powerlifters. Ce sont des techniques de massages profonds qui viennent détendre le muscle. Ils sont très ciblés sur un muscle en particulier.

Comme je l’expliquais, je recherche la cause et non la conséquence de la pathologie. J’allie des techniques occidentales – où on vous apprend à ne pas faire mal, où certaines zones ne doivent pas être trop touchées- à la méthode asiatique -qui ne fixe pas les mêmes limites-, j’utilise ainsi, par exemple, des ventouses qu’on appelle la cuppingtherapy. Ce sont des techniques adaptées à des corps hors normes. Mais je n’ai pas que des sportifs au cabinet, tout le monde peut venir consulter.

Mon but est de soigner et d’apprendre à mes patients et notamment les sportifs à s’autogérer, à devenir autonomes. D’habitude, la première chose que leur dit le corps médical quand ils se blessent, c’est qu’il faut arrêter définitivement leur pratique et c’est quelque chose qu’ils ne veulent pas entendre. Le problème, c’est qu’ils repartent alors seuls et non accompagnés avec leur douleur en bandoulière. Mon but est de les accompagner le mieux possible vers leur maximum et de leur permettre de continuer malgré quelques petits problèmes.

Mes athlètes Strongmen ont besoin d’aller au bout d’eux-mêmes, de puiser le maximum dans leur force, c’est clairement du sport extrême. Cependant, je leur apprends à connaître leurs limites pour ne pas se blesser. Leur apprendre à écouter leur corps. D’ailleurs, la médecine chinoise est une médecine de prévention quand, en France, on est dans la guérison, dans l’après. Là-bas, on va voir son thérapeute entre chaque saison pour que le médecin nous prépare à la saison qui arrive. Ici, on ne va voir le médecin que lorsqu’on est malade. On traite la maladie et moi je traite la bonne santé !

Dans le milieu du Strongman, je suis un peu la « maman » de tous ces hommes surpuissants… Je viens des sports de combat, je suis respectée et ça se passe très bien. Il n’y a pas de machisme dans ce milieu du Strong contrairement aux sports de combats. Le problème vient de la concurrence entre les structures de Strongmen. C’est dommage car, pour moi, c’est une force qu’il y ait plusieurs groupes, ça prouve que la discipline prend de l’ampleur !

Mais ce sport est encore trop impopulaire en France pour être institutionnalisé. C’est ma lutte, en quelque sorte, d’y parvenir.

Je suis plutôt une battante, quand je me lance dans quelque chose, je ne compte pas ! Je suis empathique, généreuse, mais je suis aussi une lionne. Je ne me laisse pas faire et je montre à mes « gros lionceaux » quelles sont les valeurs de ce sport. J’ai toujours été habituée à me débrouiller seule. Mon association est très jeune et il y a de la concurrence.

J’ai dû faire au moins cher et j’ai moi-même fabriqué un certain nombre d’outils pour les épreuves Strongman comme les boules en béton, par exemple. Ça m’a pris un an pour en fabriquer une trentaine et, ça, ça impressionne les sportifs.

Je leur montre ainsi qu’on peut faire beaucoup avec rien, qu’il n’y a pas de limites, qu’on peut arriver à tout quand on s’en donne la peine ! »

  • Pour découvrir le travail de Véro et ses « lionceaux » les Strongmen, direction son compte Instagram @verografe
  • Le samedi 14 septembre 2024, au château Faugas, à Gabarnac en Gironde, les femmes et les hommes les plus forts de France s’affrontent sur une compétition de force avec des pierres, la Kings of Stones.

D'autres épisodes de "Muscu, haltéro, CrossFit, ça envoie du lourd !"

Elles aussi sont inspirantes...

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Lison Bornot : « Je veux mettre en avant l’Ultimate. C’est lui qui m’anime. »

Avec sa sœur Éva, elle truste les premières places depuis 2015 en Ultimate. Membre essentiel de l’équipe de France, Lison Bornot est Championne d’Europe outdoor 2023 et championne du monde d’Ultimate sur sable 2023. La voici maintenant en piste pour les World Games, l’antichambre des JO, qui se déroulent en Chine, du 7 au 17 août 2025. Témoignage d’une fille pétillante devenue l’une des ambassadrices françaises d’un sport trop peu connu.

Lire plus »
Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

Diane Servettaz : « Avec le vélo, j’ai compris que même si ça flanche côté mental, t’en as encore sous la pédale. »

En à peine trois ans, cette passionnée de vélo a décroché un podium sur 500 kilomètres et bouclé sa première course d’ultra, la fameuse BikingMan, en tant que première féminine. Carburant aux défis, pédalant sans relâche, surmontant tous les obstacles grâce à un mental d’acier, la Savoyarde n’a pas fini d’enfiler les kilomètres dans ce sport de l’extrême. En piste !

Lire plus »
Emelyne Heluin: « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Emelyne Heluin : « Je sais pourquoi je cours, pourquoi je lutte. »

Gymnaste jusqu’à son adolescence, Emelyne Heluin a dû raccrocher le justaucorps après une prise de poids inexpliquée et d’autres symptômes invalidants. Diagnostiquée d’une maladie endocrinienne chronique et évolutive, le SOPK, à l’âge de 17 ans, elle erre pendant des années entre perte de confiance en elle et détresse psychologique avant de retrouver le chemin du sport comme outil de santé. Ce sera la marche, puis la course à pied jusqu’à se lancer sur des marathons.

Lire plus »
Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Chloé Anderson, l’athlète transgenre qui bouscule les codes

Chloé Anderson, l’athlète transgenre qui bouscule les codes

Joueuse de volley transgenre, elle lutte contre un monde sportif trop peu inclusif. Chloé Anderson, née garçon, est l’une des premières à avoir intégré une équipe féminine universitaire de haut-niveau. Aujourd’hui, l’Américaine veut aider la communauté LGBT+ à investir les terrains. Tous les terrains. Être fier de qui l’on est, malgré les préjugés, voilà ce que défend miss Anderson. Portrait d’une fille pas comme les autres.

Lire plus »
Liv Sansoz : « Décoller du sommet K2 a été le vol le plus fou et le plus magique de toute ma vie »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une femme qui ne craint pas de prendre de la hauteur (Liv Sansoz sur notre photo), une championne du ballon orange, l’histoire du flag football au féminin ou encore le retour de notre spécial KIDS, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! cette semaine. Enjoy !

Lire plus »
Hamburger sport la question qui tue

J’ai fait une heure de sport, je peux m’offrir un gros menu burger ?

Ah, cette chouette impression du travail accompli, cette satisfaction d’avoir tout donné ! Puis, ce besoin impérieux de récompense. Et la récompense, on va pas se le cacher, c’est souvent dans l’assiette qu’on va la chercher. Mais est-ce bien raisonnable de se jeter sur tout ce qui n’est pas light, même si on s’est bougé pendant une heure ? La réponse éclairée de notre coach, Nathalie Servais. Lisez plutôt avant de dévorer !

Lire plus »
Elena Micheli, la déesse du pentathlon moderne

Elena Micheli, la déesse du pentathlon moderne

Une liane athlétique de 24 ans. Avec sa chevelure couleur d’ébène, l’Italienne Elena Micheli est une star des terrains sportifs. Qu’elle nage, qu’elle court, qu’elle manie l’épée, le pistolet ou saute à cheval, tout semble lui réussir. L’actuelle N°1 mondiale de pentathlon devrait faire sensation aux JO de Paris 2024.

Lire plus »
Il était une fois le patinage artistique…féminin

Il était une fois le patinage artistique…féminin

À l’heure où débutent les Championnats de France Élites des Sports de Glace à l’Aren’Ice de Cergy-Pontoise, ÀBLOCK! revient sur l’histoire, pas si féminine que ça, du patinage artistique. Le patinage dont les héroïnes d’antan ont malheureusement été oubliées. À vos patins !

Lire plus »
Karolina Muchova

Karolina Muchova, c’est de la balle !

OK, elle vient de s’incliner face à Jennifer Brady, mais elle lui a donné du fil à retordre. Et nous, on l’aime bien cette tenniswoman, spécialiste des coups de théâtre. À l’Open d’Australie, Karolina Muchova, 27e mondiale au classement WTA, a réussi à mettre la N°1 mondiale, Ashleigh Barty, au tapis. Le monde du tennis est de plus en plus séduit par la Tchèque de 24 ans, elle qui s’est offert sa première demi-finale en Grand Chelem et sa deuxième victoire contre une joueuse du top 5. Portrait d’une fille qui nous a pris de court.

Lire plus »
Audrey Tanguy

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Nostalgie pré-JO avec nos championnes du passé, confidences sportives avec une ultra-traileuse inoxydable (Audrey Tanguy, notre photo), échanges de haut vol avec une championne de saut à ski ou encore pionnières contemporaines dans des milieux de mecs, on est ÀBLOCK! et on aime ça ! Petit tour d’horizon de nos sujets de la semaine passée, mais toujours d’actu…

Lire plus »
Marche

En marche pour Paris 2024 !

Portée par le partage, l’unité et la découverte, l’Association Leti Sports Académie passera la ligne de départ le 26 avril prochain au Havre pour un Tour de France à la marche jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Vous en êtes ?

Lire plus »
Maud Thierry

Maud Thierry – Iron(wo)man sinon rien

« Petit format, grande détermination » a-t-elle écrit sur sa bio Instagram. Pour Maud alias « Petit goûter », 26 ans, le sport, c’est un peu l’affrontement de David contre Goliath. Cette triathlète acharnée au petit gabarit a réalisé un exploit sportif envié : l’Ironman. Prenons le top départ avec une sportive généreuse et heureuse qui a fait du sport son mode de vie.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner