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Nélia Barbosa : « Après mon amputation, tout ce qui m’intéressait était de savoir si je pourrais encore faire du bateau. »Athlète de paracanoë, 22 ans, étudiante en graphisme interactif

Nelia Barbosa
Elle n’a jamais rien lâché. Atteinte d’une tumeur puis amputée du pied, Nélia Barbosa, passionnée de canoë-kayak, aurait pu abandonner sa vie de sportive. C’était mal la connaître. La voilà aujourd’hui athlète accomplie de paracanoë, tout juste médaillée d'argent à Tokyo sur 200m KL3. Nous l'avions rencontrée en mars dernier, en pleine préparation de ces Jeux Paralympiques. Elle raconte comment le sport est devenu sa thérapie.

Propos recueillis par Lise Famelart

Publié le 11 mars 2021 à 18h43, mis à jour le 03 août 2022 à 12h05

« Le canoë-kayak fait partie de ma vie depuis très longtemps. Tout a commencé quand j’étais petite, je suis partie en colonie de vacances sur le thème des sports nautiques, en Corse.

De retour en région parisienne où j’habite, j’avais envie de continuer dans cette voie. Il n’y avait pas beaucoup de possibilités : la voile ou le canoë-kayak. J’ai choisi la seconde option : l’ambiance me semblait vraiment sympa.

J’ai donc débuté à l’âge de 12 ans sur la Marne, au club de Champigny. Au club, j’étais une débutante parmi ceux de mon âge qui avaient commencé vers 7 ou 8 ans. Au départ, ça m’a un peu frustré. J’ai participé à mes premières compétitions, ça ne s’est pas très bien passé, j’avais du mal à être dans le mood.

Pourtant, c’est normal, les premières fois on ne gagne pas, c’est à force d’y retourner qu’on parvient à gravir les marches du podium ! Vers l’âge de 15 ans, j’ai commencé à vraiment accrocher à la compétition, et je me suis lancée dans des challenges nationaux.

Je progressais, j’allais aussi vite que les autres filles du club, et peu à peu, je suis devenue accro. Je suis quelqu’un qui n’aime pas travailler dans le vide, ça m’aide de me fixer des objectifs.

C’est gratifiant de maîtriser de nouvelles techniques, mais ça l’est encore plus quand on a travaillé dur et qu’on gagne ! La compétition m’a permis d’avoir confiance en moi et c’est une qualité que je n’avais pas trop quand j’étais enfant.

Dans le même temps, j’ai été diagnostiquée de la neurofibromatose. Une sorte de tumeur bénigne, mais très invasive, qui s’est développée sur ma cheville : j’avais beaucoup de mal à marcher, à me chausser, je ne pouvais pas courir… Les médecins m’ont conseillé une amputation du pied.

Je ne leur ai pas demandé si, après cette intervention, je pourrais encore courir ou même marcher : je voulais juste savoir si je pourrais encore faire du bateau. Quand j’ai appris que c’était possible, j’ai accepté l’opération. J’avais 19 ans.

Avant l’opération, je voyais déjà le canoë-kayak comme une thérapie : je suis quelqu’un qui parle peu de moi, le bateau me permet de me libérer, de penser à autre chose. Si avant, c’était une aide dans ma vie de tous les jours, après l’amputation, c’est devenu indispensable.

C’est un élément de motivation, pour montrer à tout le monde qu’il me manque un petit morceau de jambe certes, mais que ce n’est pas ça qui va m’arrêter ou me rendre moins forte que les autres.

Une amputation, ce n’est jamais facile à accepter : moi, j’ai tout le temps besoin de bouger, de me dépenser, et l’énergie que je dépensais en canoë-kayak à ce moment-là, ça m’a aidé à surmonter cette épreuve.

Finalement, ce n’est pas quelque chose que je regrette. C’est une vraie amélioration de mon confort de vie, c’était la décision à prendre.

Avant l’opération, je connaissais très peu le handisport. J’étais quand même fascinée par l’athlétisme, parce que je trouvais les sportifs avec leurs lames très impressionnants. Reprendre le canoë-kayak m’a demandé un peu d’adaptation, mais j’ai réussi à contrer ce petit bout de jambe qui me manquait.

Aujourd’hui, je vise les Paralympiques, en croisant les doigts pour qu’ils aient lieu : en ce moment, je suis en Guadeloupe pour un stage de préparation. On est partis chercher la chaleur là où elle est ! On pratique deux fois par jour, en jonglant entre la musculation et le bateau.

En tant qu’étudiante, je dois faire cohabiter mon entraînement et ma formation. C’est quelque chose qu’il faut anticiper, apprendre à gérer : je suis dans une école qui propose des horaires aménagés pour les sportifs de haut niveau, donc je peux suivre beaucoup de cours à distance.

Et puis, j’ai déjà passé un BTS, donc j’ai validé plusieurs items. Mon staff m’aide à jongler entre les deux, mais cette année, la priorité c’est l’entraînement. Je pense doubler mon année, et me focaliser davantage sur les cours l’année prochaine.

Peu à peu, ce sport a pris beaucoup de place dans ma vie et ce n’est pas quelque chose qui me dérange. J’ai toujours aimé les sports de glisse et cette sensation de glisser sur l’eau apporte un sentiment de légèreté qui est vraiment agréable.

Je suis quelqu’un qui déteste être enfermée dans une salle, c’est pour ça d’ailleurs que j’ai longtemps eu des difficultés à l’école. Mais sur l’eau, je me sens dans mon élément : ça fait du bien à la tête, ça fait du bien au corps…

Et il y a la proximité avec la nature qui est très agréable. C’est un sport qui permet de voir de très beaux endroits : quand je m’entraîne aux slaloms, il nous arrive d’aller dans les Alpes, par exemple… et pour la course en ligne, je pratique sur des lacs partout en France.

Même en hiver, j’aime beaucoup pratiquer : il fait froid, parfois il pleut ou il neige, mais ça fait beaucoup de bien. On est épuisés, mais positivement !

Ce qui me plaît dans ce sport, c’est aussi son ambiance très familiale. Tout le monde se connaît et s’entraide, le milieu est plutôt bienveillant. En plus, c’est un sport de passion, on peut pratiquer même sans faire de compétition.

En ce moment, c’est l’un des rares qu’on puisse encore pratiquer, donc autant en profiter ! Le canoë-kayak, ça fait voyager, ne serait-ce qu’en France où il y a déjà beaucoup de spots sympas. En fonction du moment où on y va, les spots changent parce que les conditions climatiques ne sont pas toujours les mêmes.

À ceux et celles qui auraient traversé la même épreuve que moi, je leur dirais de ne pas se mettre de barrières. La plus grande barrière, c’est souvent nous-mêmes : on se dit : “Moi, avec mon handicap, je ne peux pas faire ci ou ça…”. Mais c’est dans la tête !

En équipe de France, je suis avec un jeune homme paraplégique, il a trouvé des stratégies pour adapter son bateau et il est très fort, il est dans le top 5 mondial aujourd’hui.

Le cerveau humain est assez bien fait : quand j’ai repris le sport après mon amputation, j’ai réussi à m’adapter. Il suffit d’avoir la motivation et de ne pas baisser les bras ! »

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