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Le rugby, sexiste ? Pas son genre !
Un univers machiste, le rugby ? En tout cas, pas du côté de la fédé.
Publié le 28 avril 2022 à 15h32, mis à jour le 28 avril 2022 à 18h09
Aujourd’hui, le tatouage s’est démocratisé, il fait même partie de la « panoplie » du sportif, il est présent dans le sport, mais surtout dans certains sports…
Ce que l’on voit beaucoup, ce sont des tatouages dans le milieu du foot, du rugby, de l‘haltérophilie, du CrossFit par exemple, tous ces sports qui sont dits masculins –au départ en tout cas, pratiqués prioritairement par les hommes, avec ce culte du sportif tatoué. Ce sont des sports aussi où tu es un peu dénudé.
Après, il est présent dans tout un tas de danses dérivées du hip hop, des danses de rue. En revanche, on verra très peu de danseuses classiques ou de gymnastes tatouées.
La championne française de CrossFit, Alizée Andreani, et sa team tatouée
Est-ce la preuve que le tatouage est encore vu comme masculin ?
On parle beaucoup du tatouage aujourd’hui et c’est vrai qu’il y a eu une très grande évolution depuis quinze-vingt ans mais, en sport comme dans le travail, on ne peut pas toujours afficher un tatouage, il est alors souvent caché. Le tatouage est une liberté et cette liberté-là n’est pas complètement entrée dans les mœurs.
J’ai beaucoup discuté avec les tatoueuses pour la réalisation de mon livre*, l’une d’elles qui a une cinquantaine d’années me disait qu’il n’y avait pas davantage de femmes tatouées qu’à une certaine époque, sauf que les tatouages, aujourd’hui, sont visibles et plus gros qu’avant.
Avant, en effet, tu n’allais pas te faire tatouer les bras ou les jambes, c’était davantage la petite fleur au bas des reins. C’était essentiellement des tatouages sur des parties cachées parce qu’il y avait quand même cette connotation de mauvaise fille et c’est toujours un peu le cas, même si on voit beaucoup de tatouées dans les rues, que les jeunes et les femmes que je rencontre le revendiquent, le portent bien.
Mais, le problème est toujours au niveau professionnel. Et c’est pareil pour les sports qui n’ont pas les mêmes représentations dans l’inconscient collectif.
©Nathalie Kaïd
Certaines sportives seraient donc plus libres que d’autres ?
En tout cas, il y a des tatouages plus « acceptables » que d’autres, comme se faire tatouer les anneaux olympiques lorsque tu as fait les JO. Car les sportives, celles qui en font leur métier, sont plus libres puisqu’elles peuvent faire de leur corps une revendication, elles façonnent leur image.
Ce qui est hyper intéressant dans le sport et surtout dans les sports dont on parlait plus haut, c’est que ce sont des sports dans lesquels les femmes sont souvent très musclées. Et le tatouage, c’est aussi un rapport au corps, un élément extrêmement important pour la beauté du corps, pour se mettre en valeur, s’assumer.
Je dis souvent que c’est un peu comme un journal intime : les femmes écrivaient leur vie sur du papier, maintenant elles l’inscrivent dans leur chair, c’est extrêmement fort. Ce peut être pour marquer des dates ou des événements, ou tout simplement pour s’embellir.
Megan Rapinoe a fait tatouer un mot arabe sur son poignet dont la traduction est : “Faites-vous confiance ». Et « La nature a suivi son cours » sur son biceps…©Harper’s Bazaar
Dans ton livre, certaines des femmes tatouées à qui tu donnes la parole abordent la question de l’acceptation du corps, du désir de se l’approprier, ce sont des besoins très proches de ceux des sportives qui, pour certaines, voient dans le sport un outil pour se sculpter, se muscler…
On pourrait penser que le tatouage est une forme de cri, une façon de dire « Regardez-moi, je suis là, je suis hors norme. » et on s’imagine la même chose pour les femmes musclées. Mais n’est-ce pas au contraire une sorte de protection ?
Sur les cent-quatre-vingt-quinze femmes que j’ai interviewées, on identifie des similitudes. Il y a plusieurs choses et on peut faire le parallèle avec le sport.
La première, c’est l’envie de s’aimer. La deuxième, c’est l’envie d’être maîtresse de son corps, de dompter un peu ce corps qui fait parfois ce qu’il veut. Le tatouage, un peu comme le sport, c’est la volonté de s’embellir et par là-même d’être plus forte.
La troisième chose, c’est que le tattoo peut recouvrir des cicatrices, physiques ou psychologiques, et ça c’est extrêmement important, c’est faire en sorte que le corps ne soit plus celui que les autres ont connu.
Le tatouage peut participer à une renaissance et, ça, c’est extrêmement puissant. Je pense que pour le sport, c’est pareil.
©Nathalie Kaïd
Lorsqu’on se décide à faire du sport, c’est souvent parce qu’il y a un déclic, c’est la même chose pour le tatouage ? Ce peut être quoi, une thérapie, une revendication, une émancipation, un outil de résilience ?
C’est la liberté, avant tout. C’est s’assumer en tant que femme, pouvoir faire ce qu’on veut de son corps. Je suis avec mon mari depuis quarante ans, j’ai commencé à me tatouer il y a peu de temps, à 47 ans, et aujourd’hui, je suis tatouée sur plus de 70 % du corps et il ne s’en est jamais mêlé.
En revanche, j’ai rencontré des femmes dont le mari n’acceptait pas les tatouages et, à l’inverse, d’autres qui se sont jetées dans le tatouage après une rupture car elles en avaient toujours eu envie. C’est toujours le problème du corps des femmes, en fait. Et c’est pareil dans le sport quand on pointe du doigt les femmes « trop » musclées.
Finalement, c’est pas un problème de sport ou de tatouage, c’est un problème du droit à pouvoir modifier ton corps comme tu l’entends. Là encore, dire qu’une femme trop musclée ou trop tatouée n’est pas une femme, c’est t’empêcher d’être ce que tu veux être.
©Nathalie Kaïd
Dans ton livre, Isabelle dit : « Avant de me faire tatouer, je me prépare comme une sportive avant une compétition »…
Oui, et c’est surtout le cas lorsque tu te fais faire des tatouages importants. Tu t’es préparée avant : tu dors bien, tu bois pas, t’organises pas une soirée avec des amis, parce que tu sais que le corps va morfler, un peu comme quand tu fais du sport au début, c’est une douleur que ne connaît pas le corps.
Et puis, tout comme un sportif, on ressent des bouffées d’endorphines avec la piqure. Et, tout comme un sportif, à force d’en faire, on en ressent de moins en moins et c’est un problème pour supporter la douleur.
La première fois que je me suis fait tatouer, j’étais à la fois épuisée et euphorique. Ça me l’a fait plusieurs fois et c’est devenu un besoin vital, comme un manque. Il y a un côté addict dans le tatouage comme dans le sport.
Là où un sportif ne supportera pas un endroit de son corps non musclé, moi je ne supporte pas un endroit de mon corps encore blanc.
Laure Manaudou a plusieurs tatouages : sur l’épaule, le long du bras ou encore de sa colonne vertébrale…
Dans ton livre, l’une des femmes, Anne, témoigne : « J‘ai fait un spectacle de pole dance et mes copines m’ont dit : “Tu as fini en petite culotte, je n’aurais pas réussi. “ Mais, avec mon tatouage, je ne me considère pas comme entièrement nue. » Ça veut dire que se faire tatouer comme se sculpter, c’est avoir davantage confiance en soi ?
Encore une fois, il y a beaucoup de similitudes avec le sport car, tatouée, tu oses sans doute davantage. Je n’y avais pas pensé, mais c’est intéressant, les confidences de tatouées rejoignent certaines confidences de sportives.
On est toujours sur le corps et tout ce qui va avec : les endorphines, l’énergie, le fait de s’assumer. Et comme le sport, le tatouage, ça reste. On a une nouvelle énergie.
Quand j’ai commencé à me faire tatouer, moi qui ne faisais plus de sport depuis longtemps, je me suis réinscrite à la salle de muscu car je voulais qu’on voie mes tatouages et pour bien les montrer, je voulais que mon corps soit plus musclé.
Tout ça est lié, c’est une espèce de thérapie.
©Nathalie Kaïd
Tu racontes volontiers que lorsque tu te balades avec ton mari, on te regarde davantage toi que lui, pourquoi ?
Parce que lui n’est pas tatoué et ça semble incroyable qu’il ne le soit pas. Ça doit faire le même effet quand tu vois une fille super musclée avec un gars qui ne l’est pas du tout. Et cela concerne seulement les filles, le contraire ne choquerait pas. Là-dessus aussi, on doit avancer.
*« S’aimer tatouée » de Nathalie Kaïd, éditions Véga
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