Rechercher

Khadjou SambeLe surf comme planche de salut

Khadjou Sambe
Première surfeuse pro du Sénégal devenue symbole d'émancipation, elle glisse sur l’eau pour mieux noyer les préjugés. Changer les mentalités est son crédo dans un pays où certains sports ne se conjuguent pas au féminin. Khadjou Sambe s’entraîne dur pour se qualifier aux prochains JO de Tokyo et ça va tanguer !

Par Valérie Domain

Publié le 20 août 2020 à 17h26, mis à jour le 29 juillet 2021 à 15h06

« Chaque fois que l’on se retrouvait seules à la maison, on courrait vers la plage et on se mettait à l’eau. Mais quand on se faisait attraper, on prenait des gifles. » Khadjou Sambe est une force de la nature, la rage chevillée à la planche.

Le surf a toujours été son moyen à elle de prendre le large. S’éloigner d’une famille trop stricte, enfermée dans des traditions qu’elle ne comprend pas. Plonger coûte que coûte.

Et tant pis si dans son village de pêcheurs, ça ne se faisait pas. Pendant près de trois ans, ses parents lui ont interdit d’aller dans l’eau. Pour elle, seul le kayak était autorisé.

Le surf, sport masculin par excellence au Sénégal, n’est pas convenable pour une jeune fille : « Ici, les filles doivent finir l’école, se marier, rester à la maison, cuisiner et faire des enfants », explique-t-elle au magazine Outside.

Khadjou Sambe
©DR

À 13 ans, c’est donc sur le sable de son île près de Dakar que Khadija ou Khadjou pour les intimes, regarde évoluer les hommes dont ses oncles et ses cousins. Ils prennent le large, elle reste sur le bord.

Jusqu’à ce que l’appel de la vague soit la plus forte. Et qu’elle fasse le mur pour retrouver la mer : « J’ai fait ça jusqu’à devenir une bonne surfeuse, raconte Khadjou Sambe à wiwsport.com. Mais mes parents n’étaient pas contents. Beaucoup de membres de ma famille disaient : « Pourquoi est-elle toujours avec des garçons ? » J’ai commencé à avoir des problèmes avec ma famille, alors j’ai arrêté de surfer pendant environ deux ans et j’ai travaillé dans un restaurant. Mais je m’encourageais tous les jours : « Khadjou, non, tu n’as pas besoin d’arrêter de surfer, n’écoute pas ce que les gens disent, continue à suivre tes rêves, bas-toi pour toi-même. » Je suis retournée au surf. »

Khadjou Sambe
©Facebook Khadjou Sambe

Sa rencontre en 2016 avec Rhonda Harper est décisive. L’Américaine, coach et fondatrice de Black Girls Surf, une école de surf pour les femmes de couleur, l’invite en Californie. Un autre monde.

Khadjou Sambe n’a pas un sou en poche, ne parle pas anglais, affiche un style libre, sauvage, bien loin des codes du surf. Ce sera un voyage initiatique. Et un retour avec Rhonda Harper dans ses bagages. Qui commence à l’entraîner pour décrocher la sélection aux prochains JO de Tokyo : « Je veux représenter ma famille, les femmes aussi », dit la surfeuse devenue pro.

Khadjou Sambe
©Facebook Khadjou Sambe

Une surfeuse qui compte inspirer les autres jeunes filles sénégalaises. Dont le message est aujourd’hui, à 24 ans, toujours le même : « N’écoutez pas ce que les gens ont à dire sur vous et combattez pour tout ce que vous voulez dans la vie. L’industrie du surf est compliquée, il faut donc être fort et avoir confiance en soi. Si vous écoutez les gens, vous perdrez de vue ce qui est important et vous vous sentirez déprimé. Tout ce que vous pouvez contrôler, c’est ce que vous faites. Et vous devez toujours vous respecter. Dans mon cas, c’est respecter mon entraîneur et la mer. »

Khadjou Sambe
L'an dernier, la World Surf League lançait sa série Transformed. L'une de ses héroïnes s'appelle Khadjou Sambe...

Faire évoluer les mentalités, abattre les barrières de genre, est l’une des deux missions que se donne Khadjou Sambe.

La deuxième est d’ordre émotionnel, presque sensuel : partager avec sa génération cette passion de la vague et de la liberté : « Je ne me sens jamais déprimée quand je suis dans l’eau. J’ai cette sensation incroyable à l’intérieur… J’oublie mes problèmes. Je dis toujours aux gens que la planche est mon amour, les vagues sont mes amis et la mer est ma deuxième famille. »

Soutenez ÀBLOCK!

Aidez-nous à faire bouger les lignes !

ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.

Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.

Soyons ÀBLOCK! ensemble ! 🙏

Abonnez-vous à la newsletter mensuelle

Vous aimerez aussi…

Julie Chupin tire dans le mille pour le handisport

Julie Chupin tire dans le mille pour le handisport

Amputée de la jambe gauche à l’aube de la trentaine, elle a réussi à trouver une nouvelle cible de vie : le tir à l’arc à haut niveau. Athlète handisport depuis seulement sept ans, championne de France handisport et 5e mondiale, Julie Chupin, 38 ans, se charge de « prendre du plaisir à tirer les bonnes flèches » pour les Jeux paralympiques de Tokyo 2021.

Lire plus »
Isabeau Courdurier : « Retrouver du plaisir en VTT m’a permis de sortir de mes comportements destructeurs. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Du ski, du rugby, du VTT (Isabeau Courdurier sur notre photo), de la breakdance… Des héroïnes, des légendes, des championnes, la semaine a été riche encore une fois sur ÀBLOCK! Séance de rattrapage pour ne rien manquer du sport féminin qui fait bouger les lignes. Bonne lecture !

Lire plus »
Marie-Amélie Le Fur

Marie Amélie Le Fur : « J’ai envie de rendre un peu de ce qu’on m’a donné. »

Trois médailles d’or olympiques en para-athlétisme et une confiance en la vie aussi belle qu’inspirante. Marie Amélie Le Fur est une femme de défis qui n’a jamais voulu regarder en arrière. Cet accident de scooter qui lui a volé sa jambe lui a aussi donner de la hargne, une hargne constructive. Aujourd’hui, elle préside le Comité paralympique et a les yeux rivés sur les JOP 2024 à Paris.

Lire plus »
Adjudante Virginie V. : « Le sport, ce n’est pas loin d’être ma vie. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une course en haute altitude, des JO au garde à vous, un spécialiste du baseball, une adjudante championne de cross-country (Virginie sur notre photo) et une question qui tue, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Faites place !

Lire plus »
Paris-Roubaix : l'Enfer des dames, saison 2 !

Paris-Roubaix : l’Enfer des dames, saison 2 !

Elles s’apprêtent à rouler en éclaireuses. Ce samedi 16 avril, la veille du départ des hommes, la deuxième édition du Paris-Roubaix féminin s’élancera sous le soleil nordiste. Des coureuses qui vont battre le pavé. Ou presque, car ces acharnées-là savent très bien où elles vont et pourquoi elles roulent : vers une plus grande reconnaissance des filles dans le cyclisme. Parcours mythique, casting de rêve… Attention au blockbuster !

Lire plus »
Bethanie Makett-Sands

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une aviatrice américaine au sacré culot, une joueuse de tennis aussi colorée que ses médailles (Bethanie Makett-Sands, notre photo), une pionnière de la nage qui défiait les eaux en 1900, une autre, toute jeune, sacrée championne de natation, une chronique sur le sport féminin, le fameux 5 infos sur une tenniswoman aux allures de Grand Chelem, une question qui tue, une initiative qui rassemble et un peu d’actu avec l’Euro Basket 2021, vous n’avez qu’à demander, c’est sur ÀBLOCK!

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner