Rechercher

Justine Pedemonte : « Dans la moto, il faut savoir se faire respecter. » Pilote moto, lycéenne, 15 ans

Justine Pedemonte : « J'ai prouvé que je pouvais être aussi, voire plus forte que les garçons ! »
Depuis ses 9 ans, elle fonce sur sa moto. Balayant d'un revers de gant en cuir les commentaires sexistes, Justine Pedemonte, 15 ans au compteur, se balade de circuits en circuits et ramène un paquet de trophées à la maison. Témoignage d'une fille qui vit à 200 à l'heure.

Propos recueillis par Alexandre Hozé

Publié le 20 janvier 2023 à 9h43, mis à jour le 23 janvier 2024 à 18h27

« J’ai commencé par de la danse… Absolument rien à voir ! Mais j’ai très vite enchaîné sur la moto. J’avais 9 ans. Cette passion du sport motorisé me vient de mon père. Il a fait de la moto à bon niveau, il a notamment participé au Bol d’Or. La danse, c’était quand j’étais petite, parce qu’il fallait que je bouge. Mais, quand j’ai vu mon père participer à des courses, j’ai direct accroché et j’ai voulu en faire aussi. 

Paradoxalement, commencer la moto à 9 ans, c’est assez tard. En général, les jeunes commencent plus tôt, vers 6 ans. La première fois que j’en ai fait, c’était sur un petit circuit installé sur un parking. C’était drôle, on m’avait donné une petite Piwi, j’ai fait quelques tours et j’ai tout de suite adoré. Tellement que j’ai voulu me frotter à la compétition. 

Sur les circuits, j’ai très vite été performante. J’entendais des parents dire à leurs enfants : « Tu te rends compte, c’est une fille qui est devant toi ! ». Plus j’enchaînais les compétitions, plus j’entendais ce genre de phrases. Mon championnat est mixte et j’ai souvent été la seule fille, donc les commentaires n’arrêtaient pas. 

Mais le pire, ça a été en Italie. Lors des courses auxquelles j’ai participé là-bas, l’ambiance était particulièrement machiste. Les autres motards n’acceptaient pas qu’une fille soit devant eux. Mais je n’ai pas eu peur, j’ai fait mes preuves, je leur ai montré qu’être une fille ne m’empêchait pas d’aller plus vite qu’eux, bien au contraire. Et petit à petit, ils ont commencé à me respecter. Et maintenant, c’est partout pareil, je suis vraiment vue comme pilote. 

Malgré ces regards, je n’ai jamais douté. Mon entourage m’a soutenue. Lors d’une de mes premières courses, au 25 Power Occitanie, j’étais en concurrence avec un mec. Il y avait les mêmes commentaires, du  type « Tu ne peux pas être derrière une fille, c’est la honte ». Mais tout ça m’a motivée, je voulais prouver que j’avais ma place sur le circuit. Et j’ai gagné le championnat ! J’étais la seule fille inscrite et j’ai fini première.

J’ai toujours voulu montrer que j’avais ma place, que ce n’est pas parce que je suis une fille que j’allais perdre. Je n’ai jamais voulu abandonner, il fallait que je me fasse respecter ! 

Heureusement, les mentalités changent petit à petit, il y a de plus en plus de filles qui commencent la moto. Yamaha m’a repérée et veut continuer de se développer avec des femmes comme pilotes. Il y a toujours plus d’hommes, c’est vrai, mais le milieu de la moto s’ouvre à ce sujet. 

Je vous explique le fonctionnement d’une saison de moto ? Donc, moi, je suis en championnat de France de Superbike (FSBK). Un championnat mixte. Il y a plusieurs catégories, je suis en 300 cylindré. Là, il y a deux autres catégories : les Kawasaki (qui sont en réalité des 400 mais qui sont bridées pour avoir le même nombre de chevaux) et les Yamaha. Il y a le classement général et le classement Yamaha. Le rythme ? Sept week-ends de compétitions de mars à septembre, avec deux courses par week-end. 

Au sixième week-end de courses, les cinq premiers pilotes du classement Yamaha sont sélectionnés pour faire le championnat européen. Il y a des pilotes du monde entier, mais les circuits sont en Europe. Ce championnat, c’est la super-finale de la R3 Blu Cru Cup. Cinq pilotes par pays sont alors sélectionnés pour participer au championnat du monde, le WSBK, une compétition parallèle à la Moto GP. Vous suivez ?

Bref, moi, en 2022, j’ai été choisie pour représenter la France dans la super-finale de la R3 Blu Cru Cup et j’ai également été sélectionnée comme wild-card par Yamaha dans un autre championnat européen. 

Cette année, je suis en seconde, au lycée. Mais le cumul des heures de cours et de moto s’est toujours bien passé. Au collège, mon proviseur était très compréhensif et m’aidait beaucoup. J’ai forcément beaucoup d’absences, mais mes profs m’ont toujours aidée et encouragée.

Par exemple, l’année dernière, je devais passer mon brevet des collèges mais j’avais une compét’ lors des dates d’examen, mon proviseur a demandé une dérogation. Cet accompagnement est super car je ne veux pas laisser tomber l’école, je veux avoir une porte de sortie si besoin. Et puis, j’aimerais faire des études de journalisme.

Après mon Bac, l’idée est de concilier ces études et la moto. Comme dans tous les sports, c’est compliqué de rester à haut-niveau, donc, je me dis pourquoi ne pas devenir journaliste spécialiste de la moto ?!

Côté compet’, je vais poursuivre ma participation dans les championnats mixtes. Me confronter aux garçons me motive beaucoup, donc je veux garder ça. Après, le rêve ultime et donc mon objectif, ça reste la Moto GP. 

Mais il y aussi une autre spécialité qui m’attire, c’est l’endurance. Des courses comme les 24 heures du Mans Moto, les 8 heures de SPA… J’ai déjà un peu touché à l’endurance et ça m’a beaucoup plu. 

En fait, c’est simple, je fais une fixette sur la moto ! Je vis moto, je mange moto, je dors moto ! Je me muscle aussi pour la moto, j’ai un programme sportif… Pour vivre tout ça, le haut-niveau, la compet’, je cherche des partenaires. C’est un sport très cher, mais c’est une passion. Et la passion, ça vous donne des ailes.

©Justine Pedemonte

D'autres épisodes de "Femmes et moto : à toute berzingue !"

Soutenez ÀBLOCK!

Aidez-nous à faire bouger les lignes !

ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.

Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.

Soyons ÀBLOCK! ensemble ! 🙏

Abonnez-vous à la newsletter mensuelle

Elles aussi sont inspirantes...

Noëlie : « Quand je roule, c’est un sentiment de liberté et de joie qui m’anime. »

Noëlie : « Quand je roule, c’est un sentiment de liberté et de joie qui m’anime. »

Maman d’un enfant en bas âge, la trentenaire Noëlie n’a pourtant jamais lâché le guidon et s’est fait une place de choix dans le monde du vélo. Son prochain défi ? La course reine de l’ultra-cyclisme, la RAF 2500km, sans assistance et en totale autonomie. Avec sa coéquipière Elsa, elles seront le premier duo féminin de toute l’histoire de la RAF. De vraies Indiana Jones au féminin !

Lire plus »
Jessica Vetter : « Le CrossFit, c’est le girl power absolu ! »

Jessica Vetter : « Le CrossFit, c’est le girl power absolu ! »

Aussi solaire que son Sud natal et dopée à l’énergie du sport-passion, elle envoie du lourd. Mais désormais, c’est tout en douceur. Ou presque. La coach Jessica Vetter, ex-gymnaste et championne de CrossFit, désire aujourd’hui aider les autres à se sentir bien dans leur corps, sans jamais se départir de son humour communicatif. Les muscles n’ont qu’à bien se tenir !

Lire plus »
Charlotte Cormouls-Houlès : « Pour aimer la voile, il faut savoir s’émerveiller. »

Charlotte Cormouls-Houlès : « Pour aimer la voile, il faut savoir s’émerveiller. »

Elle a donné un an de sa vie pour la Transat Jacques Vabre qui vient de s’élancer du Havre. Elle, c’est Charlotte Cormouls-Houlès, 27 ans, navigatrice passionnée qui n’aurait jamais imaginé pouvoir s’embarquer dans pareille aventure. Nous l’avons rencontrée deux jours avant son grand départ. Avec sa co-skippeuse Claire-Victoire de Fleurian, la voilà à flot pour voguer vers un rêve devenu réalité.

Lire plus »
Hélène Clouet : « En tant que fille, on n’est pas moins légitime qu’un homme quand on veut faire de la course au large. »

Hélène Clouet : « En tant que fille, on n’est pas moins légitime qu’un homme quand on veut faire de la course au large. »

Elle a déjà eu mille vies. Océanographe, éducatrice sportive en voile légère et croisière avant de travailler sur un chantier d’IMOCA pour finalement se lancer dans le commerce de voiles. Hélène Clouet, 34 ans, n’a de cesse, à travers ses aventures, d’assouvir sa passion pour la navigation. Engagée au départ de la Mini Transat en 2021, la Caennaise, Rochelaise d’adoption, a monté une association, « Famabor », afin d’inciter d’autres filles à se lancer !

Lire plus »
Adeline Trazic : « Les Championnats du monde d’Ironman ? Jamais je n'aurais pensé faire ça dans ma vie. »

Adeline Trazic : « Les Championnats du monde d’Ironman ? Jamais je n’aurais pensé faire ça dans ma vie. »

En juin dernier, elle est arrivée première de l’Ironman de Nice dans la catégorie 40-44 ans, la voilà maintenant en route pour les Championnats du monde de la spécialité qui se dérouleront à Hawaï le 14 octobre. Adeline Trazic, professeure d’arts plastiques, n’a qu’une ambition : franchir la ligne d’arrivée et faire le plein d’émotions sur la terre du triathlon.

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

EuroBasket 2023

EuroBasket 2023, le récap’

Nouvel échec européen pour l’équipe de France de basket. Après avoir chuté face à la Belgique en demi-finale, les Bleues ont décroché le bronze face à la Hongrie, le 25 juin dernier. Bilan mitigé pour les joueuses de Jean-Aimé Toupane à quelques mois des JO de Paris 2024. Et pourtant, le potentiel est là…

Lire plus »
Marie Tabarly : « Naviguer avec un équipage féminin ne me branche pas plus que ça mais on est obligées d’en passer par là »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une histoire féminine de marathon, une voileuse qui prend le large (Marie Tabarly sur notre photo), une championne en reconstruction au micro de notre podcast, un nouveau mag à découvrir ou une pionnière de la navigation, c’est le meilleur d’ÀBLOCK!

Lire plus »
La question qui tue

Je fais des abdos, mais j’ai pas la « plaquette de chocolat », c’est normal ?

Multiplier les exercices d’abdos pour qu’au final, ça se voit pas, c’est vraiment trop injuste. Mais, franchement, petit Calimero, est-ce qu’un ventre musclé, ça passe forcément par la fameuse « plaquette de chocolat » qui en met plein la vue ? Ou bien, on peut avoir des abdos en acier sans pour autant qu’ils soient bien visibles ? Question (existentielle) à laquelle notre coach, Nathalie Servais, s’est attelée avec rappel anatomique et tout le tralala.

Lire plus »
Alice Modolo

Alice Modolo, le cœur en apnée

En avril, elle remportait la compétition internationale d’apnée qui se tenait au Blue Hole de Dahab, en Égypte, battant à trois reprises le record de France en se propulsant en bi-palmes à 85, 87 et 89 mètres. L’apnésite française Alice Modolo est de nouveau dans la place pour le Championnat de France en eau libre, ce week-end.

Lire plus »
Emeline Delanis

Emeline Delanis : « L’athlé, c’était juste un loisir, je n’imaginais pas où ça allait me mener ! »

C’est l’athlétisme qui l’a choisie et non l’inverse. Emeline Delanis s’est mise à courir parce qu’elle était douée. Tout simplement. La jeune Francilienne, 24 ans, est rapidement montée en puissance… et en distance. Passée du 800 mètres au 10 000 mètres avec succès, double championne de France espoir 3000m steeple et 5000m en 2017, 3e aux Championnats de France élite l’an dernier, elle ne compte pas s’arrêter là et lorgne désormais du côté de la course sur route, mais aussi du marathon avec, dans un coin de sa tête, les Jeux Olympiques. Rencontre avec une fille endurante !

Lire plus »
Il était une fois le rugby…féminin

Il était une fois le rugby… féminin

Pas facile encore aujourd’hui d’être joueuse de rugby tant ce sport ne correspond en rien aux stéréotypes féminins. Pourtant, il y a eu des pionnières qui ont su transformer l’essai. Et les filles d’aujourd’hui prennent la balle au bond avec maestria. Petite histoire express du ballon ovale en mode demoiselle.

Lire plus »
Cecilia Berder

Cécilia Berder : « L’escrime, c’est une conversation avec soi-même. »

La gagne chevillée au corps, la fougueuse multi-championne de France et vice-championne du monde d’escrime, manie pourtant le sabre comme un félin tournant autour de sa proie, avec stratégie, élégance et explosivité. Quand la sabreuse Cécilia Berder part à l’assaut, c’est une leçon de vie qui la fait grandir un peu plus chaque jour. En piste pour une démonstration de passion !

Lire plus »
Fanny Blankers-Koen

Il était une fois l’athlétisme… féminin

Les pistes n’ont pas toujours été ouvertes aux femmes, bien au contraire, les hommes ont longtemps cherché à les empêcher de courir, sauter ou lancer. Le tout, sous des prétextes esthétiques ou de santé. Comment ont-elles enfin pu revêtir leur short sans contrainte ? Petite histoire express de l’athlétisme conjugué au féminin.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner