« Je n’avais regardé ni le nombre de kilomètres, ni le dénivelé lorsque je me suis lancée le défi de participer à « Donnons des elles au vélo J-1 ».
Ce projet, il dure depuis huit ans à présent. L’idée est d’emprunter le parcours du Tour de France un jour avant le peloton masculin et ce, pour la bonne cause : promouvoir le cyclisme féminin en montrant que les femmes sont capables de faire les mêmes étapes que les hommes.
J’en avais entendu parler, il y a quelques temps, j’ai décidé de postuler au projet qui se fait sur sélection et j’ai été retenue. Pour moi, c’était l’occasion de vivre une aventure à la fois humaine et sportive.
Plus jeune, je voulais être professeur de sport – j’ai fait STAPS – pour transmettre ma passion du sport aux autres. Petite, j’ai fait du tennis, du tennis de table, j’ai pratiqué le volley et le football à la fac et, par la suite, j’ai fait de la boxe, de la course à pied et je me suis mise au triathlon.
La course à pied, j’ai commencé en 2011. Je détestais ça. J’y suis venue grâce à un collègue marathonien qui avait ouvert un club à Beauvais.
Un soir, je ne savais pas quoi faire et il m’a invitée à l’accompagner à la réunion du bureau de son association. J’y suis allée et il a réussi à me faire prendre une licence !
À mes débuts, j’ai commencé par courir trois kilomètres autour d’un plan d’eau, mais je n’arrivais pas à les tenir, je pleurais, c’était dur.
Peu à peu, on m’a emmenée sur un 10 kilomètres puis un semi-marathon. En 2013, j’ai disputé mon premier marathon, à Barcelone. Après, il y a eu le triathlon et le scénario a été le même : j’ai commencé par faire un S, petite distance, puis un M à Embrun.
C’était en 2018 et c’est à cette occasion que j’ai croisé des gens qui se préparaient à faire l’Embrunman, ils me faisaient rêver. Résultat, en 2021, j’ai pris, à mon tour, le départ de ce triathlon XXL.
Je ne saurais pas expliquer comment j’en suis arrivée là alors que j’arrivais à peine à boucler un M. Je pense, tout simplement, que le sport est comme une drogue. Je suis un peu hyper active, j’ai besoin de me dépasser et j’en veux toujours plus.
Il m’arrive bien évidemment de couper un jour de-ci, de-là, pour profiter de mes nièces, faire des activités avec elles, mais ne rien faire m’est impossible. Je fais, au minimum, plus de dix heures de sport par semaine. Ça peut monter à quinze-vingt heures lorsque je suis en préparation.
Dans ma vie, je fais tout par rapport au sport. À la base, je suis fonctionnaire à la mairie de Beauvais, mais je suis en disponibilité depuis deux ans et demi. J’en avais fait la demande pour préparer l’Embrunman et puis j’ai prolongé.
J’arrive toujours à trouver de petits emplois qui me permettent de vivre. J’ai été coursière à vélo, commerciale pour une marque de vélo… Beaucoup de gens ne comprennent pas mais, moi, tant que je m’épanouis dans le sport ça ne me dérange pas, à côté, si mon travail me donne moins satisfaction.
Ce mode de vie me permet de partir m’entraîner quand je veux, de faire des stages en montagne, dans le sud, et tout ça sans contraintes.
Chaque fois que je me lance dans une aventure, je suis motivée par des objectifs personnels. C’est une compétition contre moi-même. Sur le Tour J-1, par exemple, je me demandais tous les jours ce que je faisais là, pourquoi est-ce que je me fait mal comme ça.
C’est une épreuve qui nous pousse à aller au bout de nous-mêmes. À l’heure où je vous parle, on vient de passer quelques jours particulièrement difficiles à cause, notamment, de la chaleur. C’était horrible, on a beaucoup souffert mais pourtant, le lendemain, moi comme mes coéquipières, nous n’avions qu’une seule hâte : repartir.
C’est comme lorsqu’on termine un marathon : une fois la ligne franchie, on se dit qu’on ne le fera plus jamais et puis, le lendemain, on commence à réfléchir à la prochaine épreuve à laquelle on va s’inscrire.
Pourtant, c’est incroyable car le temps passe très vite ! Sur ce Tour, on croise pas mal de camping-cars en bord de route, c’est le cas notamment à l’Alpes d’Huez, et les gens nous encouragent, c’est sympa. Nous avons aussi la chance d’avoir des pratiquants qui viennent rouler avec nous.
L’épreuve est ouverte, tous les jours, à 35 hommes et 35 femmes. On parle tous ensemble, on échange sur la pratique, ça passe le temps et c’est très enrichissant.
Il y aussi le contact avec les élus. Beaucoup d’entre eux sont très impliqués et veulent développer le sport féminin dans leurs communes. De manière générale, tous adhèrent à notre action et nous sommes, chaque fois, très bien accueillies.
Tout ça me donne encore plus envie de développer le sport féminin dans les villes de mon territoire, les Hauts-de-France.
Est-ce qu’il y a un frein qui empêche les filles de se mettre au vélo ? Je pense, avant tout, que ce sont les femmes qui bloquent, elles n’osent pas. À Beauvais, par exemple, on est en train de développer la section féminine de mon club et beaucoup de filles me disent : « Je ne vais pas venir, je n’ai pas le niveau ».
À force de discussions, certaines acceptent de se joindre au groupe de débutantes et elles trouvent ça super. Petit à petit, on arrive à ramener du monde, mais les femmes ont peur de se lancer et c’était la même chose pour moi quand j’ai commencé.
Là, il nous reste encore quelques étapes avant de boucler le Tour. Pour moi, au-delà du défi personnel, cette expérience sera réussie si on arrive toutes au bout, si on boucle, toutes les neuf, toutes les étapes sans encombre.
Après, il sera temps de me demander ce que je vais faire après. Je sais que le retour va être difficile. Ce Tour, c’était l’objectif d’une année et une fois qu’il sera passé, ce sera le vide.
Alors, l’idée de repartir pour un nouveau challenge commence déjà à me trotter dans la tête. »
Ouverture ©Damien Rosso
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