Marlène Harnois« Le sport, c’est une langue qui rassemble tout le monde. »

Marlène Harnois
Elle a gagné sur toutes les scènes. Médaillée de bronze de taekwondo aux Jeux de Londres en 2012 et aux Championnats du monde un an plus tôt, mais aussi double championne d’Europe, Marlène Harnois a mis un terme à sa riche carrière sportive en 2013. Depuis, la taekwondiste franco-canadienne milite pour la paix à travers le sport. Rencontre avec une sportive engagée.

Par Sophie Danger

Publié le 17 novembre 2020 à 13h55, mis à jour le 06 août 2025 à 18h00

À l’issue de ta carrière de sportive de haut-niveau, tu as décidé de partager ton expérience et ton expertise pour promouvoir la paix dans le monde via le sport. Comment est né ton engagement ?

J’ai toujours eu envie de m’engager. Depuis que je suis jeune, j’ai toujours rêvé de participer à une action humanitaire. Durant ma carrière, j’étais impliquée dans une association qui s’appelle « Un maillot pour la vie » et qui vise à donner de l’espoir à de jeunes enfants hospitalisés.

Tu es très engagée pour promouvoir le sport et ses valeurs en Afrique. Qu’est-ce qui a motivé ton choix ?

Au cours de ma carrière, j’ai voyagé partout à travers le monde mais je n’étais jamais allée en Afrique subsaharienne.  J’ai côtoyé beaucoup d’athlètes qui venaient de pays africains francophones et l’Afrique est un continent où le taekwondo est très développé. Toutes ces raisons ont fait que je me suis dit : « Pourquoi pas ? ».

Marlène Harnois

Quelles ont été les premières actions que tu as menées ?

Je suis partie à Dakar faire des tournées dans les écoles afin de contribuer au développement de la pratique sportive. Dans la foulée, je suis allée en Côte d’Ivoire. Lorsque je suis arrivée à Abidjan, j’ai rencontré Cheick Cissé et Ruth Gbagbi, deux prodiges de 18 et 19 ans qui s’entrainaient sur le parking d’une école, sans moyen matériel. J’ai été frappée par leur talent. Pour moi, ils avaient le potentiel pour être champions olympiques.

J’ai décidé de rester à Abidjan et j’ai mis en place une fondation « Heart Angel » afin de les soutenir et les accompagner dans l’aventure olympique. Aux Jeux de Rio, en 2016, Cheick est devenu le premier champion olympique de l’Histoire de la Côte d’Ivoire et Ruth, la première femme médaillée olympique du pays.

Marlène Harnois

Toi qui as gagné le bronze olympique à Londres en 2012, qu’as-tu ressenti lorsque tu les as vu monter sur le podium ?

C’était magique. Pour moi, ce 19 août 2016 est un des plus beaux jours de ma vie et un des plus puissants. Quand ils gagnent leur médaille, c’est tellement riche de sens ! C’est, non seulement une performance sportive, mais aussi une aventure humaine extraordinaire. Ce qui fait la force de cette médaille, c’est la synergie de toutes nos compétences. Eux avaient un talent physique, stratégique et tactique et moi, j’ai pu leur amener mon expérience. La combinaison de nos forces a rendu la suite possible.

Par la suite, tu t’es engagée aux côtés de « Peace and Sport », une organisation internationale dont l’objectif est d’utiliser le sport et ses valeurs comme instrument de paix à travers le monde…

Après ça, je me suis demandé comment redéfinir mon engagement. Je connaissais l’action de « Peace and Sport », j’ai donc pris contact avec eux et je suis devenue ambassadrice pour intégrer le collectif des Champions de la paix.

Marlène Harnois Peace and Sport

Quel est le rôle d’un Champion de la paix ?

C’est, en premier lieu, un engagement sur le terrain à travers des actions. Par exemple, j’ai participé aux Jeux de l’Amitié au Burundi, des Jeux qui réunissaient des jeunes venus du Congo, du Rwanda et du Burundi.

J’ai également mené la caravane de la paix au Sénégal et au Mali et nous avons, entre autres, inauguré des fontaines d’eau potable à proximité des terrains sportifs.

Être Champion de la paix, c’est aussi des prises de parole. J’ai mené une action pour la paix au European Youth Olympic Winter Festival de Sarajevo ou lors d’un World Summit organisé, cet été, par une agence des Nations Unies.

Marlène Harnois

Que souhaites-tu transmettre à travers cet engagement ?

Être championne, à mon sens, c’est aussi des devoirs et des responsabilités envers la jeunesse. Je crois énormément aux valeurs de l’olympisme comme la solidarité, le respect, le courage, l’excellence. Lorsque j’ai arrêté ma carrière, je n’avais pas forcément des moyens financiers ou matériels à partager mais j’avais une expertise, des valeurs et il était très important, pour moi de les transmettre et de les promouvoir auprès des générations futures.

Je dis souvent à ces jeunes que l’important est de trouver une voie et de s’investir. Pour moi, ça a été le sport, mais ce qui est primordial, c’est d’avoir un rêve et de tout faire pour le réaliser.

Marlène Harnois

En quoi le sport est-il un vecteur important pour promouvoir la paix ?

Nelson Mandela disait que le sport avait le pouvoir de faire changer le monde. Le sport, c’est une langue qui rassemble tout le monde, c’est le meilleur moyen de communication.

Lorsque je vais au Mali ou au Sénégal, je me retrouve souvent avec des gens qui parlent wolof, bambara ou des langues ethniques. Parfois, nous n’arrivons pas du tout à communiquer par la langue mais, dès que l’on est dans une séance de sport, on se comprend parfaitement.

Le sport fédère, unit, peu importe notre ethnie, notre religion, notre culture. À travers le sport, on partage les mêmes codes, les mêmes valeurs et c’est plus fort que nos différences.

Marlène Harnois

Tous les pays que tu visites en qualité d’ambassadrice sont-ils aussi réceptifs à ton message ?

Nous sommes très écoutés à tous les niveaux : par la jeunesse, par les acteurs politiques qui souhaitent, de plus en plus, travailler sur des politiques de développement via le sport, mais aussi par les acteurs de la société civile. Tout le monde est très réceptif et de plus en plus d’athlètes veulent se mobiliser, s’impliquer, ce qui fait d’autant plus de voix pour véhiculer et promouvoir ce discours.

Durant ta carrière, tu as été victime de harcèlement moral et cette situation t’a conduit à mettre un terme prématuré à ton parcours de sportive de haut-niveau. N’as-tu pas eu envie de t’investir également sur ce terrain ?

J’ai été contactée plusieurs fois pour communiquer sur ce thème, mais ce n’est pas forcément ma cause. C’était un problème entre deux individus – un athlète et son entraîneur – et je n’ai pas envie d’en faire une généralité.

Dans mon sport, à l’époque, il n’y avait pas de critères de sélection. C’était à l’entière discrétion de l’entraîneur, ce qui menait a beaucoup de dysfonctionnements, de dérives. Depuis, la fédération a été entièrement restructurée. Il y a un nouveau DTN, Patrick Rosso, qui fait un travail formidable.

Des critères de sélection ont été mis en place, tout est encadré ce qui fait que, aujourd’hui, dans mon sport, il n’y a plus de sujet car la situation est extrêmement bien gérée.

Marlène Harnois

Et la place des femmes dans le sport ? Est-ce une thématique qui fait écho chez toi ou bien le taekwondo est-il un sport plutôt paritaire ?

En taekwondo, on est plutôt sur une pratique mixte. Il y a énormément de licenciées femmes, presque 50 %. C’est vraiment un sport équitable, un sport inclusif : lorsqu’on est le plus haut gradé, il est de notre responsabilité, peu importe le sexe, d’encadrer les débutants et de leur permettre d’évoluer vers le plus haut niveau.

Il n’y a pas de concurrence entre hommes et femmes, ni dans la pratique loisir ni à haut niveau. À l’INSEP, par exemple, il y a des entraînements mixtes. C’est presque culturel dans notre sport de promouvoir cette égalité des genres.

Marlène Harnois

Quels sont tes projets dans les mois à venir ?

« Peace and Sport » a lancé une application mobile. Elle nous permet d’avoir un meilleur suivi des jeunes, d’avoir du contenu pour former les éducateurs de paix qui vont encadrer la pratique et, in fine, de promouvoir la paix par le sport. Aujourd’hui, par exemple, ce programme est développé dans le camp de réfugiés à Zaatari en Jordanie.

Je continue donc de me concentrer sur mes missions, avec l’ambition d’aller toujours plus loin. Et cette digitalisation va le permettre. Nos actions auront un plus grand impact, un impact mondial.

Vous aimerez aussi…

Mélissa Plaza

Mélissa Plaza : « Le foot a été l’échauffement de ma vie, mais j’étais promise à autre chose. »

Une survivante. Une battante pour le moins singulière. Mélissa Plaza avait un rêve, petite, celui de devenir footballeuse professionnelle. Un choix de vie auquel, malgré les obstacles, elle n’a jamais voulu renoncer. À présent retraitée, l’ex-joueuse de l’OL prête sa voix aux femmes et milite, sans s’économiser, pour une société plus égalitaire. Rencontre avec une fille percutante, forte et généreuse.

Lire plus »
Lucienne Velu, « la reine du stade » des années 30, mais pas que…

Lucienne Velu, « la reine du stade » des années 30, mais pas seulement…

Le sport féminin n’en était qu’à ses prémices lorsque Lucienne Velu s’est invitée au stade. Douée pour l’athlétisme, la Parisienne, recordwoman du disque en 1924, ne s’est pas contentée de briller sur les pistes. Footballeuse reconnue, elle excelle également en basket et deviendra championne du monde de la discipline à l’issue des Jeux Mondiaux Féminins de 1934. Retour sur le parcours d’une pionnière qui a su saisir la balle au bond.

Lire plus »
Jessica Vetter

Le Tuto de Jess : Routine abdos chrono

En 8 mn, 4 exercices, 40 sec de travail, 20 sec de récup’ et 2 tours ? On muscle notre sangle abdominale en un rien de temps et c’est tout benef’. Je me présente, je suis Jess Vetter, athlète et coach. Je partagerai, une fois par mois sur ÀBLOCK!, des exercices simples mais efficaces pour les débutants et/ou les pratiquantes plus aguerries (les gars, vous êtes conviés aussi !). On commence avec une routine d’abdos fastoche. Ready ?

Lire plus »
Gwendoline Daudet : « Il y a une part de danger dans le short-track, on fonce et j’aime ça ! »

Gwendoline Daudet : « Il y a une part de danger dans le short-track, on fonce et j’aime ça ! »

Une tête bien faite dans un corps en symbiose, Gwendoline Daudet est une valeur sure de l’équipe de France de short-track féminine. À 23 ans, la patineuse de vitesse sur piste courte a déjà raflé plusieurs belles médailles et s’apprête à conquérir Pékin. Une athlète dans les starting-blocks, prête à passer la vitesse supérieure pour les Jeux Olympiques d’hiver. Conversation on the rocks.

Lire plus »
Marie Bochet : « Quand je glisse sur mes skis, j’ai l’impression de danser sur la neige. »

Marie Bochet : « Quand je glisse sur mes skis, j’ai l’impression de danser sur la neige. »

À 28 ans, la multi-médaillée paralympique en ski alpin est auréolée d’une belle image de sportive à la fois zen et déterminée. Avant qu’elle ne s’élance pour les Jeux Paralympiques de Pékin, Marie Bochet, dernièrement double médaille d’or aux Championnats du monde de para sports en Norvège, se livre avec la fraîcheur de sa glisse désormais légendaire. Marie fonce tout schuss !

Lire plus »
Le Top 10 de la Culture Handisport

Le Top 10 de la Culture Handisport

Les Jeux Paralympiques de Pékin battent leur plein. Il est plus que temps de se pencher sur la biblio-vidéo-audio-thèque idéale pour tout, tout, tout savoir sur le handisport, ses héros et héroïnes qui dépassent des limites souvent inimaginables. Go !

Lire plus »
Oksana Kozyna : « J'aime le para-badminton, et il m'aime aussi ! »

Le Q&A de la para-badiste Oksana Kozyna

Championne du monde en 2022 de para-badminton, Oksana Kozyna est une référence dans sa discipline. Cette sportive ukrainienne s’entraîne en France depuis le début du conflit dans son pays et veut aller chercher la médaille d’or aux Jeux Paralympiques de Paris 2024.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner