À l’issue de ta carrière de sportive de haut-niveau, tu as décidé de partager ton expérience et ton expertise pour promouvoir la paix dans le monde via le sport. Comment est né ton engagement ?
J’ai toujours eu envie de m’engager. Depuis que je suis jeune, j’ai toujours rêvé de participer à une action humanitaire. Durant ma carrière, j’étais impliquée dans une association qui s’appelle « Un maillot pour la vie » et qui vise à donner de l’espoir à de jeunes enfants hospitalisés.
Tu es très engagée pour promouvoir le sport et ses valeurs en Afrique. Qu’est-ce qui a motivé ton choix ?
Au cours de ma carrière, j’ai voyagé partout à travers le monde mais je n’étais jamais allée en Afrique subsaharienne. J’ai côtoyé beaucoup d’athlètes qui venaient de pays africains francophones et l’Afrique est un continent où le taekwondo est très développé. Toutes ces raisons ont fait que je me suis dit : « Pourquoi pas ? ».
Quelles ont été les premières actions que tu as menées ?
Je suis partie à Dakar faire des tournées dans les écoles afin de contribuer au développement de la pratique sportive. Dans la foulée, je suis allée en Côte d’Ivoire. Lorsque je suis arrivée à Abidjan, j’ai rencontré Cheick Cissé et Ruth Gbagbi, deux prodiges de 18 et 19 ans qui s’entrainaient sur le parking d’une école, sans moyen matériel. J’ai été frappée par leur talent. Pour moi, ils avaient le potentiel pour être champions olympiques.
J’ai décidé de rester à Abidjan et j’ai mis en place une fondation « Heart Angel » afin de les soutenir et les accompagner dans l’aventure olympique. Aux Jeux de Rio, en 2016, Cheick est devenu le premier champion olympique de l’Histoire de la Côte d’Ivoire et Ruth, la première femme médaillée olympique du pays.
Toi qui as gagné le bronze olympique à Londres en 2012, qu’as-tu ressenti lorsque tu les as vu monter sur le podium ?
C’était magique. Pour moi, ce 19 août 2016 est un des plus beaux jours de ma vie et un des plus puissants. Quand ils gagnent leur médaille, c’est tellement riche de sens ! C’est, non seulement une performance sportive, mais aussi une aventure humaine extraordinaire. Ce qui fait la force de cette médaille, c’est la synergie de toutes nos compétences. Eux avaient un talent physique, stratégique et tactique et moi, j’ai pu leur amener mon expérience. La combinaison de nos forces a rendu la suite possible.
Par la suite, tu t’es engagée aux côtés de « Peace and Sport », une organisation internationale dont l’objectif est d’utiliser le sport et ses valeurs comme instrument de paix à travers le monde…
Après ça, je me suis demandé comment redéfinir mon engagement. Je connaissais l’action de « Peace and Sport », j’ai donc pris contact avec eux et je suis devenue ambassadrice pour intégrer le collectif des Champions de la paix.
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Quel est le rôle d’un Champion de la paix ?
C’est, en premier lieu, un engagement sur le terrain à travers des actions. Par exemple, j’ai participé aux Jeux de l’Amitié au Burundi, des Jeux qui réunissaient des jeunes venus du Congo, du Rwanda et du Burundi.
J’ai également mené la caravane de la paix au Sénégal et au Mali et nous avons, entre autres, inauguré des fontaines d’eau potable à proximité des terrains sportifs.
Être Champion de la paix, c’est aussi des prises de parole. J’ai mené une action pour la paix au European Youth Olympic Winter Festival de Sarajevo ou lors d’un World Summit organisé, cet été, par une agence des Nations Unies.
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Que souhaites-tu transmettre à travers cet engagement ?
Être championne, à mon sens, c’est aussi des devoirs et des responsabilités envers la jeunesse. Je crois énormément aux valeurs de l’olympisme comme la solidarité, le respect, le courage, l’excellence. Lorsque j’ai arrêté ma carrière, je n’avais pas forcément des moyens financiers ou matériels à partager mais j’avais une expertise, des valeurs et il était très important, pour moi de les transmettre et de les promouvoir auprès des générations futures.
Je dis souvent à ces jeunes que l’important est de trouver une voie et de s’investir. Pour moi, ça a été le sport, mais ce qui est primordial, c’est d’avoir un rêve et de tout faire pour le réaliser.
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En quoi le sport est-il un vecteur important pour promouvoir la paix ?
Nelson Mandela disait que le sport avait le pouvoir de faire changer le monde. Le sport, c’est une langue qui rassemble tout le monde, c’est le meilleur moyen de communication.
Lorsque je vais au Mali ou au Sénégal, je me retrouve souvent avec des gens qui parlent wolof, bambara ou des langues ethniques. Parfois, nous n’arrivons pas du tout à communiquer par la langue mais, dès que l’on est dans une séance de sport, on se comprend parfaitement.
Le sport fédère, unit, peu importe notre ethnie, notre religion, notre culture. À travers le sport, on partage les mêmes codes, les mêmes valeurs et c’est plus fort que nos différences.
Tous les pays que tu visites en qualité d’ambassadrice sont-ils aussi réceptifs à ton message ?
Nous sommes très écoutés à tous les niveaux : par la jeunesse, par les acteurs politiques qui souhaitent, de plus en plus, travailler sur des politiques de développement via le sport, mais aussi par les acteurs de la société civile. Tout le monde est très réceptif et de plus en plus d’athlètes veulent se mobiliser, s’impliquer, ce qui fait d’autant plus de voix pour véhiculer et promouvoir ce discours.
Durant ta carrière, tu as été victime de harcèlement moral et cette situation t’a conduit à mettre un terme prématuré à ton parcours de sportive de haut-niveau. N’as-tu pas eu envie de t’investir également sur ce terrain ?
J’ai été contactée plusieurs fois pour communiquer sur ce thème, mais ce n’est pas forcément ma cause. C’était un problème entre deux individus – un athlète et son entraîneur – et je n’ai pas envie d’en faire une généralité.
Dans mon sport, à l’époque, il n’y avait pas de critères de sélection. C’était à l’entière discrétion de l’entraîneur, ce qui menait a beaucoup de dysfonctionnements, de dérives. Depuis, la fédération a été entièrement restructurée. Il y a un nouveau DTN, Patrick Rosso, qui fait un travail formidable.
Des critères de sélection ont été mis en place, tout est encadré ce qui fait que, aujourd’hui, dans mon sport, il n’y a plus de sujet car la situation est extrêmement bien gérée.
Et la place des femmes dans le sport ? Est-ce une thématique qui fait écho chez toi ou bien le taekwondo est-il un sport plutôt paritaire ?
En taekwondo, on est plutôt sur une pratique mixte. Il y a énormément de licenciées femmes, presque 50 %. C’est vraiment un sport équitable, un sport inclusif : lorsqu’on est le plus haut gradé, il est de notre responsabilité, peu importe le sexe, d’encadrer les débutants et de leur permettre d’évoluer vers le plus haut niveau.
Il n’y a pas de concurrence entre hommes et femmes, ni dans la pratique loisir ni à haut niveau. À l’INSEP, par exemple, il y a des entraînements mixtes. C’est presque culturel dans notre sport de promouvoir cette égalité des genres.
Quels sont tes projets dans les mois à venir ?
« Peace and Sport » a lancé une application mobile. Elle nous permet d’avoir un meilleur suivi des jeunes, d’avoir du contenu pour former les éducateurs de paix qui vont encadrer la pratique et, in fine, de promouvoir la paix par le sport. Aujourd’hui, par exemple, ce programme est développé dans le camp de réfugiés à Zaatari en Jordanie.
Je continue donc de me concentrer sur mes missions, avec l’ambition d’aller toujours plus loin. Et cette digitalisation va le permettre. Nos actions auront un plus grand impact, un impact mondial.