Caroline : « Le yoga, c’est la quête d’un corps non pas plus beau, mais plus sain. »
« Mes premières approches avec le sport ont été autour du corps avec la pratique de
Publié le 15 juin 2023 à 10h31
Ta vie est transposée sur grand écran avec « Marinette », un film de Virginie Verrier qui a vu le jour, notamment, grâce au soutien du Crédit Agricole. Comment est née cette aventure ?
C’est quelque chose qui s’est fait assez naturellement. Virginie Verrier, la réalisatrice et productrice, m’a sollicitée via un ami. Nous sommes allées déjeuner ensemble et elle m’a parlé de son envie d’adapter mon livre à l’écran, de véhiculer ce message d’une femme combattante.
J’ai aimé cette simplicité, cette belle connexion qu’il y a eu entre nous et, après en avoir discuté avec ma mère et ma sœur, j’ai dit banco.
Ce n’est pas vertigineux de voir son parcours adapté au cinéma ?
C’est inespéré surtout. Même dans tes rêves les plus fous, tu ne te dis pas que tu vas avoir un film sur ta vie. C’est fou et c’est aussi un énorme ascenseur émotionnel.
Lorsque j’ai découvert le film, j’ai beau connaître ma vie et donc arriver en terrain conquis, j’ai pris une grande tarte dans la face !
Être spectatrice de ta propre vie a été une expérience marquante ?
Oui et surtout le fait d’avoir cette reconnaissance, c’est absolument fabuleux.
As–tu joué un rôle dans le processus de création, un rôle de consultante par exemple ?
Non, je n’ai joué aucun rôle mais j’ai eu la chance d’être invitée sur le tournage pour rencontrer les comédiens et les comédiennes. Ce sont de belles rencontres.
J’ai eu deux coups de foudre amicaux sur le tournage, coups de foudre pour Émilie Dequenne et pour Garance Marillier avec qui j’ai pas mal échangé. Il y aussi Virginie avec qui on partage des valeurs.
Tout cela, c’est une histoire, une aventure humaine et tous les gens qui en font partie ont quelque chose de particulier pour moi.
« Marinette » c’est ton histoire et cette histoire avec le football, c’est avant tout une affaire de bruit. Nous sommes en 1980, tu as 5 ans, tu te promènes avec ta mère dans les rues de Brienne-le-Château où tu habites et tu entends les rires qui s’échappent du stade, rires qui contrastent avec les cris de ton père, violent, à la maison. Tu insistes auprès de ta mère pour aller voir de quoi il retourne et c’est comme cela que tout démarre. Est-ce que l’on peut dire que le football est entré dans ta vie non par passion mais par nécessité, par urgence personnelle ?
Je pense, qu’au début, c’était une passion et cette passion est devenue une nécessité. C’est devenu une nécessité car j’avais trouvé un équilibre, j’étais bien, j’étais heureuse.
Mais il est vrai que j’avais surtout envie de me poser dans un endroit où j’allais trouver une place, le football m’a permis de découvrir que je pouvais avoir une place dans la société sans travestir mes valeurs et je trouve ça fort.
Le football était présent à la maison avant que tu ne mettes un pied sur ce terrain ?
Oui, je regardais le football à la télévision et j’aimais ça. Franchir le cap du terrain a été très simple et ça a surtout été un moment de bonheur.
À partir de quand est-ce que tu n’as plus associé le football à la nécessité de te protéger et où tu as commencé à pratiquer uniquement pour toi ?
C’est assez tardif, je dirais peut-être 2001 avec l’équipe de France, pas avant. Même à Saint-Memmie, il y avait toujours cette histoire qui restait coincée.
Une semaine après cette balade initiatique en compagnie de ta mère, tu prends une licence à l’A.S. Brienne. Tu es la seule joueuse de l’effectif. Ça n’a jamais été un frein pour toi ? Il n’y a jamais eu de propos ou de comportements blessants de la part de qui que ce soit ?
Il n’y a eu qu’une fois où l’on m’a fait comprendre que je n’avais pas ma place sur le terrain.
C’était lors d’un tournoi, on devait affronter Marseille et avant de rentrer sur le terrain, un gamin m’a dit que je n’avais rien à foutre là et que je ferais bien de retourner jouer avec mes poupées. Sur le coup, je n’ai pas eu trop envie de lui répondre, il y avait le match et j’avais la tête ailleurs, mais je lui ai répondu sur le terrain.
En dehors de cette histoire, j’ai toujours été protégée par des amis, des personnes bienveillantes. Grâce à elles, je n’ai pas vraiment été exposée à ce genre de comportements.
À 15 ans, c’est la règle, il faut que tu intègres une équipe féminine. Tu vas obtenir une dérogation d’un an avant finalement de rejoindre Saint-Memmie Olympique. Pour toi, quitter l’AS Brienne signifiait arrêter le football. Le football féminin, ça ne t’intéressait pas, pourquoi ? Ce n’était pas assez visible, il n’y avait pas assez de modèles féminins pour te donner envie ?
Oui, ça n’était pas quelque chose auquel je m’intéressais. Moi, je faisais ma petite vie avec l’AS Brienne et c’était très bien comme ça. Il est clair qu’à cette époque on n’avait pas beaucoup de modèles féminins. Aujourd’hui, on en a un peu plus et c’est très cool, ça permet d’inspirer plein de jeunes filles, ce qui est essentiel.
Finalement, j’ai franchi le cap et j’ai commencé à m’y intéresser. Tout cela a fait que je m’y suis investie d’autant plus.
Comment tu as appréhendé cette bascule entre ces deux univers à la fois proches mais totalement différents ?
La bascule s’est faite de manière très simple : à partir du moment où tu as ce bagage bien complet avec les garçons, tu avances. Tu arrives avec une dotation technique et athlétique différente. La bascule se fait beaucoup plus facilement que si ça avait été l’inverse, si j’étais venue des filles pour évoluer avec les garçons. C’était assez naturel.
Par la suite, tu te rends compte que le fait d’évoluer avec les filles fait que tu abordes les choses de manière différente, tu as des proximités différentes, des affinités différentes et tout cela t’aide à évoluer, à te booster.
Avec Saint-Memmie, la belle histoire va durer plus de dix ans et va t’ouvrir les portes de l’équipe de France. C’était en 1994, il y a presque trente ans. C’était hier et, en même temps, on a l’impression que c’était une autre époque pour le football féminin, il n’y avait pas de Clairefontaine, pas de sport pro, tu étais défrayée 150 francs par match c’est-à-dire moins de 40 euros… Quand on évolue dans ces conditions, on pense quoi : qu’on est heureuse d’être là ou est-ce qu’on compare forcément avec ce qui se passe chez les garçons, bien mieux lotis ?
Non, je ne me comparais pas, j’étais tellement contente de recevoir 210 francs, d’être en équipe de France ! Tout cela, c’était un rêve pour moi. Je prenais tout ce que j’avais à prendre, j’étais hyper heureuse.
Ce n’est qu’après que j’ai commencé à ouvrir la bouche parce que je trouvais ça inégal. Quand j’ai commencé à être installée, je me suis dit : « J’ai une voix en fait, je peux peut-être l’utiliser », ce que je n’avais jamais fait avant.
Ton premier match en bleu, c’était le 22 mars 1994 à Gerland face à la Belgique. Il représente quoi le foot pour toi à ce moment-là ?
Passé ce cap, je me suis dit que le football était quelque chose dans lequel je pouvais m’éclater et être reconnue tout simplement. En entrant en équipe de France, je bascule vers le haut niveau, je bascule dans ce monde-là avec l’envie de performer et de devenir une grande parmi les grandes.
Avec les Bleues, il y avoir une Coupe du monde, trois Championnats d’Europe, malheureusement pas de trophée au bout mais un statut, celui de meilleure buteuse de l’histoire de l’équipe de France avec 81 buts en 112 sélections, record qui ne sera battu qu’en 2020 par Eugénie Le Sommer.
Je n’ai pas de trophée à titre collectif et ça, c’est un regret. En revanche, à titre individuel j’en ai, j’ai notamment été élue deux fois meilleure joueuse du championnat d’Europe.
Ce que je regrette, ce sont tous ces moyens qui n’ont pas été mis à disposition pour que l’on performe mais c’est chouette, quoi qu’il en soit.
Marinette Pichon avec Eugénie Le Sommer, deux buteuses d’exception
Entre cette époque et maintenant, en quoi le traitement médiatique du football féminin a évolué ?
Maintenant, on a une D1 qui est diffusée même si elle n’est pas diffusée à hauteur de son potentiel et que la qualité des retransmissions est parfois dégueulasse, on a également un naming sur la D1.
La situation a évolué, même si on pleure pour avoir un diffuseur pour la Coupe du monde, mais j’espère qu’on va trouver des solutions rapidement. Les choses ont bougé, pas aussi vite qu’on l’aurait souhaité mais ça a bougé.
La question est insoluble, mais est-ce que tu penses que ta carrière aurait pu être encore plus prolifique avec des moyens plus conséquents ?
Je ne sais pas. J’ai eu beaucoup de chance, j’ai eu une carrière bien remplie, j’ai été mise en lumière par tous les médias, que ce soit les journaux ou la télé. Je n’ai pas la sensation d’avoir été lésée et qu’être née aujourd’hui aurait changé grand-chose.
La vie est ainsi, j’ai été heureuse, j’ai fait tout ce que j’ai pu. En fait, je ne me suis jamais posé cette question. Moi, tout ce que je sais c’est que j’ai œuvré, que je continue à œuvrer et que c’est là l’essentiel.
Entre deux exploits avec les Bleues il va aussi y avoir deux expériences américaines, l’une avec Philadelphie, l’autre avec les wildcats du New Jersey, une première pour une joueuse française. Là–bas, le football féminin n’est pas le parent pauvre du football masculin. Comment as-tu vécu cette expérience, ça a été un choc culturel ?
C’était super. En arrivant là-bas, je change radicalement : je passe du monde amateur au monde professionnel et j’arrive avec des exigences marquées, accentuées. Cette expérience va me faire grandir en tant qu’athlète mais aussi en tant que femme.
En tant qu’athlète parce qu’il y a la rigueur de l’organisation américaine. Là-bas, tout était très structuré, les contenus des séances étaient bien plus intenses et élevés aussi bien sur le plan technique que physique.
Ça m’a fait évoluer en tant que personne aussi parce qu’il y a toutes les valeurs véhiculées par ce sport qui m’ont enrichie et m’ont permis de devenir la femme que je suis aujourd’hui.
Marinette Pichon a créé sa Football Académie en 2018, pour permettre à des jeunes filles de découvrir le foot.
Là aussi tu vas marquer le championnat de ton empreinte. Tu vas être sacrée meilleure joueuse du championnat nord-américain pour la saison 2002 et George W. Bush, le président des Etats-Unis, te félicite en personne. Quel est le souvenir le plus marquant que tu conserves de cette virée outre-Atlantique ?
Si je ne devais n’en garder qu’un, je dirais que c’est mon arrivée et ma présentation lors de la soirée dans le centre parce que ma mère était là et que je basculais dans un univers auquel je ne m’attendais pas du tout.
La reconnaissance, de manière très anecdotique, ce sera aussi un hamburger à ton nom. Tu as donc un film, un livre et un burger…
On est presque pas mal pour se faire une soirée peinarde, on regarde le film, on mange un burger, il ne manque plus qu’une boisson pour que l’on soit refaites !
Tu vas terminer ta carrière à Juvisy, club avec lequel tu remportes le Challenge de France en 2005 et le championnat la saison d’après. Revenir en D1 après l’aventure américaine, c’est facile ?
Non, c’est difficile parce que tu passes à nouveau du statut professionnel à celui d’amateur. Tu repasses dans un cursus de double projet : tu te lèves le matin, tu vas au boulot, tu rentres le soir et tu vas t’entraîner.
Tout cela fait que tu accumules une charge de travail, de fatigue, tu es moins performante. Il y aussi le fait que tu retombes dans l’anonymat. Tu joues devant des stades où il y a cent-cinquante personnes alors que, le mois précédent, il y en avait vingt-cinq mille.
Il a fallu du temps pour que je m’éclate. Même si je gagne le championnat, la Coupe de France, deux fois le trophée UNFP de meilleure joueuse du championnat, tout cela ne ramène pas les gens dans les stades, tout cela ne te ramène pas toute l’effervescence, tout ce côté magique du sport que les Américains appellent l’Entertainment.
Tu déplorais, il y a peu, le manque d’envie de la part de la Fédération de pousser les filles. Même si le traitement du football féminin a changé, on a la sensation qu’il y a un certain statu quo, comment est-ce que tu l’expliques ?
Il nous faut des personnes habitées par des convictions pour porter haut notre parole, tout simplement. Tant qu’il n’y aura pas ces personnes pour prendre les combats à bras le corps, tu ne feras rien.
Tant qu’on ne comprendra pas ça, on en restera au même point.
Marinette Pichon avec les jeunes stagiaires de sa Football Académie.
Il y a des dirigeants qui ont œuvré pour le football féminin comme Louis Nicollin ou Jean-Michel Aulas. Ce dernier pourrait s’impliquer au niveau fédéral, il serait de ces personnes habitées par les convictions dont tu parles ?
Jean-Michel Aulas a montré qu’il était capable de s’investir dans le football féminin avec son club. À Lyon, il avait décidé de mettre les finances pour le développer, mais est-ce que la Fédération lui laissera les mains libres pour agir comme il l’entend et être cette force de proposition ? Ça reste à voir, mais en tout cas, je l’espère.
Et toi ? Tu n’as jamais eu envie de t’impliquer au niveau fédéral ?
Aujourd’hui, je suis engagée au Canada, j’aurais voulu l’être en France mais je n’ai pas été sollicitée. Je ne dis pas que je ferme la porte mais mon avenir est au Canada et ma voix, je la porte là où on en a besoin.
Si on ne vient te chercher tu n’iras pas ?
Ça, non.
Tu n’as jamais coupé avec le football après l’arrêt de ta carrière. Tu es investie dans une académie au Québec, tu es consultante pour la télévision, il y a ton livre et désormais le film. Tu expliquais, il y a quelques années, que malgré ton parcours, tu n’avais jamais réussi à te lever le matin en te disant : « C’est bien ce que j’ai fait ». Est-ce que ce film a changé la donne ?
Oui, j’ai franchi ce cap. Aujourd’hui je peux dire que je suis fière de ce que j’ai fait et ça fait du bien. Si mon parcours qui est complètement égoïste à la base, car je l’ai fait pour moi, peut servir à des enfants, des jeunes femmes, des femmes, j’en serais très heureuse.
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