« Je ne viens pas spécialement d’une famille de grands sportifs même si mon père, militaire, a toujours travaillé sa condition physique. Ce qui m’a menée dans cette voie, ce sont les valeurs du sport qui étaient chères à mes parents. J’ai donc commencé très tôt, à 4 ans, tout comme mon frère. J’ai un peu touché à tout : l’escrime, le tennis, le basket, le judo. À un moment, il a fallu choisir et, pour moi, ça a été le tennis. Je me régalais sur les courts !
Je pense que j’étais faite pour le tennis, en tout cas côté mindset. J’ai toujours été très déterminée, voire casse-cou. J’étais une enfant pleine de vie. Ma personnalité collait bien aux prérequis pour pratiquer cette discipline. Ce qui me plaisait, quand j’étais jeune, c’était l’ambiance sport collectif où tu as plein d’amis et où tu t’entraînes à plusieurs : je trouvais ça très ludique. J’ai vécu de super bons moments. Et, plus tard, en grandissant, j’ai aimé découvrir comment fonctionnait mon mental au travers de cette discipline sportive.
Au vu du travail de mon père, on déménageait beaucoup. Quand on a atterri à Salon-de-Provence, j’ai trouvé un club où ça roulait bien. C’est là où un prof m’a repérée : selon lui, j’avais des capacités pour performer en tennis. Il m’a dirigée vers le club d’Avignon, où s’entraînait d’ailleurs Benoît Paire. C’était donc le début des allers-retours trois fois par semaine et certains week-ends pour les entraînements et les compétitions.
J’ai commencé la compétition vers l’âge de 13-14 ans. À cette époque, il y en a une qui m’a particulièrement marquée : c’était à Saint-Rémy-de-Provence. Pour la première fois, j’avais réussi à gagner une amie qui était toujours meilleure que moi et contre qui je me retrouvais à jouer très souvent. Je me revois dire à mon père : « Ça y est, on l’a eue ! ». C’était un peu une revanche. Je me souviens aussi d’une autre compétition parce que le match avait été très long : trois heures et demie d’échanges ! Dans ces cas-là, tu vas puiser dans des ressources physiques et mentales que tu ne soupçonnais même pas.
J’avais un bon niveau en tennis, mais je n’ai jamais été classée sur l’ATP. J’ai remporté beaucoup de tournois, essentiellement dans la région. J’ai quand même hésité à basculer en sport-études tennis mais ça ne s’est pas fait. Après nos années d’expatriation en Algérie avec mes parents, on est venus s’installer au Castellet et j’ai retrouvé un club à Bandol. Mais ce n’était pas un club orienté compet’. Le tennis pour moi n’était pas associé au loisir, je recherchais vraiment la performance et la réussite. Ce n’était pas le cas, alors autant arrêter. Et puis, j’avais choisi de me mettre à fond dans les études pour entrer en école de commerce.
J’ai débuté ma carrière par un contrat pro et j’ai repris le sport grâce à l’un des responsables commerciaux de la boîte : il faisait du trail. Pourtant, moi, j’ai toujours détesté courir. Même pendant l’entraînement au tennis, je me cachais pour ne pas faire les tours de piste ! Mais j’ai quand même tenté : course à pied, d’abord, puis j’ai fait mon premier trail, le Marseille-Cassis. Mon collègue m’avait super bien entraînée, j’ai fait un podium, j’ai fini deuxième ! J’ai aimé que ce soit un sport où le défi n’est que face à soi-même, mais aussi le fait que ce soit au cœur de la nature car j’ai ce sentiment d’être vite enfermée. Petite, je passais ma vie dans le jardin.
Quand j’ai découvert le trail, ça m’a procuré des émotions dingues, à en avoir des frissons et les larmes aux yeux de plaisir. Pour moi, l’extérieur, c’est l’évasion, et pas que physiquement, c’est même au niveau psychique. Quand, dans son boulot, on est bloqué sur un dossier ou que l’on cherche à avoir des idées, le meilleur moyen est de partir en nature. Pour moi, la nature, c’est évocateur de bien-être, tout simplement.
Le sport m’a apporté une vraie capacité de résilience, de la confiance en moi et de l’estime de moi-même parce que j’étais une petite-fille et une ado très timide. Le sport a été une ressource pour développer ma force mentale. Et puis, est venue l’idée d’Aixploreuse. C’est en partant marcher avec un ami, un jour, que j’ai compris ce que je voulais créer : des sessions de trail associées au yoga. Il m’a dit : « Qu’est-ce qui t’en empêches ? ». Ça a été le déclic. J’ai démarré par une sortie trail + yoga du côté de Six-Fours puis à Aix-en-Provence. Je mettais aussi en lumière un commerçant ou un établissement du coin pour l’heure du goûter, par exemple. Dans l’aventure, j’ai vite embarqué l’une de mes participantes, Émilie, qui a passé son diplôme d’accompagnatrice de moyenne montagne.
C’est avec le Covid que les choses ont un peu évolué pour Aixploreuse. Je me suis dit qu’il y avait un super créneau sur la rando qui était redevenue un indispensable pour les gens et qui était plus abordable que le trail, qui peut faire un peu peur. Et donc, petit à petit, j’ai fait rando-yoga ou seulement randonnée. Ensuite, j’ai organisé un séjour à Hossegor avec une prof de Pilates, puis un deuxième. Et c’est en rencontrant ma copine Julia, que j’ai encore plus peaufiné mon projet : je voulais créer une agence de séjours d’aventures à destination des femmes, par conviction qu’il leur fallait un espace d’évasion. J’ai donc moi-même passé mon diplôme d’accompagnatrice : je suis aujourd’hui habilitée à accompagner sur les randonnées, mais pas sur la neige et pas en bivouacs.
À noter que je n’ai pas de souci avec les hommes ! Mais j’ai toujours remarqué que si on mêle les hommes et les femmes pour une activité sportive, il y a toujours la notion de performance qui s’installe. Et je ne voulais surtout pas ça. Je voulais pouvoir proposer à mes clientes des expériences qui leur offrent de regagner leur confiance en elles avant tout.
Je suis très branchée sur tout ce qui est transgénérationnel et je suis persuadée que nous, les femmes, portons les freins de nos prédécesseuses : elles n’avaient pas le droit de conduire ou même de faire du sport. Je crois que cette retenue de l’imaginaire collectif féminin est ancrée en nous. C’est pour ça, je pense, que les femmes ont souvent peur. Je le vois avec celles qui participent aux excursions : la peur est le plus grand frein. Peur de décevoir, peur de ralentir le groupe, peur de ne connaître personne… Je dis à ces femmes qu’elles sont tout à fait capables de faire ces randonnées, ces sorties en raquettes, ces expéditions. Je leur dis que c’est 70 % dans la tête et 30 % dans les jambes. L’idée, c’est aussi qu’elles se permettent de s’octroyer du temps pour elles, sans culpabiliser. C’est compliqué car mes clientes sont souvent des mamans et ne se sentent pas toujours légitimes à investir de l’argent pour elles-mêmes.
Au départ d’une « aventure », qu’elle soit sur une demi-journée, un séjour de 3-4 jours ou à l’étranger, on commence toujours par un petit tour de table, où chacune se présente. Après, durant les randonnées ou pendant les repas, il y a beaucoup de moments partagés. Ce que je trouve très fort dans la symbolique de la rando, c’est qu’on part toutes au même niveau et dans la même direction, toutes avec le même objectif. Parfois, en rentrant en fin d’après-midi, il y a des bains nordiques, le yoga ou du temps de repos. Je termine toujours le séjour par un déjeuner pour faire un petit bilan, le dernier moment convivial où chacune échange sur ce qu’elle a ressenti. Il y a eu des super rencontres, beaucoup continuent de se voir après l’aventure.
Il n’y a pas de niveaux, j’y tiens. Le seul prérequis, c’est d’avoir une bonne condition physique, un bon mental, et l’envie de se dépasser un peu.
Quand une participante est négative sur elle-même, sur ses capacités, je ne la lâche pas d’une semelle et, généralement, elle est hyper fière d’être arrivée au sommet. Et puis, il y a la force du collectif. J’ai une anecdote sympa à ce propos : on devait bivouaquer lors d’un séjour de randonnées à Névache, dans les Hautes-Alpes, et rien ne s’est passé comme prévu. La météo a tourné à l’orage, il a fallu monter les tentes en urgence. Mais certains binômes ont paniqué. On s’est retrouvées un peu plus entassées que prévu, on a passé une nuit horrible parce que tout était trempé. Et, en fait, c’est l’un de mes plus beaux souvenirs parce qu’il y a eu une espèce de cohésion instantanée qui s’est créée dans cette adversité.
En parallèle du yoga, j’ai beaucoup travaillé la sophrologie et j’ai fait de la visualisation positive, toute jeune, lorsque je jouais au tennis. Mon entraîneur me disait d’écrire des phrases positives sur des post-it et de les disposer chez moi. Cette répétition visuelle te crée les bonnes dispositions pour pouvoir gérer ton match. C’est un tips que je donne souvent en séjour.
J’ai toujours beaucoup lu sur ces questions de développement personnel. J’ai notamment été très marquée, à 17 ans, par le livre d’un conférencier, Hervé Gougeon, « Un bourdon…sur les chemins de la réussite ». Quand tu commences à découvrir ce domaine, c’est jouissif, tu veux comprendre toujours plus. C’est une orientation que je souhaite développer pour mes conférences en entreprise. Je vois bien que ces séjours changent le mindset des femmes qui viennent tenter l’expérience. J’ai eu un superbe retour d’une cliente, il y a peu : « Si tu m’as bien appris une chose, c’est que je suis la personne la plus importante de ma vie ! ».
Avant toute chose, les femmes doivent écouter leurs ressentis. Faire tomber l’imaginaire qui les bloque, par rapport aux enfants, à la disponibilité, à l’argent… etc. Et se lancer. Elles vivront un « avant » et un « après ». Et, ça, c’est parce qu’elles auront osé ! »
- Pour devenir une intrépide, rendez-vous sur la page Instagram @aixploreuse
Ouverture ©️Émilie Robert