Julia : « Faire le Tour de France un jour avant les hommes était l’occasion de vivre une aventure à la fois humaine et sportive. » Julia Favresse, 38 ans, fonctionnaire à la mairie de Beauvais

Julia : « Faire le Tour de France un jour avant les hommes était l’occasion de vivre une aventure à la fois humaine et sportive. »
Elle s’est engagée dans un marathon à vélo de vingt-et-un jours et plus de 3 300 kilomètres ! Julia Favresse fait partie des neuf cyclistes retenues par l’association « Donnons des elles au vélo J-1 » pour parcourir les étapes du Tour de France un jour avant le peloton hommes. Un défi sportif XXL pour la Beauvaisienne dont l’ambition, à terme, est de développer le sport féminin dans les Hauts-de-France.

Propos recueillis par Sophie Danger

Publié le 26 juillet 2022 à 17h15

« Je n’avais regardé ni le nombre de kilomètres, ni le dénivelé lorsque je me suis lancée le défi de participer à « Donnons des elles au vélo J-1 ».

Ce projet, il dure depuis huit ans à présent. L’idée est d’emprunter le parcours du Tour de France un jour avant le peloton masculin et ce, pour la bonne cause : promouvoir le cyclisme féminin en montrant que les femmes sont capables de faire les mêmes étapes que les hommes.

J’en avais entendu parler, il y a quelques temps, j’ai décidé de postuler au projet qui se fait sur sélection et j’ai été retenue. Pour moi, c’était l’occasion de vivre une aventure à la fois humaine et sportive.

©Damien Rosso

Plus jeune, je voulais être professeur de sport – j’ai fait STAPS – pour transmettre ma passion du sport aux autres. Petite, j’ai fait du tennis, du tennis de table, j’ai pratiqué le volley et le football à la fac et, par la suite, j’ai fait de la boxe, de la course à pied et je me suis mise au triathlon.

La course à pied, j’ai commencé en 2011. Je détestais ça. J’y suis venue grâce à un collègue marathonien qui avait ouvert un club à Beauvais.

Un soir, je ne savais pas quoi faire et il m’a invitée à l’accompagner à la réunion du bureau de son association. J’y suis allée et il a réussi à me faire prendre une licence !

©Damien Rosso

À mes débuts, j’ai commencé par courir trois kilomètres autour d’un plan d’eau, mais je n’arrivais pas à les tenir, je pleurais, c’était dur.

Peu à peu, on m’a emmenée sur un 10 kilomètres puis un semi-marathon. En 2013, j’ai disputé mon premier marathon, à Barcelone. Après, il y a eu le triathlon et le scénario a été le même : j’ai commencé par faire un S, petite distance, puis un M à Embrun.

C’était en 2018 et c’est à cette occasion que j’ai croisé des gens qui se préparaient à faire l’Embrunman, ils me faisaient rêver. Résultat, en 2021, j’ai pris, à mon tour, le départ de ce triathlon XXL.

©Damien Rosso

Je ne saurais pas expliquer comment j’en suis arrivée là alors que j’arrivais à peine à boucler un M. Je pense, tout simplement, que le sport est comme une drogue. Je suis un peu hyper active, j’ai besoin de me dépasser et j’en veux toujours plus.

Il m’arrive bien évidemment de couper un jour de-ci, de-là, pour profiter de mes nièces, faire des activités avec elles, mais ne rien faire m’est impossible. Je fais, au minimum, plus de dix heures de sport par semaine. Ça peut monter à quinze-vingt heures lorsque je suis en préparation.

Dans ma vie, je fais tout par rapport au sport. À la base, je suis fonctionnaire à la mairie de Beauvais, mais je suis en disponibilité depuis deux ans et demi. J’en avais fait la demande pour préparer l’Embrunman et puis j’ai prolongé.

J’arrive toujours à trouver de petits emplois qui me permettent de vivre. J’ai été coursière à vélo, commerciale pour une marque de vélo… Beaucoup de gens ne comprennent pas mais, moi, tant que je m’épanouis dans le sport ça ne me dérange pas, à côté, si mon travail me donne moins satisfaction.

Ce mode de vie me permet de partir m’entraîner quand je veux, de faire des stages en montagne, dans le sud, et tout ça sans contraintes.

©Damien Rosso

Chaque fois que je me lance dans une aventure, je suis motivée par des objectifs personnels. C’est une compétition contre moi-même. Sur le Tour J-1, par exemple, je me demandais tous les jours ce que je faisais là, pourquoi est-ce que je me fait mal comme ça.

C’est une épreuve qui nous pousse à aller au bout de nous-mêmes. À l’heure où je vous parle, on vient de passer quelques jours particulièrement difficiles à cause, notamment, de la chaleur. C’était horrible, on a beaucoup souffert mais pourtant, le lendemain, moi comme mes coéquipières, nous n’avions qu’une seule hâte : repartir.

C’est comme lorsqu’on termine un marathon : une fois la ligne franchie, on se dit qu’on ne le fera plus jamais et puis, le lendemain, on commence à réfléchir à la prochaine épreuve à laquelle on va s’inscrire.

©Damien Rosso

Pourtant, c’est incroyable car le temps passe très vite ! Sur ce Tour, on croise pas mal de camping-cars en bord de route, c’est le cas notamment à l’Alpes d’Huez, et les gens nous encouragent, c’est sympa. Nous avons aussi la chance d’avoir des pratiquants qui viennent rouler avec nous.

L’épreuve est ouverte, tous les jours, à 35 hommes et 35 femmes. On parle tous ensemble, on échange sur la pratique, ça passe le temps et c’est très enrichissant.

Il y aussi le contact avec les élus. Beaucoup d’entre eux sont très impliqués et veulent développer le sport féminin dans leurs communes. De manière générale, tous adhèrent à notre action et nous sommes, chaque fois, très bien accueillies.

Tout ça me donne encore plus envie de développer le sport féminin dans les villes de mon territoire, les Hauts-de-France.

©Damien Rosso

Est-ce qu’il y a un frein qui empêche les filles de se mettre au vélo ? Je pense, avant tout, que ce sont les femmes qui bloquent, elles n’osent pas. À Beauvais, par exemple, on est en train de développer la section féminine de mon club et beaucoup de filles me disent : « Je ne vais pas venir, je n’ai pas le niveau ».

À force de discussions, certaines acceptent de se joindre au groupe de débutantes et elles trouvent ça super. Petit à petit, on arrive à ramener du monde, mais les femmes ont peur de se lancer et c’était la même chose pour moi quand j’ai commencé.

Là, il nous reste encore quelques étapes avant de boucler le Tour. Pour moi, au-delà du défi personnel, cette expérience sera réussie si on arrive toutes au bout, si on boucle, toutes les neuf, toutes les étapes sans encombre.

Après, il sera temps de me demander ce que je vais faire après. Je sais que le retour va être difficile. Ce Tour, c’était l’objectif d’une année et une fois qu’il sera passé, ce sera le vide.

Alors, l’idée de repartir pour un nouveau challenge commence déjà à me trotter dans la tête. »

©Damien Rosso

Ouverture ©Damien Rosso

D'autres épisodes de "Cyclisme, dans la roue des sportives"

Elles aussi sont inspirantes...

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »
Maureen : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Maureen Marchaudon : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Suite à une anorexie mentale, Maureen Marchaudon découvre la pratique du street workout, un sport encore jusque-là réservé aux gros bras masculins. Piquée de ces figures qui allient force, agilité et technique, elle devient vite insatiable jusqu’à décrocher le titre de vice-championne de France 2024 de street workout freestyle et à l’enseigner aux femmes qui veulent r(re)trouver la confiance en elles. Who run the world ? Girls !

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Jeux des jeunes

Jeux des jeunes, c’est (bien) parti !

Y a urgence. À l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) vient de lancer un programme de sensibilisation de la pratique du sport chez les jeunes. En partenariat avec l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) et l’UGSEL (Fédération sportive éducative de l’enseignement catholique), il espère ainsi faire bouger une nouvelle génération de plus en plus sédentaire.

Lire plus »
Yohan Penel : « Tout est réuni pour faire du badminton un modèle sportif d’égalité et de mixité. »

Yohan Penel : « Tout est réuni pour faire du badminton un modèle sportif d’égalité et de mixité. »

Le jeune président de la fédé de badminton qui entend faire de son mandat une réussite sur le plan des enjeux sociétaux et ainsi « mettre l’humain au cœur de la performance sportive et sociale du badminton » a bien l’intention d’attirer les filles dans ses filets…des terrains de bad. À l’heure où, hélas, les compétitions interclubs se transforment en championnat masculin faute de compétitrices.

Lire plus »
Isabelle : « La danse, c’est une pulsion de vie ! »

Isabelle : « La danse, c’est une pulsion de vie ! »

Avec la danse dans le sang et dans la peau, Isabelle Boileau ne pouvait que traverser sa vie en entrechats. C’est ce qu’elle a fait en pratiquant, très jeune, en semi-pro, avant d’opérer un petit saut de ballerine pour aller enseigner la danse. La danse comme une douce thérapie entre sport et création. En piste !

Lire plus »
Capucine : « Être entre filles nous permet d’oser nous lancer. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une pionnière de la planche, une fille de la glisse qui n’a peur de rien (Capucine avec ses copines les Shreddeuses sur notre photo), un récap’ de l’Euro de hand, une runneuse toujours ÀBLOCK! (même en diagonale) ou une Question qui tue spécial insomniaques… C’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!

Lire plus »
Il était une fois le kung-fu… féminin

Il était une fois le kung-fu… féminin

Il existe un grand nombre de styles de kung-fu comme le Shaolin, le Taiji-Quan ou encore le Wing Chun. Une légende raconte que ce style de kung-fu, dont le nom signifie « la boxe du printemps éternel », fut inventé au XVIIe siècle par… une femme !

Lire plus »
Allyson Felix Allyson Felix, dernier tour de piste pour une athlète toujours dans la course ?

Allyson Felix, dernier tour de piste pour une athlète toujours dans la course ?

Elle pourrait rejoindre Carl Lewis au panthéon olympique. À 35 ans, Allyson Felix dispute, à Tokyo, les cinquièmes (et sans doute derniers) Jeux Olympiques de sa carrière. Alignée sur 400 mètres en individuel et 4×400 en relais, la sprinteuse californienne, neuf médailles à son actif dont six en or, pourrait, en cas de nouveau podium, égaler le record de son illustre compatriote avec dix médailles. Portait d’une sprinteuse à la pointe de son art.

Lire plus »
Championnat du Monde féminin de handball 2023, le récap'

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Des disciplines qui goûtent à l’olympisme, un docu pour breaker, un retour sur des Bleues qui ramènent la Coupe à la maison (nos championnes du monde de handball sur notre photo) et une combattante engagée, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Bon récap’ !

Lire plus »
Cap Optimist, ou comment faire du paddle un acte de solidarité

Cap Optimist, ou comment faire du paddle un acte de solidarité

Elle est sauveteuse en mer et au-delà. Stéphanie Barneix accompagnée de cinq autres waterwomen rallient actuellement Monaco et Athènes en paddleboard. Un échauffement avant le défi Cap Optimist, qui se déroulera entre le Pérou et la Polynésie Française en janvier 2023. Un défi à la seule force des bras pour soutenir les personnes atteintes de cancer.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner