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Marie Le Net « Gagner, c’est ce qui me motive le plus ! »

Marie Le Net : « Gagner, c’est ce qui me motive le plus ! »
Cycliste pro depuis 2019 au sein de la team FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, la jeune Bretonne a foulé le pavé d'une foule de courses emblématiques. Après ses premiers JO de Tokyo l'été dernier, la voilà qui prend pour la deuxième fois le départ de la désormais mythique Paris-Roubaix Femmes. Polyvalente, performante et fonceuse, Marie Le Net est une sportive 100 % ÀBLOCK ! Rencontre avec une fille à « la chaussette légère ».

Par Claire Bonnot

Publié le 14 avril 2022 à 17h37, mis à jour le 10 mai 2022 à 18h45

À tout juste 22 ans, tu cumules un très beau palmarès national, mondial et olympique en cyclisme sur piste comme sur route. Comment es-tu montée en selle ?

Lorsque j’étais enfant, en Bretagne, on faisait souvent des petites sorties à vélo en famille, en bord du canal. Mon père a tout de suite trouvé que je me débrouillais bien, alors je me suis inscrite dans un club vers l’âge de 8 ans.

Ma famille était plutôt du genre sportive : mon père, ma mère et mon frère faisaient tous les trois du foot. Quand j’ai débuté le cyclisme en club, j’ai adoré l’ambiance et les compétitions.

Je gagnais le plus souvent, ce qui m’a donné envie de continuer à pédaler. Mon esprit compétiteur a fait le travail !

Quelles sensations t’ont tout de suite procurées ce sport ?

Je crois que j’adhère vraiment au bon esprit de compétition que m’apporte ce sport. Outre ce versant purement performatif, j’ai un lien émotionnel au vélo. J’ai perdu mon père à l’âge de 10 ans et c’est lui qui m’avait mise en selle.

Exercer cette discipline m’offre de lui rendre hommage et m’a permis d’extérioriser et de surmonter la douleur. Aujourd’hui, c’est devenu mon métier et je me régale à la fois dans la gagne et dans le fait de me défouler et de m’aérer l’esprit.

Tu n’as jamais eu à choisir entre sur piste et sur route ?

J’ai commencé basiquement par la route en école de cyclisme pour les trophées départementaux et régionaux puis j’ai découvert le cyclo-cross. Quand mon club m’a fait découvrir la piste, je ne voyais pas d’intérêt à tourner en rond, donc je ne me suis pas lancée.

C’est quand j’ai changé d’entraîneur que la piste est venue à moi. Il m’a dit que je devrais m’y mettre vu mon profil. Comme j’ai gagné les Championnats de France en Bretagne, je me suis dit que je devrais peut-être continuer ! Gagner, c’est ce qui me motive le plus !

Tu vas participer à la deuxième édition de Paris-Roubaix Femmes qui s’élance ce samedi 16 avril, après avoir couru pour la première édition. Cette course représente-t-elle quelque chose d’important pour toi et que peut-elle apporter dans la course à l’égalité des sportives selon toi ?

C’est vraiment un pas en avant pour le cyclisme féminin car c’est une course emblématique comme le Tour de France et ça va parler à tout le monde, même ceux qui ne sont pas experts ou supporters.

Après la première édition, on me disait « Tu as fait le Paris-Roubaix » ? J’ai ressenti alors beaucoup plus d’intérêt pour le cyclisme féminin grâce à la médiatisation qui s’accélère. Le gros souvenir que j’ai de la course de l’année dernière, c’est cette médiatisation avant, pendant, après. Ça fait chaud au cœur !

Sinon, personnellement, ça a été tellement d’émotions accumulées entre le stress de la course, l’ampleur de cet événement, le soulagement et la joie à l’arrivée… Je me suis presque écroulée, toutes mes émotions sont sorties. C’était intense !

Quelles sont tes attentes pour cette deuxième édition ?

J’ai dernièrement enchaîné beaucoup de courses donc je n’ai pas d’objectifs précis. Je sais que c’est une course où tout est possible, donc je reste ouverte et alerte. J’attends aussi de voir quel sera mon rôle.

C’est-à-dire ?

Dans l’équipe, on a toutes un rôle en fonction du leader désigné. Il doit être protégé au maximum et amené à la ligne d’arrivée en éliminant la concurrence.

Ce sera à ses coéquipières de faire les efforts comme remonter à l’avant dans le peloton en prenant le vent afin que la leader du groupe conserve son énergie pour gagner et soit le mieux placée possible.

C’est ton atout ?

J’ai souvent eu ce rôle-là dans les courses car je ne suis pas forcément la favorite, mais mon atout est justement d’être polyvalente. Je n’arrive pas à me définir un rôle précis, je touche un peu à tout.

Je fais très peu de courses en individuel et je ne suis pas forcément axée là-dessus. J’aime ce challenge car cela demande énormément de tactique.

Quelles victoires ont été les plus marquantes pour toi et quels « échecs » t’ont permis de prendre le bon virage pour ta carrière ?

La plus grande victoire, pour moi, a été les Championnats du monde de l’américaine juniors en 2018 avec ma coéquipière, Victoire Berteau. Être sur le podium, ça fait quelque chose.

Sinon, les Championnats du monde à Berlin, en 2020, où j’ai été médaillée d’argent de l’américaine. On n’était pas les favorites donc ça a produit un choc positif !

Enfin, les JO de Tokyo l’été dernier ont été incroyables : pour l’américaine, on a essayé de prendre la course en main et ça n’a pas forcément marché parce qu’on a fait cinquième mais ça nous a donné l’envie de nous « venger » !

Nos erreurs témoignent de notre jeune âge et c’est un peu frustrant, mais on se prépare pour les prochains JO. Sur l’autre épreuve de poursuite par équipes, on a fait septième mais c’est que du positif car on a battu trois fois le record de France. On est donc en bonne voie !

En tant que jeune femme sportive dans le milieu du cyclisme, tu as dû faire face à du sexisme ou des inégalités de traitement ?

Globalement, je suis arrivée dans la bonne période où le cyclisme féminin devient professionnel – j’ai un contrat de travail – et je me suis toujours bien entendue avec mes confrères masculins. Je n’ai pas été victime de sexisme, je sais juste que les garçons n’étaient pas forcément ravis quand je les battais !

Même si on n’est pas à égalité avec les hommes sur le plan des primes de courses, des salaires et de la médiatisation, ça progresse… Après, nos structures, nos personnels et nos équipes sont moins fournis, c’est clair.

Qu’est-ce que t’ont apporté le cyclisme et le haut niveau dans ta vie personnelle ?

Globalement, je pense avoir plus confiance en moi et j’ai surtout appris à mieux me connaître grâce au sport. On teste ses limites sur tous les plans !

Gérer sa vie sportive et sa vie pro, c’est un casse-tête ?

Je suis étudiante en ostéopathie, en école privée, donc je n’ai pas d’horaires aménagées. J’essaye de m’arranger au mieux pour ne pas louper trop de cours, mais actuellement ce n’est pas toujours évident de conjuguer avec les entraînements et les compet’.

Je m’entraîne entre quinze heures et vingt heures par semaine. J’ai beaucoup de moments difficiles à gérer, mais je sais pourquoi j’ai fait ce choix.

Quand on réussit, on se dit que ça valait le coup !

Fais-tu partie de ces sportifs qui ont un coach mental et qui bosse sur cet aspect qui peut être déterminant en compétition ?

J’ai pris un coach mental à l’approche des Jeux et j’ai vraiment pu appréhender les choses d’une manière différente. Avant, je fonçais un peu trop tête baissée. Maintenant, j’ai appris à beaucoup plus me recentrer et à mieux visualiser mes objectifs.

Je vois bien que je suis plus efficace. Je ne gagne pas forcément plus de courses mais je suis plus régulière dans ma façon de courir.

Mon mental dépend des courses, mais le plus important pour moi c’est de penser « équipe », esprit de famille, car mon rôle, le plus souvent, est celui de coéquipière et non de leader.

Est-ce que les autres sportives de haut niveau te boostent ? Des modèles pour qui tu « roules » ?

Grâce aux JO de Tokyo cet été – mes premiers ! -, j’ai pu découvrir un tas de sports et de grands sportifs que je ne connaissais pas forcément. Je me suis dit qu’on progressait tous dans le même monde et ça motive.

On se base tous sur des idoles pour avancer, oui, et dans ce cadre, j’ai été très heureuse d’échanger longuement avec Cléopâtre Darleux (la gardienne de but de l’équipe de France de handball, ndlr) qui m’a notamment beaucoup appris sur son expérience de la maternité au cœur du haut niveau.

©Thomas Maheux

Ton rêve sportif, c’est quoi ?

Cette saison, je souhaite participer au Tour de France Femmes (première édition qui se tiendra du 22 au 31 juillet prochain, ndlr) pour porter haut les couleurs de mon équipe, la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope.

Sinon, j’attends les Jeux Olympiques de Paris 2024 avec impatience et excitation pour lesquels j’espère être qualifiée. Mon rêve est de devenir championne olympique.

La dernière fois, on est vraiment passées pas loin et je sais que tous les moyens seront en place quand on courra devant le public français !

  • À l’issue de ce Paris-Roubaix, Marie Le Net est arrivée 28e sur 99 concurrentes.

 

  • Son (joli) palmarès :

Sur route

2017 Championne de France du contre-la-montre juniors

2018 Médaillée d’argent du championnant du monde sur route juniors, 2e du championnat de France du contre-la-montre juniors, 3e du championnat d’Europe sur route juniors

2019 4e du Championnat de France cyclisme

2020 2e du Championnat de France sur route espoirs, 3e du Championnat de France du contre-la-montre espoirs

Sur piste

2017 Médaillée de bronze de la poursuite par équipes juniors aux Championnats du monde, médaillée de bronze de l’américaine juniors aux Championnats du monde, Championne de France de poursuite par équipes en 2017

2018 Championne du monde de l’américaine juniors

2020 Médaillée d’argent de l’américaine, 7e de la poursuite par équipes et 5e de l’américaine aux JO de Tokyo

2021 Médaillée d’argent de l’américaine

  • Pour suivre Marie Le Net à la trace, direction Instagram @marie.le.net56

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