Sophie Carpentier : « Dans la médecine comme dans le sport, il faut que les femmes y aillent ! »Métier : médecin du sport
Médecin de l’équipe féminine de rugby Rouen, elle a aussi été celui de l'équipe de France de rugby féminin. Militante du sport santé, Sophie Carpentier n’a pas hésité, il y a quelques années, à se spécialiser dans le sport pour apporter à son quotidien médical un souffle nouveau. Et de prouver que les femmes ont toute leur place dans un métier encore trop souvent conjugué au masculin.
Propos recueillis par Valérie Domain
Publié le 26 janvier 2021 à 18h09, mis à jour le 30 juin 2021 à 13h00
À l’occasion de l’opération « Sport Féminin Toujours » lancée par le ministère des Sports et le CSA, ÀBLOCK! s’associe à Femix’Sports, association pour la promotion du sport au féminin. Ensemble, nous avons choisi de mettre en lumière les métiers de la sphère sportive, ces métiers à féminiser d’urgence pour davantage d’équité et d’équilibre dans cet univers encore trop masculin. 10 métiers, 10 femmes, 10 témoignages.
« J’ai un parcours un peu particulier. Au départ, j’ai choisi médecine dans l’intention de faire de la biologie. J’ai eu un enfant pendant mes études, les choses de la vie ont donc fait que je suis devenue médecin généraliste. Je me suis installée en campagne pour me trouver au plus près des patients, là où il n’y a pas la proximité d’un CHU, l’examen clinique des patients est plus poussé, c’est très intéressant, passionnant.
Puis, j’ai eu d’autres enfants. J’habitais à 20 km de mon cabinet, mon emploi du temps est devenu incompatible avec trois enfants en bas âge. J’ai alors quitté le libéral pour devenir médecin conseil à la Sécurité Sociale. Une belle expérience de vie car cela m’a permis d’appréhender la médecine avec du recul, par rapport à l’offre de soins sur le territoire, les recommandations…
J’y suis restée sept ans avant d’avoir envie d’évoluer. Je voulais approfondir ma spécialité, je n’avais plus le nez sur le guidon, j’avais pris en maturité, c’était le bon moment.
Le sport c’était mon truc, la médecine mon métier, je me suis dit : « On va allier les deux ! »
J’avais pratiqué beaucoup de sport quand j’étais jeune, à l’UNSS : basket, athlétisme, cross… C’est le sport qui m’a permis de m’épanouir personnellement, d’être qui je suis. Et dans mon cursus, j’avais passé un examen complémentaire, spécifique. Il me donnait le titre de médecin du sport à la fin d’une année supplémentaire lors de laquelle on aborde la traumatologie, la physiologie du sportif…
En 2009, donc, je posais ma plaque en ville, à Rouen : « Médecin du sport ». J’avais 43 ans.
J’ai intégré l’Institut Régionale de Médecine du Sport à Rouen, en vacation pour m’offrir une remise à niveau après les sept années de Sécurité Sociale où l’on travaille davantage sur des dossiers que sur des gens. Mais aussi pour me faire connaître. J’ai passé des diplômes complémentaires en traumatologie du sport, en médecine manuelle, l’ostéopathie.
Je pensais alors que je n’accompagnerais que les sportifs du coin. Je n’aurais jamais imaginé devenir le médecin d’équipes sportives.
Dans le cadre des vacations de médecine du sport, j’ai en effet eu l’occasion d’accompagner l’équipe féminine de rugby de Rouen qui cherchait un médecin. J’ai découvert cet univers et cela m’a donné envie d’aller plus loin. J’ai alors passé un diplôme spécifique de traumatologie du rugby, une formation sur deux ans.
Pendant un stage de haut niveau que j’effectuais dans le cadre de ce diplôme en 2015, j’ai eu la chance de rencontrer le médecin fédéral de l’époque qui m’a proposé d’être médecin de l’équipe de France de rugby féminin des moins de 20 ans. Une opportunité qui tombait bien, je l’ai saisie ! Puis j’ai accompagné l’équipe de France Féminine, les grandes !
Une période passionnante. Tout me plaisait. J’ai appris presque plus de choses en côtoyant des joueuses que sur le plan professionnel : découvrir ce qui les porte, c’est passionnant ! Un médecin du sport, s’il ne fait pas de terrain, perd énormément : il n’a pas approché les joueurs dans leurs motivations, leurs convictions, leur environnement. Pourtant, le côté humain est fondamental. On ne peut pas être médecin du sport qu’à travers des publications ou derrière son bureau.
Après, il faut accepter ce que cela engage. Partir de chez soi pour suivre une équipe, c’est un investissement personnel important, c’est de l’énergie et du temps à accorder, une préparation en amont des déplacements, un stress énorme pendant les matches…
Il faut s’adapter à une vie d’équipe, mais on travaille tous dans le même sens, les notions de partage, de générosité, sont omniprésentes.
Le plus angoissant, pour moi, c’est le match. Jusqu’au coup de sifflet final, c’est une période très intense. Le rugby est un sport de contact et ma hantise, c’était le traumatisme grave. J’ai cette chance de ne jamais avoir eu de pathologies graves. Et quand tout se passe bien, quand l’équipe gagne, c’est fabuleux ! C’est l’aboutissement d’un travail, la reconnaissance pour ces joueuses de leur engagement.
J’ai malheureusement dû quitter cette mission suite aux élections à la présidence de la fédération de rugby : le président a changé, le staff féminin aussi.
Mais, à côté de ça, j’étais engagée bénévolement comme médecin de la ligue de rugby de Normandie et je surveillais sur le plan médical les matches de football américain de Rouen.
En 2017, j’ai repris encore mes études pour passer un diplôme universitaire de prévention et lutte contre le dopage : l’éthique du sport est fondamental pour moi.
Je suis élue à la ville de Rouen, déléguée à la santé. Je milite pour une activité physique thérapeutique, j’ai créé une section sport santé pour le club universitaire omnisport de Rouen, participé à la création d’une des « maison sport santé » de Rouen. Je m’intéresse aussi bien au sportif de haut niveau qu’au sportif « du dimanche » ou celui qui veut se remettre d’une pathologie.
La médecine du sport, c’est une dynamique positive. Les sportifs ne veulent pas qu’on les arrête, il faut même les freiner quand ils sont blessés, ils veulent toujours avancer. Ça me plaît de les examiner, de les conseiller, de les accompagner.
Le champ d’activité d’un médecin du sport est vaste. Il est aussi bien là pour établir un diagnostic que conseiller sur un parcours de soins, accompagner, prévenir et même écouter. Écouter aide pour la compréhension de certaines blessures ou symptômes. Il faut savoir ouvrir le dialogue et laisser la confiance s’installer, on peut ainsi mettre certaines complexités en lumière.
Il faut aussi savoir leur parler car, comme je le disais, il faut souvent les modérer, qu’il y ait un accord de soins. Après ils entendent ou pas. Généralement, ils n’entendent pas et ils reviennent car ils ne sont pas à 100 % de leurs capacités, donc ils n’ont pas de bons chronos. Alors, on fait quoi ? On réexplique ! Le principal est de faire le bon diagnostic, le plus rapidement possible. Je considère avoir gagné lorsqu’ils peuvent reprendre leurs entraînements et qu’ils reviennent à leur bon niveau.
Je suis heureuse d’avoir fait ma place dans le monde de la médecine du sport. Cette spécialité était très masculine quand je me suis installée. Elle l’est encore. J’ai toujours pensé qu’on devait faire notre place, sans marcher sur la plate-bande des voisins, mais qu’il nous fallait prouver qu’une femme était aussi compétente qu’un homme.
Il faut casser des tabous, les freins qu’ont les femmes elles-mêmes, le fait qu’elles aient toujours besoin de se justifier par rapport aux autres, mais aussi à elles-mêmes, qu’elles aient des doutes sur leur capacité à faire. Un mec fonce. Il ne sait pas ? il verra bien !
Nous, on se pose la question : « Vais-je être capable ? » Nous vivons dans une certaine timidité de faire, on s’autocensure en se demandant si on est bien à notre place.
Si je suis allée sur le sport féminin, c’est parce que j’avais bien compris que ça n’intéressait pas les autres médecins du sport ou beaucoup moins en tout cas : le sport féminin n’est pas assez médiatique. Je suis allée là où ils ne voulaient pas aller. Mais, c’est assez cohérent, dans le fond : je me sens plus à l’aise à pratiquer la médecine dans un vestiaire de filles que de garçons… Et en tant que femme, je peux appréhender les pathologies de façon différente qu’un homme, notamment des pathologies féminines. C’est un atout.
Aux jeunes filles qui hésitent à entrer dans la médecine du sport, je dirais qu’il faut s’imposer car ni la médecine ni le sport ne sont masculins. Il est indispensable d’être là, de travailler avec les hommes, en mixité intelligente. Et ce métier peut aussi permettre de féminiser des sports encore trop vus comme le terrain des garçons.
Dans mon cabinet, j’ai l’opportunité de lever des freins. Je rassure, par exemple, les parents lorsqu’ils s’inquiètent que leur fille fasse ou veuillent faire du foot ou du rugby. Dans la médecine comme dans le sport, il faut que les femmes y aillent ! Rien ne justifie l’inverse. »
Devenir Médecin du sport :
En résumé, le médecin du sport accompagne le sportif dans sa pratique. Spécialiste des pathologies liées au sport, il soigne ses blessures, faisant en sorte de le « réparer » au mieux et au plus vite de façon à ce qu’il puisse reprendre les entraînements et revenir à son meilleur niveau. Le médecin du sport tient également un rôle de conseil et de prévention, il doit veiller à créer une relation de confiance avec le sportif. Enfin, son expertise doit s’adapter aux objectifs de l’athlète qui le consulte.
Quelle formation ? Les facultés de médecine délivrent 2 types de formations à la médecine du sport : le Diplôme d’Études Spécialisées Complémentaire (DESC) et la Capacité de médecine et biologie du sport. La formation est la même que celle d’un médecin généraliste, soit un minimum de 9 années d’études. Au cours de sa huitième année, il peut, en complément, préparer le DESC en médecine du sport puis, à l’issue du cursus, poursuivre pendant deux ans pour l’obtention du DESC. Le médecin doit effectuer 4 stages de six mois dans des centres agréés en médecine du sport par la Société Française de Médecine de l’Exercice du Sport (SFMES). Par ailleurs, les universités organisent également, sous la forme de Diplômes Inter-Universitaires (DIU) ou Universitaires (DU), des formations complémentaires ciblées en lien avec la médecine du sport.
Le témoignage de Sophie a été recueilli dans le cadre de notre opération visant à féminiser les métiers du sport. En partenariat avec Femix’Sports, l’association qui accompagne le développement et la promotion du sport au féminin et en mixité.
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Gravissant la rude paroi du monde de l’escalade avec l’agilité prudente et conquérante d’une Spiderwoman, Julia Chanourdie, 24 ans, vient d’entrer dans l’histoire de son sport en devenant la première grimpeuse française et la troisième mondiale à réussir une voie cotée 9b. Un exploit réalisé de main de maître. Athlète au sommet de son art, elle représentera la France aux JO de Tokyo. Conversation ascensionnelle avec une fille au mental de roc.
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Avec l’essor des réseaux sociaux et ses influenceuses aux corps sculptés façon Beyoncé, les femmes cherchent souvent à faire du sport pour se dessiner un corps galbé, musclé. Le marché de la nutrition sportive a donc amorcé un virage féminin.