Reality Winner L’espionne qui venait du sport

Reality Winner
Avant le 3 juin 2017, date de son arrestation, cette blondinette balèze était surtout connue pour ses exploits de crossfiteuse. Ex-militaire dans l’US Air Force, employée des services secrets américains, Reality Winner purge une peine de 5 ans de prison pour avoir exfiltré des documents confidentiels. Portrait d’une lanceuse d’alerte qui, même emprisonnée, ne transige jamais avec sa routine sportive.

Par Valérie Domain

Publié le 22 mars 2021 à 19h38, mis à jour le 30 décembre 2021 à 12h41

Augusta, État de Géorgie, le 3 juin 2017, au petit matin. Le FBI est à sa porte. Reality Winner, menottes au poignet, ne résiste pas. Cette agent des services secrets, ex-militaire, est accusée d’avoir fourni des documents classifiés au site d’investigation The Intercept.

Ces documents contiendraient les preuves de la tentative de piratage par les Russes des systèmes de vote électronique américain lors de l’élection américaine, en 2016.

Traîtresse ou héroïne selon les points de vue, clairement anti-Trump, Reality Winner est désormais considérée comme une « lanceuse d’alerte ». Et qui dit lanceuse d’alerte dit péril. Pour exfiltrer des docs sensibles et confidentiels, mieux vaut y réfléchir à mille fois et surveiller ses arrières.

Et il faut bien avouer que, sur ce coup, Reality Winner a manqué de jugeote. Ou de bol. Selon certains, elle aurait été trahie par sa boite mail ; selon d’autres, elle aurait été dénoncée.

Ce qui paraît plus probable. Car cette fille-là, c’est la tête et les jambes. Linguiste cryptographique, spécialiste du message codé, traductrice de pachto -une langue iranienne orientale, mais aussi de persan et de dari -un dialecte d’Afghanistan, Reality Leigh Winner alias Reality Winner pour faire court, n’est pas le genre de nana à rester le nez dans ses bouquins.

Celle qui a été arrêtée pour avoir fait fuiter des documents de la NSA (l’Agence nationale de sécurité américaine) et condamnée, en 2018, à 5 ans et 3 mois de prison, est une acharnée de sport.

Le sport comme dérivatif, par besoin de se défouler, par désir de se dépasser. Il faut dire que Reality Winner n’est pas devenue hors normes par hasard.

Son père attendait d’elle qu’elle soit une force de la nature. Le prénom qu’il lui choisit n’est pas anodin : papa veut un « vrai gagnant ». Et c’est ainsi qu’on pourrait traduire « Reality Winner ».

Pour devenir une winneuse, donc, Reality peut compter sur sa hargne. Adepte de longues marches en pleine nature, de course et de vélo, elle aime aussi en découdre. Adolescente, elle s’entraîne à la bagarre, enfile des gants et monte sur un ring.

La boxe est sa première histoire d’amour. Ses crochets du droit deviennent célèbres dans sa bourgade texane de Kingsville. On ne la craint pas, on la regarde plutôt avec une pointe d’admiration. Et d’incompréhension aussi. Elle intrigue par sa force physique et mentale toute juvénile.

Douée pour les langues, l’esprit mathématique, elle ne tient pas en place et choisit d’entrer à l’armée après son bac. Elle a 19 ans et se prépare à une belle carrière.

À 25 ans, elle sortira caporal de l’armée de l’air et décorée pour son travail de linguiste dans le décodage de conversations interceptées en Afghanistan.

Une période militaire pendant laquelle miss Winner découvre sa deuxième histoire d’amour dans le sport : le CrossFit.

« J’ai toujours aimé le sport, le bodybuilding, le cyclisme, le running… cela ne changera jamais », écrit-elle sur les réseaux sociaux, en 2015.

« L’an dernier, ma vie était misérable. J’avais tellement d’objectifs de fitness…mon bonheur était de perdre du poids. Je pouvais compter sur une main les aliments « sûrs » à manger. C’est idiot, mais je me souviens de tempêtes de neige où certains magasins et certains endroits étaient fermés, et ces aliments n’étaient pas disponibles. Ou pire, quand les gymnases fermaient ! Je vivais dans un univers parallèle.

Et puis, ce fut le déclic : « J’ai rejoint une salle de CrossFit, mais je n’en ai pas fait tout de suite. Parce que du point de vue de la musculation, le CrossFit est ce que les gens stupides font dans des vidéos sur YouTube. Ce fut un début difficile, mais j’ai appris à l’aimer avec le temps ! »

En effet, quelques mois plus tard, alors qu’elle vient de terminer une séance intensive de CrossFit, elle écrit : « Je ne prétends pas gérer la douleur mieux que n’importe qui d’autre, et certains jours m’entraîner correspond davantage à se prendre une raclée qu’à vivre dans un monde enchanté, mais je sais qu’il n’y a aucun autre endroit où je préférerais être qu’ici, avec cette fierté de savoir que j’ai fait ce que je pouvais. Allez, c’est l’heure des squats ! Combattez jusqu’à la fin de la journée. Vous vous en sortirez. »

Le CrossFit, mélange d’endurance, de gymnastique et d’haltérophilie, est le sport roi chez les militaires. Pratiqué dans une « box », il a pour slogan le maître-mot de Reality Winner : « Dépassez-vous ! ».

« J’adore la box, la box est ma maison maintenant », dit-elle sur Instagram, sous une photo où elle est « cuite », en « PLS » comme disant les militaires (et les crossfiteurs !), après une séance.

 

Elle participera à quelques compétitions locales de CrossFit et rêvera devant les vidéos des CrossFit Games où une autre blonde est reine de la discipline : l’Islandaise Annie Thorisdottir dont le nom signifie « fille de Thor », de quoi faire rêver la jeune Reality.

Lorsqu’elle quitte l’armée pour entrer dans une société sous-traitante de la NSA, les services de renseignements du gouvernement américain, elle s’installe en Géorgie et multiplie les heures de sport, pratiquant le CrossFit cinq fois par semaine, les exercices d’haltérophilie étant ses préférés.

Mais Reality Winner ne fait pas que soulever du lourd et elle se surprend même à aimer…la zénitude.

Ainsi, la découverte du yoga sera un épisode important dans sa vie, jusqu’à l’enseigner, et il deviendra l’une de ses disciplines phares, qu’elle couplera avec l’intensité du CrossFit.

Lorsqu’elle est arrêtée, en 2017, puis condamnée, un an plus tard (la première condamnation en application de l’Espionage Act sous la présidence de Donald Trump) à la plus longue peine de prison jamais ordonnée à une personne ayant diffusé des informations à la presse, elle fera en sorte de conserver sa routine sportive.

Sur certaines images, on l’aperçoit derrière les grilles de sa prison, s’adonner à des étirements et des exercices de renforcement musculaire.

Dans l’un de ses derniers posts avant d’être emprisonnée, Reality Winner écrivait : « Voir les gens aller mieux chaque semaine grâce au sport, voir qu’ils s’acceptent, c’est fabuleux. Votre Histoire est votre Médecine. Love. »

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Sharni Pinfold

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