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Mélody Julien « J'aime courir, c’est aussi simple que ça. »

Mélody Julien : « J'aime courir, c’est aussi simple que ça. »
À 25 ans, elle s’apprête à participer aux premiers Jeux Olympiques de sa carrière. La Castraise Mélody Julien, passionnée de chant, s’y alignera sur marathon, une discipline qu’elle a découverte il y a seulement trois ans. Rencontre avec une fille qui ne se sent bien qu'à toute allure.

Par Sophie Danger

Publié le 23 mai 2024 à 10h40

Il y a neuf ans, tu avais 16 ans, et tu découvrais la course à pied. Cette année, tu t’apprête à participer au marathon olympique de Paris. Avant cette folle aventure, le sport semble avoir été quelque chose d’assez anecdotique pour toi 

Avant, ma passion c’était plutôt le chant. Mon père jouait un peu de tous les instruments et j’aimais bien l’accompagner en chantant, j’ai même été dans une chorale plus jeune.

Je ne saurais pas trop dire pourquoi je ne faisais pas de sport. J‘ai fait du judo pendant un an mais parce que j’avais une amie qui pratiquait et que ça me permettait d’aller la voir et après, j’ai arrêté. En fait, le sport, j’en faisais seulement au collège parce que c’était au programme, c’est tout.  

©Max Lesauvage

En 2015, beaucoup de choses vont changer pour toi. Max Lesauvage, ancien champion de sauvetage sportif qui deviendra ton entraîneur, s’installe dans ton village, à Montredon-Labessonnié, et monte l’AMM-Montredon, un club multisport où on peut pratiquer le badminton, le basket et la course à pied. Qu’est-ce qui t’a motivée à en pousser la porte ?

J’aimais bien courir lorsque j’étais au collège. Mes camarades de classe me demandaient d’ailleurs souvent si je pratiquais la course à pied parce que je courais assez vite et je leur répondais que non, mais j’aimais bien les sensations que ça me procurait.

Lorsque le club s’est créé dans mon village, j’ai voulu essayer pour voir si ça me plairait et ça a tout de suite été le cas. Au début, je trouvais que l’on ne s‘entraînait pas beaucoup, je trouvais ça facile. Moi, j’avais besoin de faire de la compétition et peut-être que si Max ne m’avait pas proposé de m’entraîner, je n’aurais pas continué l’année suivante. Je crois que c’est le fait de progresser, de gagner qui m’a incitée à continuer, à aller plus loin.

©Max Lesauvage

Comment est née votre association à Max et toi ?

Un jour, Max m’a proposé de prendre part à un 10km à Castres. On ne s’entraînait qu’une fois par semaine au barrage de Montredon-Labessonnié, je n’étais pas prête mais j’ai dit oui. Durant la course, je suis partie vite et j’ai marché plusieurs fois.

Il y avait des coureurs qui m’encourageaient et sur la fin, Max m’a dit : « Allez Mélody, c’est bientôt fini. » D’un coup, je me suis mise à sprinter et je crois que je l’ai impressionné puisqu’après, il m’a dit que ce que je venais de faire était super et qu’il allait m’entraîner. Moi, à ce moment-là, je me suis trouvée nulle mais je l’ai suivi.

Peu à peu, j’ai progressé, on a augmenté le nombre d’entraînements et à peine un an après, je décrochais déjà ma première sélection en équipe de France. Tout est allé très vite.

©Max Lesauvage

Comment ça s’est passé ?

Cette année-, j’avais préparé les Championnats de France de cross au Mans. Au départ, il y avait énormément de monde et ça bousculait tellement que je suis tombée. J‘ai passé ma course à remonter les filles. À l’arrivée, j’étais hyper déçue parce que je sentais que mon résultat n’était pas celui que j’aurais dû faire. Max m’a alors proposé de participer aux Championnats de France de course de montagne. J’y suis allée comme ça et j’ai terminé 4e chez les cadettes. C’est à cette occasion que j’ai eu ma première sélection en équipe de France.

©Max Lesauvage

Ça t’a fait quoi d’intégrer les rangs de l’équipe de France ? 

J’étais super contente parce que le regroupement était à Paris. C‘était la première fois que j’y allais et que je voyais la Tour Eiffel. C’était également la première fois que je partais seule de chez moi. D’habitude, quand je partais, c’était avec ma famille pour les vacances et là, je me retrouvais avec l’équipe de France, des gens que je ne connaissais pas. C‘était tout nouveau pour moi. J‘étais jeune, assez timide, réservée mais ça a été une bonne expérience et ça m’a permis de voyager.

En 2017, tu tentes ton premier semi-marathon à Sainte Maure de Touraine. Tu termines 2e. Comment s’est fait le passage sur cette distance ?

C’est aussi une idée de Max et, une fois de plus, j’ai dit oui car, comme à chaque fois qu’il me propose de tester une nouvelle distance, j’ai très envie de découvrir de quoi il retourne. Pourquoi ? Il se trouve que j‘aime courir, c’est aussi simple que ça.

Et en ce qui concerne le semi, Max a pensé que ça me conviendrait après qu’il ait organisé une course sur plusieurs tours pour le Téléthon dans mon village. C’était en 2016 je crois et j’en avais enchaîné plein sans être fatiguée. C’est ça ce qui lui avait donné à penser que je pourrais être forte sur longue distance.

©Max Lesauvage

Tu l’as vécue comment cette expérience ?

C’était une grande boucle et je me souviens que Max avait pris son vélo pour me suivre et qu’il m’a encouragée tout au long de la course. J’ai bien aimé l’expérience. C’était nouveau mais j’avais réussi à finir vite et, à la fin, j’avais envie de recommencer.

Peu à peu, tu vas ajouter la piste à la route, ça s’est passé quand ?

Dans mon village, il n’y avait pas de piste et c’est pour ça que j’ai commencé par la route. Ma première course date de 2018. J’avais fait un semi et une ou deux semaines plus tard, Max me propose le 800, j’y suis allée et j’ai adoré ça aussi ! Par rapport à ce que je connaissais, c‘était court et ça me plaisait aussi de courir vite.

Depuis l’année dernière, nous sommes néanmoins beaucoup plus concentrés sur la route. En 2023, j’ai juste fait du 10 000 mètres et je me suis alignée sur 5 000 et 1 500 mètres pour les Championnats d’Occitanie mais c’est tout. Comme notre objectif c’est le marathon olympique, je privilégie la route.

©Max Lesauvage

En 2018, tu prends part aux Championnats de France de semi-marathon, tu remportes le titre, le tout assorti du record de France junior. Cette victoire t’ouvre les portes des Championnats d’Europe. Ça ne va pas trop vite pour toi ?

En 2018, j‘avais battu le record de France à Montauban en début d’année mais il n’avait pas été homologué, il y avait un problème de chrono à bande je crois. Par la suite, il y a eu les France et j’ai de nouveau battu le record. C’est vrai que tout ce qui se passe est un peu fou. Je ne saurais pas si c’est allé trop vite mais je sais que, plus j’obtenais de résultats, plus j’avais envie de progresser, d’en engranger d’autres.

Ton passage sur marathon date de 2021 avec une première expérience à Amsterdam assortie d’une 12e place à l’arrivée. Elle naît quand et comment l’idée de franchir ce cap pour t’attaquer à la distance reine ?

J’avais le record de France sur semi-marathon et, avec Max, ça nous a incités à penser qu’il était peut-être possible de faire la même chose sur marathon. Pour ma part, j‘aurais peut-être essayé de me lancer sur la distance un peu plus tôt mais Max me l‘a proposé à ce moment-là parce que c’était ma dernière année en espoirs.

À ce moment-là aussi, il m’avait déjà parlé des Jeux Olympiques mais moi, je voulais d’abord m’aligner au départ d’une course pour voir si ça me plaisait. À Amsterdam, mon objectif était avant tout de découvrir la distance. Si c’était effectivement le cas, l’idée, était de continuer à s’entraîner pour bien préparer le suivant.

Tu avais donc, malgré tout, déjà en tête l’idée de participer aux Jeux Olympiques ?

Max pensait que je pourrais participer au marathon olympique mais il y avait d’autres étapes avant. Moi, je voulais d’abord expérimenter la distance et viser le record de France espoirs. Après Amsterdam, mon objectif a été d’essayer de me qualifier pour les Championnats d’Europe. Nous y sommes allés petit à petit, les Jeux ne sont devenus une possibilité qu’à partir des Europe de Munich.

©Max Lesauvage

Qu’est-ce que tu as ressenti sur ce premier marathon ?

J‘étais un peu stressée avant de me lancer, c’était une distance que je ne connaissais pas et c’est long. J‘y suis allée pour découvrir et je l’ai abordé comme si je faisais mon premier 10 kilomètres. Je me souviens n’avoir pas du tout vu Max durant la course et avoir été malade. C’était long, c’était dur mais je suis arrivée à sprinter sur la piste à l’arrivée.

On était partis pour faire 2h40 et j’ai fait à peu près 2h40, ce qui nous a confortés dans l’idée que, en m’entraînant, je pouvais espérer participer à ces fameux Championnats d’Europe.

©Mélody Julien/Instagram

À mesure de tes sorties, ton nom commence à circuler pour les Jeux de 2024 sur marathon mais aussi sur 10 000m piste. Tu as continué à jouer sur les deux tableaux ou tu t’es concentrée sur une seule discipline ? 

À partir d’Amsterdam, on a parlé de se qualifier aux Championnats d’Europe sur marathon et on s’est davantage concentrés sur cette distance. Max pensait qu’il serait plus facile d’atteindre cet objectif parce que, en ce qui concerne le 10 000 mètres, il fallait égaler ou battre le record de France pour espérer se qualifier, sur marathon non. J’ai quand même continué à faire du 10 000 mètres, mais en préparation marathon.

Depuis Amsterdam, il y a eu Séville, Prague, Rennes et Valence, les Europe, et un chrono qui est descendu de plus d’un quart d’heure en l’espace de trois ans. Tu es désormais la 4e Française de tous les temps, derrière Méline Rollin, Mekdes Woldu et Christelle Daunay et tu contribues, avec elles, au renouveau du marathon féminin français.  

Oui, c’est super parce que tout cela nous tire vers le haut. La densité nous incite à aller chercher de gros chronos. Aux Championnats d’Europe par exemple, j’étais la seule Française qualifiée, j’avais un record en 2h31, à Valence je l’ai descendu à 2h25, pas loin de Mekdes qui était à 2h24’44.

Après, il y a eu line qui a mis la barre un peu plus haute avec un chrono à 2h2412, tout ça est très motivant.

©Max Lesauvage

Christelle Daunay, retraitée du sport de haut niveau, te suit à distance. Quel regard porte-t-elle sur tes performances ?

J’ai rencontré Christelle pour la première fois lors des Championnats du monde de semi-marathon, j’étais espoir et j’avais battu le record de France de ma catégorie d’âge. Elle, elle était dans l’encadrement, et c’est à cette occasion que nous nous sommes croisées.

Par la suite, elle m’a appelée et elle continue à le faire pour prendre de mes nouvelles de temps en temps et me donner des conseils, notamment en ce qui concerne l’alimentation et mes départs. Elle me rappelle qu’il ne faut pas que je démarre trop vite, qu’il faut que je respecte les allures. Sur marathon, c’est important or moi, au début, j’avais plutôt tendance à m’enflammer, mais tout ça vient avec l’expérience.

©Max Lesauvage

Tu as mené cette carrière sportive express en parallèle de tes études. Tu as obtenu un Master 2 en sciences de l’éducation, tu as également passé et réussi ton concours de Professeur des Écoles. Comment es-tu parvenue à conjuguer entraînements et cursus scolaire ?

Au début, ça allait bien mais la dernière année de Master a été un peu plus compliquée. Je devais valider mon diplôme, j’avais un mémoire à rendre et le concours à préparer. Dans le même temps, je voulais me qualifier pour les Championnats du monde sur marathon.

Je suis partie en stage en Espagne pendant un mois pour bien préparer le marathon de Séville et, un jour, j’ai ressenti une douleur au genou. Je ne l’ai pas dit à Max, j’ai continué à m’entraîner et le lendemain, je ne pouvais plus courir. On était à quinze jours du marathon, j’ai dû m’arrêter un mois et comme Max s’était arrangé pour que je puisse passer mes examens là-bas, je l’ai fait.

Après cela, comme j’avais toujours les Monde en tête, nous avons préparé le marathon de Prague. Le lendemain de la course, j’avais mes oraux de Master. Je n’ai pas réussi à me qualifier pour les Monde et mes oraux ne se sont pas très bien passés non plus parce que j’étais très fatiguée, mais je me suis quand même dit que vu les conditions dans lesquelles tout cela s’était passé, j’étais désormais prête pour faire face à n’importe quelle épreuve. 

©Mélody Julien/Facebook

C’est pour cela que tu as décidé de retarder ton entrée dans le monde du travail ?

Après Prague, je me suis concentrée pour avoir mon concours, je l’ai eu, j’ai également validé mon Master et mon mémoire mais après cela, Max m’a mise en garde en m’expliquant que, si je voulais participer aux Jeux Olympiques, il allait falloir que je ne fasse que de l’athlé pendant une année.

À contrario, si je commençais à exercer en tant que professeur des écoles à la rentrée, ça allait être compliqué. Je l’ai écouté mais au début, c’était difficile pour moi. J’avais peur de ne pas y arriver mais en fait, ça a fonctionné.

Quelques mois plus tard, je bats mon record sur marathon de 4 minutes et je me qualifie pour les Jeux Olympiques. J‘ai de la chance d’avoir Max à mes côtés, il a respecté mon choix, à savoir que mes études soient la priorité, et il sest s’adapté à ma situation, m’a aidée pour trouver des sponsors… Sans lui, je n’y serais jamais arrivée, c’est certain.

©Mélody Julien/Facebook

Tu as réalisé les minima olympiques sur le marathon, le grand rendez-vous est programmé cet été. Comment tu l’abordes ?

Pour l’instant, j’ai du mal à me rendre compte que je vais y participer. Je fonctionne petits objectifs par petits objectifs. Je vais d’abord voir ce que ça donne aux Championnats d’Europe sur semi-marathon et plus la compétition va approcher, plus je vais réaliser. Je sais déjà que ce marathon aura un profil totalement différent de ce que je connais, avec un parcours assez difficile. Je dois travailler le changement d’allure, les côtes, les descentes. Je suis super contente de pouvoir y participer, ça va être ma première expérience olympique.

Je ne sais pas vraiment quoi en attendre, c’est difficile à dire en termes de place ou de chrono. À moi de bien m’entraîner et on verra ce que ça donnera le jour « J ».

Ouverture ©Max Lesauvage

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