Margot Boch et Carla Sénéchal« Nous n’avons plus le droit à l’erreur. Ces Jeux d’hiver, c’est un mélange de stress et d’excitation. »
Deux filles on the rocks, sinon rien. Margot Boch, la pilote, et sa partenaire de glisse Carla Sénéchal, la pousseuse, forme le premier binôme de bobsleigh féminin depuis dix ans. Ce n’est pas pour rien qu’on les surnomme « Les sœurs jumelles » dans cet univers de glace qui, pourtant, leur réchauffe le cœur. Rencontre avec des filles pas si givrées que ça et qui s'entraînent dur pour prendre le bon virage aux JO d’hiver 2022.
Par Sophie Danger
Publié le 04 novembre 2021 à 18h30, mis à jour le 20 février 2022 à 10h42
Margot, tu reviens de Pékin où tu es partie t’entraîner et surtout te familiariser avec la piste de bob sur laquelle se dérouleront les Jeux Olympiques. Comment ça s’est passé ?
Ça a été une très belle expérience, très enrichissante. Nous avons pu découvrir le site avec une infrastructure vraiment incroyable et le lieu est magnifique.
Nous avons beaucoup appris et c’est de bon augure pour la suite.
Carla, toi tu n’y étais pas…
Je n’y étais pas car je me suis fait une petite déchirure musculaire au mois d’août et c’était un peu trop tôt pour moi, pour partir.
Il était préférable que je reste à la maison m’entraîner dans les conditions dans lesquelles je travaille habituellement. C’était plus prudent.
Margot, Comment décrirais-tu cette piste olympique par rapport à celles sur lesquelles vous avez l’habitude d’évoluer toutes les deux. Qu’est-ce que tu en as dis à Carla ?
C’est une piste unique. Nous n’avons jamais eu ces sensations ailleurs. Ce sont des sensations à la fois très différentes mais vraiment très bonnes. C’est tout à fait nouveau.
L’adaptation a été un peu particulière au début, mais une fois que l’on a trouvé le bon programme, c’était vraiment très très cool.
Comment tu expliques que ces sensations soient à ce point différentes de celles que tu peux ressentir en Coupe du monde par exemple ?
Les virages sont très grands, la façon dont la glace est travaillée était différente également, le lieu a également joué. En somme, il y avait beaucoup de choses nouvelles.
Vous n’êtes pas encore qualifiées pour les Jeux mais ce premier contact, ce premier frisson olympique à Pékin, c’était comment ?
Margot – Se retrouver sur la piste qui accueillera les prochains Jeux, c’est un premier pas dans l’aventure. On commence à la toucher du bout des doigts.
C’était une opportunité incroyable de pouvoir y aller, en espérant pouvoir descendre là-bas au mois de février !
Ça a décuplé ton envie d’y être ou tu l’as plutôt vécu comme un petit coup de fouet, de pression ?
C’était un tout. D’un côté, c’était plutôt un coup de pression de se dire que j’arrivais sur la piste des Jeux et que je devais parvenir à assimiler très vite les parties techniques.
Dans le même temps, c’était aussi un boost de motivation, l’occasion de se dire qu’il fallait que je m’entraîne encore plus dur pour être prête en février.
Carla, tu es restée ici, mais tu as quand même ressenti, en voyant Margot partir, que l’échéance se rapprochait dangereusement ?
On se parlait au téléphone tous les jours, on s’écrivait pour savoir comment ça se passait.
Même si j’étais loin, j’avais envie de la rassurer. Je voulais qu’elle sache que j’avais confiance en elle, que j’étais fière de ce qu’elle faisait.
On savait que la piste était technique et, moi, je n’avais aucune inquiétude pour Margot puisque c’est sa force.
On se tenait au courant tous les jours, on se disait comment on allait, comment le moral allait et ça s’est bien déroulé.
Pour moi, le fait de ne pas avoir vu la piste ne me met aucune pression puisqu’un départ reste un départ et une poussée reste une poussée. Je n’ai pas trop d’appréhension.
Vous incarnez toutes les deux le renouveau du bobsleigh féminin français et vous pourriez être, dans quelques mois, les premières tricolores à représenter la France aux Jeux Olympiques. Comment on gère ces attentes qui se font plus pesantes à mesure que l’échéance se rapproche ?
Margot – ça nous stimule. Nos attentes envers nous-mêmes sont très très élevées et on sait que d’autres attendent aussi beaucoup de nous. Ce n’est pas de la pression en plus.
On sait ce que l’on doit faire et on va tout mettre en place pour ça. Si nous sommes les premières Françaises aux Jeux, ce sera de la fierté, un bonus.
Carla – Nous n’avons aucune pression négative. C’est une année olympique, on sait que c’est stressant, qu’il y a de grands enjeux mais notre motivation principale avec Margot c’est aussi de se faire plaisir. On s’amuse.
Quand on fait du bob, c’est notre passion et on doit aussi s’en tenir à ça. Si on écrit l’histoire, ce sera incroyable, mais pas de pression quoi qu’il arrive.
Margot, avant de te lancer dans le bobsleigh, tu pratiquais la luge. Dans ta ligne de mire, il y avait déjà les Jeux Olympiques, ceux de Pyeongchang en 2018. Malheureusement, tu n’as pas été retenue. Tu expliques que cette non-sélection a motivé ton changement de discipline. Les Jeux, c’était le but absolu et peu importe la discipline ?
Un peu des deux. Plus jeune, je faisais de la gymnastique et j’en rêvais déjà. En passant à la luge, ce rêve, je l’ai frôlé mais, à la base, la luge n’était pas le sport vers lequel je voulais me tourner, c’était le bob.
Quand il y a eu cette déception, je me suis dit que c’était le moment de me lancer et, là, il était obligatoire de tout faire pour que mon rêve devienne réalité.
Ils représentaient quoi pour toi les Jeux Olympiques ?
Les Jeux, c’est un rêve de petite fille. Le Graal de tout sportif. C’est l’élite de toutes les disciplines qui se retrouve aux Jeux Olympiques et je ne pense pas que l’on puisse faire plus énorme compétition que celle-là.
Carla, toi tu as commencé par l’athlétisme, sport olympique par excellence, et tu passes au bob, un peu comme Lolo Jones, spécialiste du 100m haies qui s’est convertie à la discipline et est devenue, cette année, championne du monde de bobsleigh à deux. Les Jeux, que ce soit sur piste en tartan ou glacée, c’était un objectif ?
Moi, j’ai commencé l’athlétisme grâce aux Jeux d’Athènes en 2004 en regardant Christine Arron… Quand j’ai débuté, j’avais ce rêve d’y participer à mon tour mais, malheureusement, je n’en avais pas les capacités.
De ce point de vue, Lolo Jones est inspirante, elle a eu le courage de faire cette double carrière, cette bascule. Je suis admirative parce qu’elle a des qualités physiques vraiment incroyables. C’est un exemple et un beau modèle.
Il y a deux ans de cela, votre ambition pour Pékin était de vous inviter dans le Top10. Depuis, il y a eu un titre de championne du monde des U23 – le premier titre international pour le bobsleigh féminin français – et de solides performances en Coupe du monde. Est-ce que vous vous autorisez à viser encore plus haut ?
Margot – La progression, c’est vrai, est incroyable même si, nous, on ne s’en rend pas vraiment compte. On a l’impression d’être dans ce milieu depuis très longtemps, alors que non, tout s’est fait très vite.
Notre objectif reste néanmoins le même. Même si, dans le fond de nos pensées, nous rêvons d’une médaille aux Jeux qui restent une compétition particulière, nous savons qu’une place dans les 10, ce serait déjà très beau au regard de notre expérience.
Carla – Nous avons très souvent parlé de ce fameux Top10, nous sommes compétitrices et nous sommes aussi rêveuses. Nous savons que tout peut se passer aux Jeux Olympiques mais il faut garder la tête sur les épaules et les pieds sur terre.
Il ne faut pas non plus rêver trop grand car nous avons, malgré tout, de petits moyens.
Il ne faudrait pas que nous soyons déçues en visant une médaille d’or alors que c’était difficilement envisageable.
La route pour arriver jusqu’à ce possible premier rendez-vous olympique a parfois été compliquée. La Fédération ne vous soutenait pas vraiment et ce sont vos familles respectives qui vous ont financées…
Margot – Nous serons toujours reconnaissantes envers nos familles. Si nous en sommes là aujourd’hui, nous savons que c’est grâce à elles.
Mes parents et ceux de Carla ont fait en sorte de nous aider, à trouver des sponsors, à passer certaines étapes.
Le bob est un sport qui coûte cher et les débuts, il est vrai, ont été un peu compliqués.
Désormais, nous sommes aidées par la Fédération, ça nous permet de nous sentir soutenues, de voir qu’ils croient en notre projet.
Carla – Quand nous avons commencé, c’était aussi un autre temps, une autre équipe à la tête de la Fédération.
Nathalie Péchalat est arrivée et c’est une femme qui défend le sport féminin. Elle a peut-être davantage compris par où nous étions passées et elle nous accompagne.
Qu’est-ce que la fédération attendait de vous pour vous soutenir ?
Margot – Que l’on fasse nos preuves, que l’on montre qu’on pouvait être là. Quand on présente un projet, il est parfois difficile pour la Fédération de se lancer à nos côtés sans savoir ce que l’on vaut.
Ils ont commencé à nous aider dès notre deuxième saison et maintenant que nous sommes sur le circuit Coupe du monde, les aides sont là.
Carla – Sur le papier, on était difficilement crédibles. On est deux petits gabarits, ça faisait dix ans qu’il n’y avait pas eu de bob féminin, médiatiquement, personne ne connaissait la discipline, on était plus jeunes…
C’était compliqué de croire en nous, on le comprend, mais nous, on y croyait dur comme fer et personne ne pouvait nous arrêter !
C’est un cercle vicieux puisque pour faire ses preuves, pour se lancer, il faut nécessairement être aidées, ne serait-ce que pour s’équiper…
Margot – Forcément et on en avait conscience, mais pour nous, ça n’a jamais été un frein. Nous nous sommes toujours donné les moyens de trouver les aides nécessaires. Et même si ça n’a pas toujours été facile, aujourd’hui, nous sommes fières de l’avoir fait
La dernière ligne droite pour Pékin va débuter à la fin du mois, le 21 novembre à Innsbruck en Autriche. Pour valider votre billet, il va falloir réaliser un maximum de Top10 lors des 8 étapes de Coupe du monde. Comment vous sentez-vous à moins de trois semaines du coup d’envoi ?
Margot – Nous sommes excitées de pouvoir reprendre les compétitions parce que c’est vraiment ce qui nous anime. On adore cet environnement, on s’y sent bien.
Nous sommes également un peu stressées parce que c’est le coup d’envoi des qualifications olympiques et qu’à partir de maintenant, nous n’avons plus le droit à l’erreur. C’est un mélange de stress et d’excitation.
Le chemin est encore plus complexe pour toi Carla, si Margot valide son billet pour la Chine, ce n’est pas forcément toi qui l’accompagneras. Comment ça va se passer pour toi ?
Jusqu’ici je suis toujours titulaire mais, en année olympique, les cartes sont un peu rebattues. La sélection des pousseurs se passe durant les vacances de Noël pour être sûr que l’on envoie les meilleurs aux Jeux Olympiques.
Pour moi, ce n’est pas encore fait mais je vais me donner les moyens nécessaires pour y aller !
ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.
Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.
Quatre jours et quatre nuits. Le 22 mars, trois-cents runners s’élanceront sur les routes, entre Paris et la Haute-Savoie, pour sensibiliser au don d’organes. Ce sera la 36e édition de La Course du Cœur. La bien-nommée.
Dans quelques jours, 2022 fera de la place à 2023. Pour fêter ça, un Top des livres autour du sport s’impose. BD, autobiographies, romans, guides, essais et même poèmes. De quoi, à la fois, réfléchir et se bouger. La tête et les jambes, en somme !
Depuis la rentrée, elle écume les festivals littéraires comme elle grimpe, avec une heureuse frénésie. Catherine Destivelle, reine française de l’alpinisme, est aussi une éditrice passionnée. Le 20 octobre, elle publiait un nouvel ouvrage sur la montagne et s’apprête à en sortir un autre sur… les Piolets d’or. Pas de hasard, elle est la première femme à avoir décroché, l’an dernier, cette prestigieuse distinction. Zoom sur une légende des sommets, solide comme un roc, qui a toujours su tracer sa voie.
Première surfeuse pro du Sénégal devenue symbole d’émancipation, elle glisse sur l’eau pour mieux noyer les préjugés. Changer les mentalités est son crédo dans un pays où certains sports ne se conjuguent pas au féminin. Khadjou Sambe s’entraîne dur pour se qualifier aux prochains JO de Tokyo et ça va tanguer !
La quatrième étape de la Coupe du monde de Slalom de canoë-kayak s’ouvre à Pau. Devant son public, la délégation française, les filles en tête, compte bien surfer sur une vague d’encouragements et de succès.
Huit ans après son sacre, la triathlète a retrouvé sa couronne de Championne de France. À 33 ans, Jeanne Collonge est une forcenée. Dans l’eau, sur un vélo ou à pied, elle conjugue les bonheurs sportifs par tous les temps. Rencontre avec une fille qui donne tout.
L’eau, c’est son élément ! Navigatrice aux multiples exploits, Maud Fontenoy est presque née en mer. Battante dans l’âme, elle est l’une des « premières ». Première femme à traverser l’Atlantique Nord et le Pacifique à la rame. Première Française à réaliser le tour du monde à contre-courant.
À travers sa fondation, elle se bat désormais pour la protection des eaux : sauver l’océan, c’est sauver l’homme.
Elle est la première femme à avoir atteint, en 1988, le sommet de l’Everest sans oxygène. Mais son record a longtemps été mis en doute par ses compagnons d’expédition. Une suspicion qui poursuivra la Néo-Zélandaise Lydia Bradey pendant des années avant qu’elle ne soit enfin réhabilitée. Histoire d’une alpiniste et guide de haute-montagne qui n’a jamais lâché le piolet.
Elle a été la première femme à arbitrer un match de D1 masculine en France. Nelly Viennot est de celles qui ont ouvert la voie et pavé les chemins. Sa carrière terminée, elle continue d’œuvrer, bénévolement, auprès des jeunes filles pour assurer la relève.
À l’instar des Jeux Olympiques, elle est le symbole qui éclaire les Jeux Paralympiques. Ce Relais des éclaireurs porte la flamme sur les routes, faisant monter la clameur : les Jeux sont de retour ! Une seule et unique flamme qui allume le feu lors de la cérémonie d’ouverture. Mais quelle est son histoire ?
Tic, tac, tic, tac. Le 9 septembre approche…l’heure de la 25e édition de La Parisienne. Et si les courses ne sont prévues que le dimanche 11 septembre, le village édifié pour l’événement a un programme bien chargé.
Tout comme la culture, le sport au féminin est durement touché par la crise sanitaire. Mais alors que le théâtre a bénéficié d’une mise en avant grâce à une programmation régulière de ses pièces à la télévision, le sport au féminin n’a pas eu cette chance. Et si on le mettait en scène, lui aussi ?