Margot Boch et Carla Sénéchal « Le bobsleigh féminin n’est pas médiatisé, on a bien l’intention de le mettre en lumière ! »
Surnommées les « sœurs jumelles » du bobsleigh féminin français, Margot Boch et Carla Sénéchal glissent à pleine vitesse vers leurs rêves de qualification aux JO de Pékin, en 2022. La vingtaine mature, la passion embarquée dans leur engin, la pilote et la pousseuse ravivent enfin une discipline féminine glacée depuis dix ans. Un beau virage pour la visibilité du sport féminin !
Par Claire Bonnot
Publié le 30 décembre 2020 à 17h19, mis à jour le 04 novembre 2021 à 12h10
À vous deux, vous relancez le bobsleigh féminin français, quelle est votre histoire personnelle avec ce sport ?
Margot — Pour moi, c’est vraiment une histoire de famille, mon père et mon grand-père faisaient du bobsleigh. J’ai toujours baigné dedans, j’allais voir mon papa s’entraîner et, chez moi, il y a une foule de vieilles photos des exploits de mon grand-père. J’ai d’abord fait douze ans de gymnastique, mais quand j’ai voulu passer au bob, j’étais trop jeune. J’ai donc commencé par la luge, je l’ai pratiquée quatre ans à haut niveau, et c’est en 2018 que j’ai décidé de passer au bobsleigh.
Carla — Moi, je viens de l’athlétisme. Et le Bobsleigh est venu à moi quand Margot m’a contactée pour faire équipe. On ne se connaissait pas. C’est un entraîneur d’athlé de la région qui lui a donné mon nom : le poste de pousseuse demande les mêmes qualités physiques qu’en athlé. On a fait des tests et ça a marché comme sur des roulettes !
Carla — Avec Margot, on a vite compris, lors des premiers entraînements, qu’on avait les mêmes objectifs, la même façon de voir les choses. On rêve toutes les deux depuis toujours de faire les JO, on est toujours prêtes à rêver plus grand, prêtes à sacrifier énormément pour notre sport, c’est notre priorité…
Aussi, on est dans l’échange constant pour se tirer l’une et l’autre vers le haut. Nos qualités physiques et nos caractères sont complémentaires et, tout simplement, nous sommes amies. On a tout de suite dû vivre ensemble, 24/24h. Et ça s’est très bien passé. Notre force, c’est notre complicité !
Margot — La toute première année quand on nous a découvertes, on ne cessait de nous demander si on était sœurs. D’ailleurs, on nous surnomme les sœurs jumelles…
Qu’est-ce qui vous plait dans ce sport de glisse à haute vitesse ?
Margot — On a un peu les mêmes ressentis toutes les deux : on aime l’adrénaline, la vitesse, la pression dans les virages… On se prend jusqu’à cinq jets de pression, à savoir cinq fois notre poids !
La vitesse est impressionnante, ça vous arrive d’avoir peur ?
Margot — Je n’ai jamais eu peur, mais j’ai pu avoir du stress et c’est toujours le cas ! C’est quand même une discipline où on peut chuter à tout moment… Et des chutes, on en fait ! D’ailleurs, on dit qu’on est bobbeur une fois qu’on est tombé… On est donc officiellement bobbeuses !
Carla — Je n’ai jamais eu peur non plus, tout simplement parce que je fais 100 % confiance à Margot. Après, c’est un sport impressionnant, il faut avoir la tête sur les épaules, resté concentré, parce que le pilote ou le pousseur prennent évidemment des risques.
Vous représentez toutes les deux la première équipe féminine française de Bobsleigh depuis dix ans, qu’est-ce que ça vous procure ?
Carla — On ne réalise pas trop, même si on nous rappelle souvent que ça fait plus de dix ans qu’il n’y a pas eu d’équipage français féminin… On est fières de cette responsabilité. On a aussi envie de tout faire pour que ça continue après nous !
Vous pourriez aussi être la toute première équipe olympique féminine française, où en sont les qualifications ?
Oui, on s’engage dans cette voie et on espère vraiment qu’on ira aux Jeux en 2022 ! Avec la Covid, l’année a été un peu bousculée, mais on va désormais rentrer dans un cycle de courses à valider. L’an dernier, on arrivait 17e dans le classement mondial.
Cette année, nous n’avons réalisé qu’une moitié de saison, on n’a pas encore de classement. Mais on est plutôt contentes : on a signé nos meilleures performances et on a progressé. Aujourd’hui, on est sur le circuit Coupe du monde, on gravit les échelons : l’an dernier, on était en circuit Coupe d’Europe. On est vraiment avec les meilleures, celles qui ont déjà été championnes olympiques !
Dans tous les cas, quelle que soit l’issue de cette qualification aux JO, on est jeunes dans le milieu donc le but est de prendre de l’expérience au gré des courses, de progresser par rapport aux années précédentes et de donner le meilleur de nous-mêmes !
Effectivement, vous êtes jeunes – Margot, 21 ans et Carla, 24 ans -, comment gérez-vous la pression du haut niveau ?
Carla —Avant de faire du bob, on faisait déjà toutes les deux du sport à haut niveau et on dit bien que le sport, c’est l’école de la vie, que ça forge. C’est vraiment ce qu’on ressent au travers des compétitions. Les rebondissements, les défaites, les succès, nous ont offert d’être prêtes à affronter le haut niveau.
On est aussi très bien accompagnées par notre famille qui nous offre un vrai confort de vie, sur le plan matériel et psychique. Ils nous épaulent et nous rendent la vie quotidienne plus simple. Donc on peut dire qu’on est vraiment bien.
Margot — On a la chance d’avoir une très grande complicité avec Carla, on s’aide l’une et l’autre à gérer cette pression et on est très soutenues par notre entraîneur qui nous offre un super cadre de travail. Il ne nous met pas de pression, on se fait plaisir avant tout, on est là pour ça !
Est-ce un milieu difficile à intégrer pour deux jeunes femmes ?
Non, pas du tout, dans le sens où on est vraiment traitées de la même manière que les athlètes hommes ! Ils ne sont pas professionnels non plus, mais ont plus d’aides financières de la Fédération, de la région… car ils ont un palmarès différent du nôtre, ils ont déjà fait les Jeux et donc leurs preuves. À nous de faire de même !
Vous dites qu’à vos débuts, la Fédération ne vous suivait pas, qu’il a fallu faire vos preuves…
Margot— C’est vrai, il a fallu atteindre le circuit Coupe du monde parce qu’au tout début, quand nous avons commencé par le circuit Coupe d’Europe, on n’avait pas d’entraîneur attitré. On utilisait l’entraîneur de la Fédération internationale qui aide les petites nations et un préparateur physique pour des programmes à distance, mais, la plupart du temps, on était seules.
Il fallait qu’on se débrouille, comme par exemple pour porter le bob, organiser les voyages… on conduisait nous-mêmes le camion ! On a eu la chance de pouvoir compter sur nos papas qui ont pris des jours de congé pour nous aider sur le circuit.
Tout a commencé quand on a été Championnes de France de poussée – c’est la phase de test de sélections – ça nous a débloqué notre place pour l’équipe de France et pouvoir partir en Coupe d’Europe. Techniquement, comme j’avais fait de la luge à haut niveau, je connaissais les pistes et les trajectoires donc ça nous a beaucoup aidé.
Carla — C’est vraiment depuis cette année qu’on évolue avec l’équipe de France masculine et qu’on bénéficie de leur préparateur physique et de leur entraîneur pour le pilotage.
Vous n’êtes pas encore des sportives professionnelles, c’est compliqué de conjuguer études/projet professionnel et carrière sportive ?
Carla— Même si on a le statut de sportive de haut niveau, on ne vit pas de notre sport. Il est tellement peu médiatique… Mais on a vraiment pour objectif de développer notre discipline au féminin, de la mettre en lumière, tout comme le skeleton et la luge d’ailleurs.
Margot est actuellement la seule pilote en équipe de France et moi la pousseuse titulaire. Mais on commence à voir d’autres filles qui accèdent au haut niveau puisqu’on a des pousseuses remplaçantes, mais j’assure toujours les compétitions.
Margot — Je suis étudiante en études de commerce à Chambéry et Carla est préparateur physique, elle a mis ses études entre parenthèses pour le bob. Cette saison, je suis donc la seule à suivre des cours, mais je partage mon année en deux en prévision des Jeux Olympiques.
Avez-vous désormais des aides financières pour poursuivre sur votre belle lancée ?
Au début, alors que la Fédération Française des Sports de Glace ne nous aidait pas, des partenaires nous permettaient de financer notre saison. Aujourd’hui, pour notre troisième saison, la fédé nous finance complètement : les déplacements, le matériel, les frais de compétition. Elle nous permet aussi d’avoir accès à des pousseuses remplaçantes. Mais nous n’avons toujours pas de revenu !
Qu’est-ce qui vous pousse alors à toujours continuer, à toujours chercher l’exploit ?
Le rêve d’être sur un podium olympique ! Même si, parfois, on peut manquer de motivation ou être fatiguées, l’énergie revient toujours car on a la passion du sport depuis toutes petites.
Comment se déroulent vos entraînements ?
Ce n’est bien évidemment pas du tout le même volume ni la même modalité d’entraînement entre l’hiver et l’été, mais, en moyenne, on s’entraîne six jours sur sept en conjuguant avec trois heures de musculation par jour.
Si vous pouviez nous raconter une victoire mémorable et un coup dur qui vous a, finalement, permis de prendre un meilleur virage …
Carla— Ce qui a vraiment été mémorable pour nous, c’est notre première Coupe du monde en janvier 2019 qui avait lieu à La Plagne parce que, clairement, personne ne nous attendait sur cette compétition. On s’est classées sixième ! On gardera ce souvenir à jamais parce qu’on a réussi devant nos familles, nos amis, nos sponsors.
Margot — Pour ce qui est du coup dur, on se souviendra longtemps de notre première année de bob ! On fait toute la saison, elle se passe super bien, pour les Championnats du monde junior – on était en U-23 – on avait des chances de faire une super place pour pas dire un podium… mais, malheureusement, on fait la première chute de notre vie et Margot se fracture la clavicule.
Ça a été difficile, mais ça fait partie du sport et on s’est très bien relevées. Ça nous a fait grandir, on engrange de l’expérience malgré la déception de la blessure.
Alors que vous êtes en passe de devenir des rôles modèles dans le bobsleigh féminin, avez-vous vous-même grandi avec des idoles sportives ?
Margot— Plus jeune, comme je faisais beaucoup de gym, j’étais fan de Nadia Comăneci, je regardais ses vidéos en boucle. Et, sinon, une idole familiale dont j’entendais parler : mon oncle qui était dans l’équipe de France de ski. J’ai regardé beaucoup de ses exploits en vidéo. Je l’admirais et j’étais impressionnée qu’il porte la veste France !
Carla— « C’est moi ton exemple ! », dirait Margot ! Plus sérieusement, comme la culture du sport est ancrée dans ma famille, j’ai toujours suivi les événements sportifs, dans quelque sport que ce soit. Du coup, je regardais les médaillés français avec des étoiles plein les yeux. Sinon, ayant commencé dans l’athlétisme, j’ai toujours eu une grande admiration pour la Championne du monde et spécialiste du sprint, Christine Arron.
Que diriez-vous à celles qui n’osent pas se lancer dans le sport ?
Que rien n’est impossible, qu’il faut toujours essayer pour ne pas avoir de regrets, que le travail paye toujours, tout comme les sacrifices, et qu’il faut foncer, se battre pour ses rêves !
Justement, quel est votre plus grand rêve sportif ?
Facile ! Participer aux JO d’hiver de Pékin, en 2022 ! Et notre objectif ultime est d’être médaillées aux JO de Milano Cortina, en 2026. On s’entraîne pour ça, chaque jour. Et croyez-nous, on va se battre pour décrocher l’or !
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Pour suivre les deux reines des glaces Margot Boch et Carla Sénéchal, suivez leurs comptes Instagram @margotboch et @krla_snchl
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