Rechercher

JO 1948 Fanny Blankers-Koen, « mère indigne » devenue star de la piste

Fanny Blankers-Koen
On la surnommait « La ménagère volante ». Spécialiste du sprint, elle est la seule à avoir décroché quatre médailles d’or en une seule édition. Un palmarès d’autant plus bluffant à une époque où les femmes n’étaient pas les bienvenues dans les compétitions, encore moins les mères de famille. Récit d’une femme au foyer devenue femme médaillée.

Par Valérie Domain

Publié le 25 mars 2021 à 16h46, mis à jour le 22 septembre 2022 à 10h55

2 août 1948, le coup de feu donne le départ du 100m féminin. Parmi les athlètes de ces JO de Londres se trouve une certaine Fanny Blankers-Koen. 11,9s plus tard, la Néerlandaise décroche l’or et signe un record de vitesse. So what ? Deux jours après, elle remet ça aux 80 mètres haies (11,2s).

Puis, le 6 août, elle repart à l’assaut de la piste et est couronnée sur le 200m (24,4s), nouveau record comme si de rien n’était : Fanny Blankers-Koen a presque le temps d’embrasser la fillette qui vient lui offrir des fleurs avant que ses adversaires n’atteignent la ligne d’arrivée. Le lendemain, elle s’attaque au 4 X 100m relais. Même pas peur.

La voilà avec une quatrième médaille d’or en poche après avoir survolé l’épreuve, avec l’équipe hollandaise, en 47,5s. Ce palmarès en or ? Une première dans l’histoire des Jeux !

Mais l’exploit est (presque) ailleurs. À Berlin, en 1936, alors âgée de 18 ans, bien qu’espoir de l’athlétisme néerlandais, détentrice de six records du monde, elle avait déçu et terminé très loin du podium en saut en hauteur et en relais 4 X 100 m.

Autant dire que, douze ans plus tard, à l’âge de 30 ans, Fanny Blankers-Koen ne fait rêver personne. Et, circonstances aggravantes, la dame a donné naissance. Par deux fois. Sa participation représente donc à elle seule un fait unique à une époque où nombreux étaient encore ceux qui n’approuvaient pas les femmes athlètes. Alors, les mères athlètes…

C’est pourtant lors des Jeux Olympiques de Londres qu’elle se révèle, elle la fille d’un lanceur de disque et de poids qui mit Fanny au sport alors qu’on préférait voir les demoiselles à la cuisine. Histoire peu banale que cette jeunette qui s’entiche d’un spécialiste du triple saut, Jan Blankers, olympien ayant participé à l’édition de 1928 et farouchement opposé à la participation des femmes aux compétitions d’athlétisme.

Mais le cœur a ses raisons, parfois plus fortes que les principes, et monsieur accepte de l’entraîner. Les aptitudes d’athlète de sa chère et tendre feront le reste : elle le bluffe et il l’encourage alors à ne pas se laisser déstabiliser par les remarques misogynes, encore moins par les lettres insultantes qu’elle reçoit lorsqu’elle annonce vouloir participer aux JO de Londres.

Ce sera donc une mère jugée « indigne » qui partipera à ces JO et ce sera la consécration. Onze courses en huit jours dont quatre médailles d’or qui firent de Fanny Blankers-Koen, une pionnière, changeant ainsi la façon dont le sport féminin est perçu et bousculant les mentalités. Pour preuve, l’accueil qu’elle reçoit à son retour en Hollande après sa performance.

Un agent des douanes lui demande : « Avez-vous quelque chose à déclarer  ? » Elle répond, le sourire jusqu’aux oreilles : « Oui, quatre médailles d’or ! » Et l’agent de lui lancer : « Elles sont seulement en or, mais elles devraient être en diamant ! »… Puis, la nouvelle star de la piste traversa une ville d’Amsterdam en liesse.

Peu après, lors d’une cérémonie, Fanny Blankers-Koen se vit offrir un vélo. Avec modestie, la coureuse remercia pour ce cadeau obtenu « pour avoir couru juste quelques mètres. »

En 1955, après plusieurs blessure et cinquante-huit titres nationaux, cinq titres européens, elle raccrocha les pointes.

En 1981 seront créés les Fanny Blankers-Koen Games, compétition d’athlétisme organisée chaque année aux Pays-Bas en son honneur et qui a vu l’établissement de cinq records du monde. En 1999, elle sera élue Meilleure athlète du XXe siècle par l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF). Une statue à son effigie sera érigée en son honneur à Rotterdam.

Au cours des années qui suivirent son parcours singulier, il n’y eut que Carl Lewis pour l’égaler.

Fanny Blankers-Koen s’envola véritablement en 2004. Depuis, un prix annuel le « Fanny Blankers-Koen Award », est décerné au sportif qui a le plus contribué à l’amélioration du sport féminin. Respect.

D'autres épisodes de "Jeux Insolites"

Soutenez ÀBLOCK!

Aidez-nous à faire bouger les lignes !

ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.

Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.

Soyons ÀBLOCK! ensemble ! 🙏

Abonnez-vous à la newsletter mensuelle

D’autres actus en brèves…

Manon Genest

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une athlète d’exception et maman épanouie qui se confie sans langue de bois (Manon Genest sur notre photo), une cycliste qui se lance dans un défi fou, notre marathonienne préférée qui se frotte à la piste et notre rubrique Kids, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Bon rattrapage !

Lire plus »
Hermine Bonvallet : « Dans le monde du surf, la première technique pour performer : savoir s’adapter »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une rideuse de l’extrême, une folle histoire olympique du passé, une nouvelle chronique de notre marathonienne préférée et une championne qui sort la raquette du placard, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK!. Enjoy !

Lire plus »
Le sport et les mangas, un mariage heureux ? Kids

Le sport et les mangas, un mariage heureux ?

Les raisons de se mettre au sport sont on ne peut plus variées. Et si parmi les plus efficaces, on retrouvait les mangas et animés ? Ça vous paraît peut-être étrange, mais force est de constater que ces étendards de la culture japonaise ne craignent pas de se frotter à l’univers sportif.

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Benoit Beaufils 

Benoit Beaufils : « Quand j’ai commencé la natation artistique, on s’est bien foutu de ma gueule. »

Il a été un pionnier de la discipline en France. Exilé aux États-Unis depuis plus de vingt ans, Benoit Beaufils a accueilli avec une joie immense l’annonce de la participation des hommes aux épreuves olympiques de natation artistique à Paris 2024. Une occasion unique de faire évoluer le regard sur une discipline traditionnellement associée aux seules athlètes féminines. Rencontre avec un triton des bassins.

Lire plus »
Ski, snow and fun...ride XXL à l'horizon !

Ski, snow and fun…ride XXL à l’horizon !

Le 2 avril, le plus long slalom du monde fait son retour après deux années de pause sanitaire dans la station de la Plagne. Défi ouvert à toutes et tous à condition d’être prêt à festoyer sur les pistes. Un événement qui casse les codes du slalom traditionnel et on adore !

Lire plus »
Lénaïg Corson

Lénaïg Corson : « En rugby, certaines remarques sexistes sont affligeantes ! »

Elle trace sa route rugbystique sans se retourner, plaquant sans vergogne les préjugés misogynes qui collent encore trop souvent au maillot des filles mordues de ballon ovale. Du haut de son 1,85 m pour 85 kg, Lénaïg Corson est l’un des piliers de l’équipe de France de rugby à XV. Dans la vie comme sur le terrain, elle est cash et sans peur. Échanges puissants avec une joueuse qui en a sous les crampons.

Lire plus »

Le yoga en belle posture

Ces dernières années, les yogis en herbe ne cessent de se multiplier. Besoin de sérénité, d’apaisement, c’est le sport doux le plus plébiscité aujourd’hui en France.

Lire plus »
Simone Biles

Quand Simone Biles s’envole…

Son retour à la compet’ est un feu d’artifices. Deux ans après les Mondiaux et ses 5 médailles, Simone Biles a encore fait parler d’elle en réalisant un saut inédit dans un cadre officiel. C’était le week-end dernier lors de l’U.S Classic et elle a, elle-même, du mal à y croire !

Lire plus »
Véro Grafe : « Je viens des sports de combat et quand je masse ces sportifs surpuissants, ils me respectent. »

Véro Grafe : « Je viens des sports de combat et quand je masse ces sportifs surpuissants, ils me respectent. »

Métier : réparer les hommes les plus forts du monde. Massothérapeute pour gladiateurs du XXIe siècle alias les Strongmen, Véronique Grafe -appelez-la simplement “Véro“- envoie du lourd pour les remettre d’aplomb ! « Maman » de cette troupe de mecs super balèzes, l’ex-boxeuse se bat pour institutionnaliser sa discipline. Incursion au cœur de l’incroyable corps humain et de la force poussée à son extrême.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner