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Jacqueline Evans de Lopez L’histoire d’une actrice qui défia les hommes en Porsche

Jacqueline Evans de Lopez
C’est une légende. Mais peu de gens le savent. Pendant plus de trente ans, elle a joué les "gringas" dans des comédies mexicaines. Pourtant, ce n’est pas au cinéma que Jacqueline Evans de Lopez fit des étincelles, mais sur les routes. Première femme à participer à la « Pan-Am », la célèbre et dangereuse course américaine, elle a joué les casse-cous pour prouver qu’elle pouvait se mesurer aux hommes derrière un volant. Récit…sur les chapeaux de roues.

Par Valérie Domain

Publié le 09 juin 2020 à 18h38, mis à jour le 03 janvier 2024 à 15h46

Son histoire est peu banale. Et pourtant peu connue. Difficile de trouver des éléments sur cette actrice rebelle et audacieuse qui courut par deux fois la course la plus longue et l’une des plus dangereuses au monde dans les années 50  : la mythique Carrera Panamerica alias « Pan-Am » située sur la transaméricaine, une route qui traverse les Amériques du Nord au Sud, sur plus de 25 000 kilomètres. 

Il faut en effet se livrer à un intéressant jeu de piste pour la démasquer. Un joli minois, des yeux qui pétillent, miss Evans avait tout pour crever l’écran.

Jacqueline Evans de Lopez

Née Grace Alice en 1915, rebaptisée pour on ne sait quelle raison Jacqueline, elle grandit en Angleterre, du côté d’Isligton, à Londres.

Le cinéma lui fait de l’œil à la fin des années 30 et elle débute sa carrière dans quelques rôles mineurs avant de s’envoler pour New York en 1946.

La même année, elle s’offre des vacances à Mexico et n’en repartira plus. L’amour est passé par là. 

jacqueline-evans

Grace Alice Evans devient Jacqueline Evans de Lopez, épouse du célèbre torero de l’époque, Fernando López alias « El Torero de Canela ».

Son histoire avec la pellicule ne s’arrête pas pour autant, elle signe pour des rôles au ciné ou à la télé, au Mexique ou aux States lors de ses sauts de puce à Hollywood.

Le plus souvent, elle partage l’affiche avec Tin-Tan, l’un des acteurs les plus populaires du Mexique dans les années 50. Elle joue les gringas sans moufeter, certaine que l’émancipation est ailleurs.

Elle roulait des mécaniques comme personne

Elle le prouve en 1953, bravant les préjugés et les interdits à une époque où les femmes doivent tenir leur rang  : sois belle et… ne bouge pas.

Jacqueline Evans de Lopez résiste au qu’en dira-t-on et décide de se lancer à l’assaut de la transaméricaine, sur la portion longue de 3 373 kilomètres qui serpente au Mexique, partant de Ciudad Juárez, ville frontalière avec le Texas, pour arriver à Ciudad Cuauhtémoc, située à la frontière avec le Guatemala.

Carrera Panamericana

L’épreuve dure six jours, on l’appelle la Carrera Panamericana, et elle utilise cette route comme un terrain de jeu.

Les meilleurs pilotes du monde entier, dont le champion du Monde de F1 Juan-Manuel Fangio himself, veulent s’y frotter. Jacqueline aussi. Non seulement pour prouver qu’une femme peut le faire, mais aussi que ce pourrait être « fun ».

Les hommes jouent les durs, ça ne l’affole pas…

Le plaisir, pourtant, n’est pas le premier mot qui vient à l’idée lorsqu’on évoque cette course réputée dangereuse : accidents graves, voire mortels, se succèdent lors d’une course qui va de plus en plus vite. 

Jacqueline Evans de Lopez

Apparemment, ça n’affole pas cette pilote de course amateur qui provoque le scepticisme chez ces hommes qui jouent les durs, puisqu’elle participera à l’épreuve deux années de suite.

Sa voiture  ? Une Porsche 356, colorée à l’image d’Eva Perón sur le capot, hommage à la Première dame d’Argentine disparue un an plus tôt, en juillet 1952. Eva Perón, ex-comédienne devenue activiste dans son pays au côté de son Président de mari. Evita qui œuvra en faveur du droit de vote pour les femmes puis pour l’égalité en droit matrimonial, avant de créer un parti féministe.

Voilà qui devait résonner en Jacqueline Evans de Lopez qui prenait le volant comme elle vivait sa vie : en toute liberté.

Jacqueline Evans de Lopez

Première femme à courir la Carrera Panamericana, elle le fit sans sponsor, sans équipage, sans copilote ou navigateur pour l’aider dans son périple, comme c’était le cas pour la majorité des autres pilotes.

Les raisons sans doute pour lesquelles, miss Evans de Lopez n’est pas parvenu à boucler l’épreuve, que ce soit en 1953 ou l’année suivante.

Porsche en fait l’une de ses égéries

La suite ne dit pas si elle a poursuivi sa conquête des routes à bord de sa Porsche, certains écrits affirment qu’elle a couru la Carrera Panamericana pendant encore deux ans.

Ne serait-ce que pour avoir osé se lancer dans l’aventure, Porsche en fera l’une de ses égéries. «  En partie pour honorer l’entêtement, le courage et la persévérance de Jacqueline Evans, Porsche a commémoré ses victoires et a légitimement donné à sa voiture le nom de Porsche Carrera.  », affirme le blogger américain, fan de la course, Gary Faules.

Jacqueline Evans de Lopez

Gary Faules qui affirme par ailleurs que les hommes de la course avaient surnommé cette pionnière, apparemment trop dérangeante pour l’époque : « Jacqueline « did not finish » Evans de Lopez (« Jacqueline « n’a pas terminé » Evans de Lopez »).

Reste qu’à l’exception des champions automobiles, elle est plus connue aujourd’hui que la majorité des autres pilotes de la course…

Jacqueline Evans de Lopez

Jacqueline Evans de Lopez a poursuivi sa carrière d’actrice pratiquement jusqu’à sa mort, tournant dans un dernier téléfilm en 1986 : « Meurtre en trois actes », tourné à Acapulco où elle décédera en 1989, laissant derrière elle une petite Porsche 356 à l’effigie d’Evita Perón, voiture miniature devenue une pièce inestimable pour les collectionneurs…

Ci-dessus la Porsche 356 de 1953 construite par Philippe Seonnet en L36 Klassik Auto en France, réplique presque identique de la voiture originale IV La Carrera Panamericana pilotée par Jacqueline Evans.

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