
Marie Robert : « L’activité physique est un tremplin pour poser son esprit. »
Le corps travaille, se dépense, s’engage, mais en parallèle, le cerveau s’offre la plus belle des odyssées, celle d’une conscience qui s’apaise…
Publié le 03 février 2022 à 12h04, mis à jour le 17 février 2022 à 10h21
Depuis 2018, tu enchaînes les médailles dans ta discipline du short-track : médaille de bronze du relais féminin sur 300m aux Championnats d’Europe, en 2020, vice–championne de France Élite, en 2021, championne d’Europe du relais féminin sur 3000m et te voilà sur les starting-blocks pour les JO de Pékin. Tu as ressenti quoi quand tu as su que tu allais concourir pour le graal des sportifs ?
Je dis souvent que c’est compliqué à décrire : ça a été un trop plein d’émotions. Je suis hyper excitée de cette opportunité de faire partie d’un si grand événement qui n’arrive que tous les quatre ans. C’est un peu la consécration de tout le travail fourni jusqu’ici.
Aux JO, je vais disputer les trois distances en individuel (500m, 1000m et 1500m) et le relais mixte par équipe. La seule petite déception, c’est de n’avoir pas pu se qualifier sur le relais féminin. J’aime beaucoup le relais, c’est très porteur de savoir qu’on se déchire pour toute une équipe. Ça me porte, le collectif ! Mais on a enchaîné pas mal de mauvais coups du sort tout au long de la saison.
Comment cette aventure sur les patins a commencé pour toi ?
Petite, je voulais faire du patinage artistique. Comme je ne savais pas patiner, j’ai débuté par de l’initiation sur glace. Ça m’a permis de toucher à tous types de sports sur glace, dont le short-track. J’ai tout de suite eu envie d’en faire.
En 2010 – j’avais 12 ans -, il y a eu l’ouverture du Pôle espoir de short-track à Font-Romeu et on m’a proposée de m’y entraîner. Je me suis dit : « Je fonce ! »
Mais c’était à 900 km de chez mes parents, c’était compliqué de partir vivre si jeune loin de la famille, malgré son soutien. J’y suis allée pendant deux ans puis, je suis revenue chez moi parce que c’était un peu dur psychologiquement.
Quand j’ai été prête, après le collège, j’y suis retournée en seconde, en internat, au CREPS de Font-Romeu. Je me retrouve alors en compétition sur le circuit junior.
À 17 ans, je fais ma première participation en compétition senior pour le championnat d’Europe. Il ne se déroule pas très bien, je m’étais mis beaucoup de pression. Ce n’était pas une superbe entrée en matière…
Mais l’année d’après, en 2018, une athlète de l’équipe s’est blessée et je me suis retrouvée propulsée sur la scène en période de qualification olympique. Alors que c’était mille fois plus stressant pour moi que ce que à quoi j’avais l’habitude d’être confrontée, à ma grande surprise, j’ai fait le taf.
On a, hélas, raté la qualification d’une place. Quand on a été sur le podium pour les Championnats d’Europe en 2018, ça a été une belle revanche.
Tu étais donc partie sur une bonne lancée ?
Oui, mais 2019-2020 a été une période un peu compliquée pour moi, une remise en question. J’avais mes études en parallèle et à trop vouloir bien faire, je m’imposais beaucoup trop d’exigences : entraînements intenses, travail à fond. Je ne récupérais jamais et j’ai fait une très mauvaise saison.
J’avais l’impression de ne pas réussir dans ma vie. J’ai fait une sorte de burn-out et je n’ai plus voulu mettre les pieds sur la glace. Je pleurais rien que de penser à cette éventualité…
À la fin de la saison, je me suis posée les bonnes questions : c’était beaucoup de souffrance pour pas grand-chose, peut-être que je voulais autre chose dans ma vie ? Et pourtant, je n’ai pas raccroché les patins.
Le problème, ce n’était pas le sport en lui-même qui me passionnait toujours autant, c’était tout ce qu’il y avait autour. J’ai réalisé qu’il fallait que j’arrête de tout axer sur la performance.
Quand on fait une course, on a bien évidemment envie de la gagner, mais il faut avant tout y prendre du plaisir. Quand j’ai retrouvé le kiff d’être sur mes patins, tout a glissé…
J’ai fait une super saison 2021 : j’ai décroché le titre de Championne d’Europe du relais féminin, sur 3000m – premier titre européen pour l’équipe de France en short-track en relais, toutes catégories confondues, et je me qualifie pour les Jeux !
Le mental est donc une des clés de ta préparation de championne ?
Oui, depuis cet épisode, je suis suivie par un préparateur mental et une psy. Ce n’était plus possible de me mettre dans des états pareils. Je suis entièrement d’accord avec Simone Biles, d’ailleurs.
À un moment, il faut arrêter : on n’est pas des machines, on est aussi des êtres humains et on a besoin d’être accompagnés aussi à ce niveau-là. Les mentalités changent : dans la performance, la préparation mentale est tout aussi importante que la préparation physique.
Le sport de haut niveau, c’est 80 % dans la tête et 20 % dans les jambes.
Comment expliques-tu ce coup de foudre pour cette discipline sur glace ?
Je suis quelqu’un de très curieux et je me lasse assez vite. J’avais donc besoin d’une discipline où tout est différent chaque jour. On peut avoir l’impression que le short-track est un sport rébarbatif et répétitif, mais pas du tout.
L’avantage de pratiquer un tel sport à concurrence directe, c’est que chaque course se déroule de façon différente : on ne peut pas prévoir ce qui va se passer ou avoir une stratégie fixe et rouler comme on a appris. Le short-track, c’est vraiment foncer dans l’aventure !
Le short-track est assez spectaculaire…
C’est un sport très tactique qui demande d’être complet et polyvalent : il faut attendre l’opportunité pour dépasser, par exemple, et, dans tous les cas, se baser sur ses points forts.
Moi, je ne suis pas une grande sprinteuse, l’explosivité n’est pas mon fort mais j’ai de l’endurance.
Tu n’as jamais eu peur en patinant si vite sur cette glace ?
Ce serait mentir de dire que je n’ai jamais eu peur, mais c’est justement un des aspects qui me fait aimer ce sport : l’adrénaline, les sensations fortes, la part de danger !
Quels sont tes atouts dans ce sport ?
J’ai commencé quand j’avais 9 ans, donc j’ai pas mal de pratique, ainsi que sur le circuit compétitions. J’ai très vite été prometteuse.
Mon petit problème, c’est le versant psychologique : je suis très mauvaise perdante et ça m’a joué des tours. J’avais tellement la pression de perdre que j’abordais mal les compétitions.
Maintenant, j’essaye de faire la part des choses même si j’ai trop tendance à me remettre en question. Quand j’équilibre, ça donne un point fort : une très bonne capacité d’analyse.
Il ne faut pas oublier le versant ressenti de cette discipline : quand j’arrive à poser ma tête, je suis assez intuitive.
Concrètement, ça se passe comment des pieds à la tête quand tu patines en compét’ ?
J’essaye vraiment de ne pas penser pour ne pas manquer d’être performante. Quand on patine, on pose le cerveau.
Ce qu’on essaie de faire avec mon préparateur mental pour les courses, c’est de cultiver un état de flow avant de monter sur la glace : ressentir des vibrations, comme quelque chose qui a envie de sortir de mon corps, et je n’ai plus qu’à contrôler cet état pour arriver à faire une bonne performance.
J’ai fait de meilleures perf’ grâce à ça dans des courses récentes. Les pieds sur la glace, c’est très instinctif, c’est au niveau du ressenti corporel.
Il y a aussi tout un aspect matériel à envisager pour établir le bon lien avec la glace.
As-tu un grigri ou un rituel avant les compétitions ?
Oui, avant mes courses ou mes compétitions, j’ai un tas de post-it sur lesquels je m’écris des mantras motivants du style : « J’en suis capable », « Je suis forte », « Je n’ai pas peur ».
Et je les relis toute la semaine qui précède pour que ces petites phrases résonnent en moi le Jour J !
Toutes les sportives de haut niveau ont un rêve sportif, quel est le tien ?
Honnêtement, je pense qu’avant, ça aurait été un objectif de performance, de médaille aux Jeux. Mais maintenant, j’ai juste envie de reprendre du plaisir à patiner.
Pour ces JO de Pékin, par exemple, peu m’importe le résultat, je veux vraiment me créer une expérience inoubliable et dans la notion de partage, en équipe.
Qu’est-ce que ce sport en haut niveau t’a apporté dans ta vie personnelle ?
J’ai toujours voulu faire les choses toute seule, je suis assez indépendante et cette expérience est venue renforcer cet aspect-là : partir loin des parents m’a permis d’arriver à maturation assez vite. Je ne regrette ça pour rien au monde.
Le sport de haut niveau m’a apporté des valeurs fortes : rigueur, détermination et persévérance. Dans tous mes projets, je me donne à fond et j’abandonne rarement.
Est-ce que la vitesse sur glace est vraiment ouverte aux femmes ?
Ce n’est pas un sport très « masculin », en fait. C’est surtout un sport confidentiel donc, filles comme garçons, on est un peu logés à la même enseigne.
C’est la galère pour tout le monde. C’est une discipline très spectaculaire, très visuelle, c’est génial à regarder mais on n’est pas assez médiatisés et on aurait besoin d’avoir plus de sponsors.
Est-ce que tu souhaiterais t’engager davantage pour la visibilité du short-track féminin ou pour le sport féminin en général ?
Je me suis déjà engagée pour le sport féminin : je suis ambassadrice de Femix’Sports dans la lutte pour la mixité dans le sport, de Sports et Spécificités Féminines (Sport SF) et, tout récemment, de la Fondation Alice Milliat.
Une ou des athlètes féminines inspirantes, des sportives qui t’on poussée à te lancer ?
De manière générale, j’aime prendre exemple sur un peu tout le monde ou en tout cas des gens qui défendent leurs convictions comme Simone Biles aux JO de Tokyo récemment.
Ce serait quoi pour toi l’après carrière sportive ?
Actuellement, je suis en contrat d’apprentissage et je passe un MBA Marketing et Management du sport.
Comme j’ai toujours voulu travailler dans les relations internationales, l’égalité des droits, les grandes causes, je me dis que je pourrais m’engager dans cette voie dans le monde du sport. En plus, j’ai un bon réseau dans le milieu sportif. C’est à peaufiner !
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