FISE Montpellier 2023, que le show commence !
Du 17 au 21 mai, la ville de Montpellier sera aux couleurs des sports urbains et extrêmes. Le FISE est de retour pour sa 26e édition. Au programme, toujours plus d’enjeux et de spectacles. En piste !
Publié le 11 avril 2022 à 6h00, mis à jour le 03 janvier 2024 à 15h45
Tu as découvert le sport automobile très tôt, en suivant ton père qui organisait des courses de kart. Tu avais 5-6 ans quand tu lui as demandé à pouvoir en faire à ton tour. Qu’est-ce qui te fascinait dans le karting ?
J’étais tout le temps avec mon père sur les circuits et je voyais ceux qui en faisaient rouler à des vitesses dingues. Je me disais : « Ça doit être top, je veux essayer ». J’ai fait une tentative lorsque j’avais 7 ans mais j’étais encore trop petite en taille. J’ai dû patienter jusqu’à mes 9 ans et demi pour me lancer, l’attente a été très longue !
Je me souviens encore de mes premiers tours de roues. C’était épique. Je répétais tout le temps : « Je suis la plus vite, je suis la plus vite » alors que ça n’était absolument pas le cas mais je m’amusais, je me régalais.
Durant cette longue attente de deux ans, tu as pratiqué d’autres sports ou tu n’étais passionnée que par les sports automobiles ?
Je suis passionnée de sport depuis toujours. Mon père m’a raconté que, petite, j’hésitais entre le karting et le judo. J’aime les sports où il faut y aller. J’ai pratiqué le judo, mais seulement à l’école.
À la place, j’ai fait du hip hop et du tennis pendant deux ans. Le tennis m’a beaucoup plu – et ça me plaît aujourd’hui encore -, le hip hop m’a bien musclée. C’est technique et, moi, j’aime les disciplines techniques.
Je me souviens d’avoir participé à un spectacle devant deux-cent-cinquante personnes et ça m’avait procuré de belles sensations
Tu n’as jamais pensé poursuivre dans le tennis ou le hip hop ?
J’ai voulu continuer le hip hop mais, quand j’ai commencé les courses de kart, ça faisait beaucoup alors j’ai arrêté. Même si j’aimais ça, le hip hop, c’était plus pour m’amuser. En kart, j’étais extrêmement sérieuse et j’avais envie d’y aller tout le temps.
Peu à peu, j’ai commencé les courses et c’est comme ça que j’ai vraiment progressé, en prenant des départs, en allant me bagarrer.
Tu te souviens de ton premier tour de piste ?
Je n’ai pas de souvenirs du premier jour, mais je me souviens qu’on allait au kart les mercredis après-midi après l’école. Je me rappelle cependant avoir eu un vrai déclic lorsque j’ai rencontré une autre fille sur la piste.
Elle avait deux ans de plus que moi et elle allait plus vite. Ça a déclenché quelque chose dans ma tête, ça m’a donné un peu plus de hargne. J’ai gagné des minutes et j’ai commencé à aller très vite moi aussi.
Être une fille dans ce milieu ne t’a jamais dérangé ?
Non. Je m’entends bien avec tout le monde, le fait d’être en sous-nombre n’est pas un problème.
Tes premiers pas en compétition, tu les fais lorsque tu as 9-10 ans. Comment ça s’est passé ?
J’ai participé à un Championnat en quatre temps qui s’appelle l’UFOLEP. Je me souviens d’avoir gagné une endurance sous la pluie. Je devais avoir 10 ou 11 ans, je partageais le kart avec un autre pilote, il faisait un relais et on changeait.
Ce jour-là, il pleuvait des cordes, la piste était trempée et on a gagné haut la main, c’était vraiment top. Je nous revois sur le podium, trempés de la tête aux pieds. On avait froid mais on était trop contents d’avoir notre Champomy et notre trophée.
Que ce soit la pluie, la boue, la neige, rien ne pouvait m’arrêter, j’étais accro.
Tu vas très vite enchaîner les belles performances. En 2015, tu termines 3e du mondial Subaru sur le tracé de Magescq dans les landes…
C’était encore un petit niveau mais ça reste une des meilleures courses de karting de ma vie. Je découvrais le circuit et les concurrents le week-end même, je n’avais jamais roulé avec eux. La piste m’a plu tout de suite, ça roulait vite.
Le vendredi, on a fait des essais et j’étais 1 ou 2, proche d’un autre un pilote qui avait trois ans de plus que moi. C’était le champion du sud-ouest et il n’avait plus été battu depuis deux ou trois ans.
Lors de la manche 2, j’ai cassé quelque chose dans le moteur et je n’ai pas pu faire la course. Durant le tour de formation, il a été le plus lentement possible pour m’attendre parce qu’il voulait se battre avec moi. On s’est retrouvés en finale.
Je suis partie 7e, je l’ai rattrapé au bout de deux-trois tours après avoir doublé tout le monde. Durant vingt-et-un tours, on s’est doublés au moins deux-trois fois par tour, c’était vraiment génial. À chaque fois qu’on passait, les spectateurs réagissaient, c’était dingue !
J’ai passé la ligne devant lui et il était super content pour moi. Aujourd’hui encore, il est mon meilleur ami.
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Tu envisageais déjà un futur dans le sport automobile à cette époque ?
Ça a été mon rêve dès que j’ai commencé le kart. Je regardais les Grands Prix de F1 et j’avais envie d’y être aussi. J’ai toujours eu ça en tête. Aujourd’hui, ce n’est plus un rêve mais un objectif.
Tu avais des modèles, des idoles ?
Mon père me parlait toujours des duels entre Prost et Senna. Je n’étais pas née à cette époque mais j’ai regardé leurs courses et c’est ce qui m’a inspirée. J’aime aussi beaucoup Charles Leclerc.
C’est compliqué de pas avoir d’exemple de femme pilote ou d’en avoir très peu ?
Le sport automobile est un des seuls sports où hommes et femmes peuvent rouler ensemble. En ski, en basket, en foot, on est séparés.
Moi, depuis le début, je pense que tout le monde a sa place. Il faut simplement se dédier entièrement à ça, travailler tous les jours pour y arriver.
En 2018, tu as 14 ans, tu termines sur la troisième marche du podium au classement général du Championnat de France féminin de karting. Tu décroches le titre l’année suivante. Ça représentait quoi pour toi ?
En 2019, notre budget était limité, je ne pouvais faire qu’une course dans l’année et j’ai opté pour les Championnats de France. C’était la dernière chance, pour moi, d’essayer de marquer le coup, de décrocher un titre pour que ça débouche, pourquoi pas, sur quelque chose par la suite.
Ce week-end-là, il fallait tout donner et ne surtout pas se planter. L’objectif était de gagner. Je n’ai jamais été aussi concentrée. J’ai gagné cinq courses sur six, les trois finales du dimanche, une sous la pluie et deux sur sec. C’était à la fois magique car on l’a fait en famille et un soulagement.
Est-ce que ce n’est pas difficile, parfois, de voir son avenir sportif conditionné, avant même le talent, par des questions d’argent ?
C’est dur mais, finalement, c’est une bonne école. C’est un sport qui coûte cher. Il n’est pas accessible à tous car il faut un budget minimum pour pouvoir faire de bonnes choses. Pour nous, ça a été compliqué mais nous avons eu quelques amis et quelques sponsors à nos côtés.
Sans eux, je n’en serai pas là aujourd’hui. J’ai toujours eu conscience de ça et, chaque fois que je roulais, c’était avec le cœur, il fallait que je donne tout.
En 2020, tu participes à la Renault Clio Cup, tu vas décrocher la deuxième place en junior à l’issue de la saison. Comment ça s’est fait ?
J’ai contacté Renault pour savoir s’ils pouvaient me sponsoriser durant la saison et ça s’est fait. C’était mes trois premières courses en voiture. C’était intéressant.
J’ai découvert quelques circuits comme Magny-cours, Nogaro ou Paul Ricard. Ça m’a permis d’acquérir de l’expérience et ça m’a offert une belle visibilité.
Suite à cela, j’ai été retenue pour la sélection « FIA Girls on Track-Rising Stars » en F4, un programme créé pour permettre aux femmes d’évoluer au plus haut niveau.
Comment as-tu appris que tu étais retenue pour le « FIA Girls on Track Rising Stars » ?
Je crois que c’est la FIA qui a donné mon dossier. Il me semble qu’il y en avait cent-vingt et ils ont pris les soixante-dix meilleures. J’ai été choisie pour la France. C’était la plus grosse opportunité de ma carrière parce que ça ouvre des portes.
C’était incroyable d’être proche de la FIA et de la Ferrari Driver Academy d’où sont sortis Charles Leclerc, Jules Bianchi et plein d’autres. C’est là qu’il faut être pour accéder, peut-être, un jour à la F1. J’ai tout donné, jusqu’à la fin.
Qu’est-ce que tu as ressenti quand tu es montée au volant de ta F4 ?
Conduire une F4, c’est dingue ! Je me suis dit : « Ça y est, ça commence ». La F4, c’est le début de la filière monoplace. C’était une belle expérience.
Tu vas passer toutes les étapes et tu vas faire partie des quatre sélectionnées pour la finale qui se dispute à Maranello (Italie), le fief de Ferrari. À la clé, il y a une place à la Ferrari Driver Academy pour la gagnante…
Le premier jour, à Maranello, j’avais des étoiles dans les yeux. Je voyais toute l’histoire de Ferrari, les anciennes F1, celle de Schumacher, celle de Charles Leclerc, les lieux où ils travaillent, c’était fou !
Nous avons fait des tests physiques, mentaux, de coordination, du simulateur… Tout le off track des pilotes, un travail primordial pour devenir pilote professionnel.
On a fini par deux jours à rouler sur le circuit mythique de Fiorano, ce circuit où seuls les pilotes Ferrari peuvent habituellement rouler.
Lors des premiers tours, j’avais le cœur qui battait à fond, j’étais totalement amoureuse !
Comment as-tu fait pour ne pas te laisser happer par cet environnement et te concentrer sur l’enjeu de cette finale ?
Je me suis préparée pour ça. J’ai réalisé un travail en amont avec vidéo, data simulation…, afin d’être prête. J’ai travaillé le circuit des heures et des heures.
Il faut aussi apprendre les bases de la voiture surtout quand tu ne la connais pas. J’ai travaillé le manuel technique pour savoir comment elle travaillait en piste, comment elle fonctionnait.
C’est pour ça que j’étais concentrée et pas spectatrice même s’il est vrai que, le soir, j’entendais encore le bruit du moteur et je faisais des circuits dans ma tête. J’étais vraiment à fond.
Malheureusement, tu ne seras pas l’élue. Ça a été une déception très difficile à digérer ?
Oui, bien évidemment. Le jour même, tu prends un coup sur la tête. C’était mon rêve d’entrer à la Ferrari Driver Academy, d’évoluer dans cet environnement professionnel. J’avais travaillé des mois et des mois pour cela.
Sur le moment, j’étais forcément déçue, ce rêve, ce ne serait pas encore pour aujourd’hui. Et puis, je me suis dit que ça n’allait pas s’arrêter comme ça.
Moi, je veux faire ça toute ma vie alors il était hors de question que je baisse les bras. Et puis la FIA m’a aidée et m’a mise en relation avec une équipe dans laquelle je suis encore aujourd’hui.
En février 2021 tu passes des tests et tu es recrutée par Iron Dames, un projet de course entièrement féminin de Iron Lynx…
Les tests se sont super bien passés. Dès le début, je me suis sentie bien avec les membres de l’équipe et je trouvais le programme vraiment intéressant. J’avais beaucoup travaillé sur la voiture et, quand je suis montée dedans, j’ai été surprise, elle était grosse mais je sentais que j’étais prête.
Les premiers tours étaient dingues. Elle a beaucoup de puissance, 600 chevaux, et on est à 280km/h en bout de ligne droite, un régal. Le soir même les membres de l’équipe m’ont dit qu’ils voulaient parler avec moi et ça a débouché sur une saison avec eux.
Je pleurais, tellement c’était beau.
Comment s’est passée la première saison ?
J’ai fait une première saison en GT3 en Michelin Le Mans Cup, le championnat, et on a fini 3e. J’ai eu deux coéquipières et j’ai terminé avec Manuela Gostner, une Italienne.
Nous avons très bien collaboré et avons fait des podiums à chaque course, c’était top.
Tu évoquais, lors des tests, la vitesse. Tu n’as jamais peur au cours de ces années ?
Je pense que la peur, ça dépend des gens. Ce n’est pas réservé aux filles. Moi, je n’ai jamais eu peur et pourtant, en kart, je me suis pris des énormes crashs. S’il faut prendre des risques, je les prendrai.
Le travail en amont est primordial, celui que tu fais à la maison, tous les jours. C’est très important pour être stable, préparée au mieux.
Après ça, ça roule. Tu n’es concentrée que sur ce que tu dois faire et tu n’as pas le temps de penser à cette éventuelle peur.
Tu continues, cette année encore, avec Iron Dames. Tu poursuis tes études malgré tout ou tu ne te concentres plus que sur le pilotage ?
Je passe le bac cette année. Ça a été un peu compliqué car je suis souvent en déplacement sur les circuits et il difficile de faire deux choses en étant à 100 %.
Pilote demande beaucoup de temps et quand tu commences à vivre ton rêve, il faut faire un choix. Je sais cependant que le bac, c’est important alors je continue sérieusement avant, l’année prochaine, de me dédier au pilotage. Je suis pilote pro depuis cette année et c’est ce que je veux faire.
Comment tu envisages la suite ?
Cette année, c’est le Ferrari Challenge* dans la catégorie pro. L’idée, c’est de gagner le championnat en octobre pour avoir un premier titre en voiture.
Je suis ouverte à toutes les opportunités. J’aime l’endurance, c’est un milieu qui me plaît, on va voir ce que ça va donner dans quelques années. Quoi qu’il en soit, la F1 et l’endurance restent dans mes pensées.
Pour l’instant, c’est dingue, ça commence bien !
* L’interview a été réalisée quelques jours avant les deux premières courses du Ferrari Challenge Europe. Doriane a remporté deux pôles positions et autant de victoires en courses sur le circuit de Portimao au Portugal.
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