Tu étais une enfant extrêmement sportive, ça te vient d’où, de tes parents ?
Aucune idée ! J’aimais bouger, c’est tout. J’ai fait du judo à 6 ans. À l’école, pendant la récré, je jouais au foot avec les garçons. Il m’arrivait de jouer à l’élastique avec mes copines, mais ce n’était jamais pour m’amuser, toujours pour la performance, je voulais être celle qui saute le plus haut !
Quand j’avais 8 ans, mes parents sont allés m’inscrire au club de foot à côté de chez moi. Il n’y avait pas d’équipe féminine, pas grave, je jouais avec les gars ! D’ailleurs, j’étais un peu l’attraction dans ma petite ville d’Essonne… Mais mes parents n’auraient pas compris que je ne puisse pas faire de foot parce que j’étais une fille !
J’ai partagé les vestiaires avec les garçons jusqu’à ma puberté où il devient alors impossible de se déshabiller ou de prendre une douche…
Tu regardais le sport à la télé ?
Je n’avais pas la télé, mais j’allais chez mes grands-parents regarder Stade 2. J’étais toute petite, on s’installait devant l’émission avec mon grand-père, j’adorais la musique du générique ! Lorsque je voyais un champion monter sur le podium, ça me faisait vibrer. C’est encore vrai aujourd’hui, ça m’arrive de pleurer, ça m’émeut, c’est un tel accomplissement !
Mon rêve était d’être championne olympique, de n’importe quoi, je m’en fichais, juste une grande championne…
Tu aurais pu faire une scolarité en Sport-études ?
Est-ce que j’avais l’étoffe d’une championne de haut niveau ? Je ne pense pas. Mais c’est aussi que je n’ai pas eu l’opportunité de faire Sport-études. Les circonstances, des problèmes logistiques…ce ne fut pas possible. Par ailleurs, je n’ai jamais surperformé dans un sport.
Après avoir arrêté le football, tu as fait de l’athlétisme, pratiqué le tennis…
Le tennis, c’est un sport qui m’a tout de suite emballée. Je nourrissais une passion pour Steffi Graf, j’aurais voulu être elle ! L’athlétisme, je l’ai découvert quand j’avais une quinzaine d’années. Je suis tombée sur les Championnats du monde de Tokyo en 1991, je n’ai pas pu décrocher. Le duel Mike Powell/ Carl Lewis au saut en longueur est, pour moi, l’un des trois plus beaux moments de sport. Je suis allée direct m’inscrire au club d’athlé !
Je voulais faire du sprint. J’étais à l’agonie après ma première course, mais je n’aurais rien lâché. Or le coach m’a dit : « C’est bien, tu as un vrai mental, tu feras du demi-fond ! » Ça me correspondait beaucoup mieux, j’ai adoré ça ! J’ai même participé aux Championnats de France sur le 4 X 1000 m en cadette.
Lorsque tu as commencé tes études supérieures, tu as tout arrêté. Difficile à croire quand on t’entend parler de l’importance du sport dans ta vie…
Le sport me manquait, mais je n’avais pas le temps de m’y consacrer. Et on ne plaisante pas avec le sport. J’ai l’esprit de compétition, je n’aime pas jouer pour jouer. Ce qui m’intéresse, c’est de me dépasser.
J’ai donc repris le sport, tennis et course à pied, lorsque j’ai de nouveau pu me fixer des objectifs et m’entraîner suffisamment pour les atteindre.
Et lorsque tu as recommencé à courir, tu t’es lancée dans le 20 km de Paris, rien que ça !
Je m’étais remise au footing avec des copains, je disputais de nouveau des matchs de tennis pour être classée, et c’est Nathalie Renoux, lorsque nous étions sur M6, qui me propose de participer aux 20 km de Paris. Je trouvais ça complètement dingue, c’était de la folie, je ne me sentais pas prête.
Finalement, on a pris un coach, on s’est entraînée pendant un mois et on l’a fait en moins de 2h !
En 2015, tu participes au Marathon de Paris. Avec quel objectif ?
Le Marathon de Paris, c’est une vraie expérience de vie. Je l’ai préparé pendant quatre mois. Je le faisais pour quelque chose de très personnel, soutenue par toute ma famille. C’était magique.
Je me suis dit : « Si je finis, je peux tout réussir dans la vie. » J’avais un objectif de temps : 4h. Mais je me suis blessée avant, j’ai alors pensé : « Ok, 4h15 ». Je l’ai bouclé en 4h10. J’étais fière de moi.
Tu ne fais pas de renforcement musculaire, d’étirements ?
Je ne m’étire jamais, j’ai horreur de la muscu. J’ai essayé le CrossFit, mais ce n’est pas naturel, et j’aime le sport en plein air ! Je me sens bien à faire mon petit footing, mes 10 bornes à 11 km/heure, et mes matchs de tennis.
Tu avoues facilement t’emporter quand tu perds. Contre les autres ou contre toi-même ?
Contre moi-même. J’ai fait un match de tennis la semaine dernière, j’ai joué n’importe comment. J’étais si énervée que j’en avais les larmes aux yeux, j’aurais pu casser ma raquette ! On ne plaisante pas avec le sport.
En revanche, je ne m’énerve pas contre quelqu’un de plus fort que moi, mais j’y crois à chaque fois. Je jouerais contre Federer, je me dirais : « Sur un malentendu, tu peux gagner ! » Je ne sais pas moi, il pourrait ne pas être en forme, abandonner à cause d’une blessure.
Il y a toujours une chance au sport. Je me suis pris d’énormes roustes au tennis, mais j’ai toujours ce petit espoir de gagner à chaque fois.
Journaliste sportive, c’est un moyen d’être une championne de haut niveau par procuration ?
J’ai toujours voulu être journaliste. Pourquoi dans le sport ? Parce que j’aime ça. Et pourquoi en télé ? Parce que si les émotions en sport et en télé ne sont pas vraiment les mêmes, l’excitation et l’adrénaline, oui ! Je suis shootée à l’adrénaline.
J’avais une autre raison de vouloir être journaliste dans le sport : j’imaginais une ambiance très sympa, aller au boulot en jean, voir des matchs sans payer, être même payée pour ça !
Et puis, il y a le fait de bosser avec des mecs, j’ai toujours été entourée de mecs, ça me plait !
Et tu as toujours été prise au sérieux par ces mecs ? Plusieurs femmes journalistes de sport témoignent du machisme ambiant dans les rédactions…
Je n’ai jamais connu ça. Bien sûr ça existe, mais ce n’est pas une généralité. Je n’ai jamais revendiqué ma position de femme dans un monde d’hommes.
J’ai déjà eu des collègues comme Pierre Ménès ou Dominique Grimault qui m’appellent ″ma chérie″, je le ressens davantage comme une marque d’affection que comme un problème. D’autres, plus jeunes, m’appellent ″maman″, ça me fait marrer.
J’ai pratiqué le foot pendant cinq ans, je me sens légitime à en parler. Et je bosse, j’adore ça ! Ma légitimité, c’est mon employeur qui me la donne.
La faible médiatisation du sport au féminin, c’est un problème qui te touche ?
Sport féminin, masculin, je ne veux pas entrer dans ce débat. Il s’agit de sport, point. On ne prend pas le problème par le bon bout. Si c’est moins médiatisé, c’est aussi parce qu’on manque de stars féminines dans des sports majeurs et très médiatisés comme le tennis ou le foot par exemple.
On a des championnes de foot, mais les résultats ne suivent pas toujours.
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Tu es féministe ?
Je ne revendique rien en tant que femme. Je ne suis pas féministe, en tout cas si être féministe cela veut dire toujours se battre pour être l’égal de l’homme.
En demandant l’égalité pour tout, on va perdre. Je suis féministe pour tout ce qui est injuste : la violence faite aux femmes, l’inégalité salariale, mais je suis aussi pour qu’on arrête de dire qu’une femme est comme ceci ou comme cela.
On est toutes différentes. Comme les hommes d’ailleurs. Ce sont les généralités qui me dérangent.
Des idoles françaises, tu en as ?
Oui, plusieurs. Laure Manaudou, Marion Bartoli, Amélie Mauresmo, Jeannie Longo.
Et Marie-José Pérec ! Elle a la grâce, c’est une athlète exceptionnelle, incroyable ! J’en ai pleuré quand elle a arrêté au moment des Jeux de Sydney, en 2000, elle est tellement belle à voir courir. C’est une championne qui m’a toujours beaucoup émue, forte mais avec ses failles.
Tu viens de reprendre ton marathon télévisuel avec « L’équipe d’Estelle »* sur la chaîne L’Équipe, à raison de 2 heures d’émission par jour, tu as le temps de faire du sport ?
Aujourd’hui, je veille à toujours me ménager une place pour faire du sport. Le plus souvent, c’est le week-end, mais quoiqu’il arrive, je n’y déroge jamais. C’est parfois compliqué, mais j’ai de la chance, j’ai toujours envie, toujours la pêche !
Penses-tu pouvoir inspirer des femmes à pratiquer ?
Je ne crois pas que ça marche comme ça. Chacun fait ce qu’il veut.
J’ai écrit un bouquin sur le running il y a deux ans**, avec des astuces pour pratiquer la course à pied, mais je savais que c’était une niche. Les femmes qui courent déjà n’en ont pas besoin, les filles qui n’ont pas envie de s’y mettre ne s’y mettent pas.
Il faut un déclic pour pousser quelqu’un à faire du sport. Je ne pense pas avoir ce pouvoir.
*Estelle Denis présente « L’équipe d’Estelle » sur la chaîne L’Équipe, du lundi au vendredi, à partir de 17h30.
** « Demain, je m’y mets ! (vraiment) » (First)
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