« Je n’étais pas sportive, j’étais une nerd », sourit-elle en évoquant son enfance en Ontario. Rien ne prédestinait Stephanie Case à devenir une figure de l’ultra-endurance. C’est à la fac de droit qu’elle enfile ses premières baskets, pour « trouver ses limites ». Le marathon comme déclic, puis l’ultra comme révélation. Mais pour elle, courir n’a jamais été qu’une affaire de chrono. En 2009, elle quitte le confort du corporate pour les zones de guerre. Afghanistan, Gaza, Sud-Soudan : ses terrains d’action sont ceux des droits humains. « Je voulais aider les plus vulnérables », explique celle qui travaille aujourd’hui pour l’ONU.
Sur ces terres meurtries, elle découvre que le sport peut être un outil d’émancipation. En 2014, après avoir travaillé en Afghanistan comme avocate en droits humains, elle crée Free to Run, ONG qui permet aux femmes et filles de pratiquer la course en toute sécurité dans des régions en conflit. Elle commence par entraîner un petit groupe de femmes à Kaboul, jusqu’à aider la première Afghane à courir un marathon : Nelofar Sorosh. Cette dernière rejoindra le combat à l’arrivée des Talibans et travaille aujourd’hui pour l’UNESCO depuis les États-Unis où elle s’est réfugiée.
Peu à peu, Stephanie Case développe ses actions afin de promouvoir l’égalité des genres et les droits humains par le sport et le leadership. Pour réussir dans sa mission, elle « négocie » avec les familles, les leaders religieux et les autorités locales, pour sécuriser la pratique sportive des femmes : entre 2016 et 2021, Free to Run avait a soutenu près de 4 000 femmes et filles dans cinq provinces afghanes, puis en Irak (camps de réfugiés syriens, yézidis) et en Afrique. « Quand une femme court, elle franchit bien plus qu’une ligne d’arrivée : elle brise des barrières sociales », martèle-t-elle.
Ultra-traileuse engagée, Stephanie Case aligne les exploits : Tor des Glaciers (450 km), podiums sur Hardrock 100, et en 2025, victoire à l’Ultra-Trail Snowdonia… six mois après avoir donné naissance à sa fille Pepper. À 39 ans, cette frondeuse qui allie à merveille la tête et les jambes, avocate et marathonienne d’élite, a ainsi pris le départ de l’UTMB Ultra-Marathon en North Wales sans but de performer, comme elle l’a écrit sur Instagram après la course : « Je voulais simplement me dégourdir un peu les jambes et m’assurer de pouvoir allaiter Pepper aux postes de ravitaillement. » Elle s’arrête pour allaiter, repart, gagne. Un geste militant autant qu’un exploit. « Je voulais lui montrer que les mamans peuvent faire des choses incroyables ».
Aujourd’hui, entre Chamonix et les zones de crise, Stephanie Case continue de courir pour celles qui n’en ont pas le droit. « Mon ultra-running et mon travail me gardent à la fois saine d’esprit et légèrement folle, mais je ne voudrais pas qu’il en soit autrement ». Une phrase qui résume son credo : repousser les limites, pour soi et pour les autres.