Sasha DiGiulian La première de cordée qui donne de la “voie”

Sasha DiGiulian
À tout juste 28 ans, l’Américaine est l’une des figures les plus célèbres du monde de l’escalade. Sasha DiGiulian gravit les montagnes à la force de ses bras et de son mental de roc. Icône de l’ascension, elle a pour ambition d’entraîner d’autres femmes dans sa cordée. Et ainsi de féminiser un milieu encore peu ouvert à la diversité.

Par Claire Bonnot

Publié le 03 novembre 2020 à 13h28, mis à jour le 29 juillet 2021 à 14h49

« Je suis tombée amoureuse de l’escalade car il y a, dans cette activité, un spectre infini de réalisations personnelles et c’est un sport exigeant, physiquement et mentalement. Il a également servi de « véhicule » pour explorer les coins les plus reculés du monde et a été ma porte d’entrée pour créer une communauté mondiale. »

La grimpe au cœur et au corps

Tout a commencé en 1998, lors de la fête d’anniversaire de son frère : la petite Sarah DiGiulian, 6 ans, escalade allégrement le mur du club de gym qui sert de lieu de réunion. Un an plus tard, elle prend d’assaut le monde de l’escalade.

En commençant dans un club de sa ville natale, Alexandria, en Virginie puis en remportant, à neuf ans, son premier concours régional. Vient alors ses débuts de grimpeuse en plein air suivis de ses premiers championnats continentaux juniors…

Sasha DiGiulian
©Facebook/Sasha DiGiulian...

Et c’est l’escalade du succès : en 2010, à 17 ans, elle devient professionnelle et remporte ses premiers championnats nationaux d’escalade sportive contre des femmes de tous âges et le titre de championne du monde un an plus tard.

Le 15 octobre 2011, elle devient la troisième femme de l’Histoire – et la première nord-américaine – à gravir un itinéraire de 5,14 jours dans le neuvième degré (le plus haut niveau de difficulté en escalade sportive) – l’ascension de « Imagination Pure », sur un mur de la gorge de la rivière Rouge, au Kentucky.

Infatigable, passionnée, elle cumule les impressionnantes montées alpines, réalisant les premières ascensions féminines, du Kentucky à l’Afrique du Sud en passant par les Dolomites italiennes.

Sasha DiGiulian

Et côté exploit, ça ne fait que commencer. En 2015, elle devient également la première fille à gravir un itinéraire notoirement difficile appelé « Champignon magique » situé sur la face nord du célèbre sommet Eiger, en Suisse.

Deux ans plus tard, accompagnée de l’un de ses acolytes masculins, Jon Cardwell, elle effectue la première ascension libre de Misty Wall, mur de 518 mètres du parc national de Yosemite, pendant 14,5 heures !

À l’été 2019, c’est accompagnée des grimpeuses Savannah Cummins et Angela Vanwiemeersch qu’elle prend d’assaut l’impressionnant Pico Cao Grande sur l’île de Sao Tomé-et-Principe – culminant à 663 mètres d’altitude et dominant d’environ 300 mètres les terrains environnant. Elles sont les premières à réaliser cet exploit !

Écoutez notre podcast : Existe-t-il un alpinisme au féminin ?

Sasha DiGiulian
©Facebook/Sasha DiGiulian

Le repos de l’esprit après l’effort

Ce petit bout de femme blonde grimpe tout ce qui la dépasse avec un appétit digne des plus grands voraces.

D’où lui vient cet amour pour l’escalade ? Le plaisir pur : « Même si je tombe, il y a peu de moments où j’ai des pensées négatives à propos de mon sport. C’est vraiment fun pour moi ! ». L’envie de se dépasser : « Je suis motivée par ce processus d’exploration, savoir de quoi je suis capable ».

Sasha DiGiulian
©Alex Grymanis/Red Bull

Et que lui apporte ce sport qu’elle aime ? Le repos (de l’esprit) après l’effort : « Dans l’escalade, vous avez affaire à des forces beaucoup plus importantes que vous, donc vous apprenez à être vraiment conscient de votre environnement, de l’atténuation des risques. Vous devez penser de manière vraiment décisive. Personnellement, je trouve ça vraiment méditatif. Quand je suis sur le rocher au sommet, je ne pense à rien d’autre », confiait-elle à CNN.

La zen attitude ? Sasha DiGiulian la trouve dans les nuages… Elle dort tranquillement au plus près de ses parois adorées, dans un lit d’appoint accroché à une falaise de plus de 450 mètres d’altitude. La vie de funambule…

Être une femme dans ce sport ? Une ascension ardue…

« L’escalade en tant que sport, traditionnellement, est un club masculin blanc et j’ai vécu cela dans ma carrière. Je sais que nous manquons de diversité à bien des égards », expliquait-elle à CNN Sport en Octobre 2020.

Sasha DiGiulian
©Naim Chidiac/Red Bull

Son expérience ? Pas toujours idyllique même si elle a pris le problème (symboliquement et réellement) à bras le corps en gravissant les plus hautes montagnes : « Je pense que les femmes ont réalisé que vous pouviez être une femme et être bien meilleure que les gars du gymnase. Je ne suis évidemment pas un homme ultra-musclé, mais je réussis plutôt bien avec ma technique.

C’est un sport très accueillant et diversifié puisqu’il repose sur un rapport force/poids corporel. Physiologiquement, il y a des différences. Cependant, l’escalade offre une multitude de styles et de potentiels qui permettent aux femmes de réaliser des ascensions aussi dures, voire plus dures, que les hommes. »

Sasha DiGiulian
©Greg Mionske/Red Bull

Pourtant, côté masculin, c’est encore trop souvent un autre refrain : tout au long de sa carrière, elle a entendu qu’elle ne correspondait pas à ce qu’on s’imagine d’un grimpeur professionnel. Le moment le plus marquant ? Alors qu’elle s’apprêtait à escalader l’Eiger – l’une des ascensions les plus techniquement difficiles des Alpes – un alpiniste déclare que les filles ne « font pas partie » de l’Eiger. « Cela n’aide pas et cela n’encourage pas plus de gens comme moi à se sentir à l’aise dans le sport », expliquait-elle alors dans un article du Guardian.

Sasha DiGiulian
©Marcelo Maragni/Red Bull

Les femmes au sommet

Devenue rôle-modèle, Sasha DiGiulian se bat pour ouvrir la voie (de l’escalade) à toutes les petites filles. La pétillante athlète a beau s’évader dans les hauteurs, elle n’en oublie pas moins les combats terrestres et se fait fervente ambassadrice pour l’inclusion des femmes dans le milieu de l’escalade. Son conseil béton ? « L’avenir des femmes dans l’escalade est de sortir et de faire ce que seuls les hommes ont fait auparavant ». 

Sasha DiGiulian
©Alex Grymanis/Red Bull

Chroniqueuse engagée pour la cause des femmes via ses propres expériences dans Outside Magazine, suivie par près de 500 000 abonnés sur son compte Instagram aux publications engagées, elle produit également des films d’escalade réalisés par et mettant en vedette des femmes avec sa société de production, Female Focused Adventures (FFA).

Une manière d’encourager une nouvelle génération de grimpeuses : « Si vous voyez une femme qui a accompli quelque chose, il y a cette inspiration de se dire : “Si elle peut le faire, je le peux aussi” ».

Sasha DiGiulian
©Keith Ladzinski/Red Bull

Autre bel engagement à ajouter à son Curriculum Vitae au top du top ? Elle est une militante politique et s’exprime sur le changement climatique. « J’ai un million de personnes sur ma plate-forme de médias sociaux. Ce serait dommage de ne pas utiliser cela pour partager mes opinions, même politiques. Notre sport a une capacité aussi folle d’influer sur le changement social et économique. Si vous croyez en quelque chose et avez la possibilité de partager, utilisez votre voix ».

Sasha DiGiulian
©Andy Mann/Red Bull

Celle qui voyage autour du monde dans les endroits les plus sauvages de la planète témoigne de la dévastation causée par la crise climatique : « Vous voyez les ramifications du changement climatique dans la régularité des chutes de pierres qui se produit de plus en plus souvent. J’étais aussi en voyage d’escalade sur glace (…) et nous avons eu des changements climatiques extrêmes qui ont conduit à briser d’énormes morceaux de glace ».

Sasha DiGiulian travaille, dans ce cadre, avec « Protect Our Winters », une organisation qui cherche à éduquer et à inspirer les amateurs de plein air à devenir des défenseurs du climat, reconnaissant «  l’importance de l’action climatique sur ce qu’est leur style de vie. »

Bref, Sasha DiGiulian est une sportive et une femme au sommet de son art, une femme au mental d’acier. Solide comme un roc.

* Le site officiel de Sasha DiGiulian

Soutenez ÀBLOCK!

Aidez-nous à faire bouger les lignes !

ÀBLOCK! est un média indépendant qui, depuis plus d’1 an, met les femmes dans les starting-blocks. Pour pouvoir continuer à produire un journalisme de qualité, inédit et généreux, il a besoin de soutien financier.

Pour nous laisser le temps de grandir, votre aide est précieuse. Un don, même petit, c’est faire partie du game, comme on dit.

Soyons ÀBLOCK! ensemble ! 🙏

Abonnez-vous à la newsletter mensuelle

Vous aimerez aussi…

Mikaela Shiffrin, 5 infos sur la fille de tous les records

Mikaela Shiffrin, 5 infos sur la skieuse de tous les records

La queen de la glisse a encore frappé ! On ne parle pas de Lindsey Vonn, mais de sa cadette, Mikaela Shiffrin. Si leur talent est comparable, la plus jeune des deux est bien partie pour supplanter le palmarès de son aînée. Une skieuse américaine qui détrône Lindsey Vonn ? Ça mérite bien un 5 infos pour cerner le personnage…

Lire plus »
Glissez jeunesse !

Glissez jeunesse !

Ce sera Gangwon ! Le CIO a validé l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse 2024 dans cette province de Corée du Sud. Les meilleur.e.s jeunes athlètes des sports d’hiver s’y rencontreront du 19 janvier au 1er février 2024.

Lire plus »
« Savoir que l’on va laisser une empreinte dans le hand, c’est magnifique. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une rencontre avec une (déjà) légende du handball actuellement en plein Mondial en Espagne (Allison Pineau sur notre photo), un podcast avec une nageuse qui s’est jouée des requins, cinq infos sur une championne de la peuf, la petite histoire du handball féminin et une chorégraphie engagée, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! Bonne lecture !

Lire plus »
Cléopatre Darleux

Cléopatre Darleux : « Le handball me donne l’impression d’être une wonderwoman ! »

Un rempart à toute épreuve. Cléopatre Darleux est une icône de l’équipe de France de handball et une gardienne de but multi-distinguée dans les compétitions internationales. La championne du monde 2017, épanouie et jeune maman, donne de la voix pour que les joueuses professionnelles soient soutenues dans leur projet perso autant que sportif. Un match qu’elle relève (encore) haut la main !

Lire plus »
Stacey Allaster

Stacey Allaster, la nouvelle boss de choc de l’US Open

Elle est la première femme à prendre les rênes du tournoi américain. Responsable de la Fédération américaine de tennis, la Canadienne ajoute ainsi une ligne prestigieuse à son CV. Elle préside désormais aux destinés de l’US Open tout en conservant ses prérogatives au sein de la fédé. Portrait.

Lire plus »
Charlotte Bonnet

Charlotte Bonnet : « Quand on fait de la compétition, il faut savoir revenir plus forte, rebondir, apprendre à se faire battre. »

Elle en a fait du chemin ! Championne de natation précoce, Charlotte Bonnet, médaillée olympique alors qu’elle n’avait que 17 ans, a traversé, malgré elle, une longue et douloureuse période de doute. Presque dix ans plus tard, la Brestoise a radicalement changé. Plus mûre, plus forte, elle est parvenue à retrouver le goût de la compétition. Confessions touchantes d’une fille pour qui la natation n’est pas un long fleuve tranquille.

Lire plus »
Retour en haut de page

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

WordPress Cookie Notice by Real Cookie Banner