Paola Calvo« À Juárez, toutes les femmes sont des combattantes. »
La lutte comme outil d’émancipation. Dans son film « Luchadoras », tout juste récompensé d’un prix spécial aux Sportel Awards à Monaco, la réalisatrice vénézuélienne, Paola Calvo, filme des combattantes de ‘Lucha Libre’ dans l’une des villes les plus dangereuses au monde. Trois catcheuses pour qui monter sur un ring aide à rester femme. Interview d’une cinéaste engagée qui veut faire changer le monde.
Par Valérie Domain
Publié le 07 octobre 2021 à 9h36, mis à jour le 30 novembre 2021 à 18h58
Vous avez suivi trois femmes qui tentent de conjurer leur peur en montant sur un ring dans l’une des villes les plus dangereuses du monde. Comment a commencé l’histoire de ce film « Luchadoras » ?
Luchadoras est né de la nécessité de briser les préjuges. La ville mexicaine de Ciudad Juárez est connue comme la ville des féminicides. Mais nous savions que la Lucha Libre (la lutte libre, le catch mexicain, Ndlr) est aussi très importante là-bas, avec une grande présence féminine, des femmes qui sautent sur un ring et se battent.
Nous voulions comprendre comment les femmes vivent dans cette société. Ce que nous avons découvert était plus grand, plus lumineux et beaucoup plus puissant que ce que n’importe quel article de presse n’avait jamais réussi à révéler là-dessus.
Combiné avec le nouveau mouvement féministe qui est devenu plus influent en 2019/2020, nous pensons que ce qui se passe là-bas fait partie d’une plus grande quête mondiale pour l’égalité, que nous nous sentons profondément connectés aussi.
Après notre premier voyage à Juárez, nous avons compris que toutes les femmes y sont des combattantes. Luchadoras est un moyen de le faire savoir au monde.
Vous avez travaillé avec le réalisateur Patrick Jasim, comment avez-vous décidé de tourner ce film ensemble ?
Patrick et moi nous connaissons de l’école de cinéma de Berlin. Nous avons déjà travaillé ensemble, nous nous connaissons très bien. Il a un ami à Juárez et m’a parlé de son idée de tourner un film là-bas.
Nous en avons parlé un peu et, immédiatement, cela a collé, nous avions les mêmes idées, la même vision des choses.
Comment êtes-vous parvenue à mettre ces combattantes en confiance ?
Elles ont des personnalités très différentes. Ainsi, quand nous les avons rencontrées pour la première fois, les relations se sont développées différemment. Certaines nous ont invités chez elles dès le premier instant, d’autres non.
Et, justement, cette confiance, nous l’avons gagnée car elles ont compris ce que nous voulions faire. C’est ce qui a rendu le film possible.
Ciudad Juárez est un endroit où vous pouvez vous trouver en danger rapidement et de façon inattendue. L’un des grands défis était de savoir si le film était réalisable dans les conditions difficiles de sécurité dans cette ville.
Pouvons-nous réaliser le film dans la forme et la qualité que nous envisageons ? Aurons-nous confiance et pourrons-nous construire une intimité pour tourner dans un espace privé ? Et si oui, qu’en est-il de l’espace public ? Les arènes, dans le désert, dans les rues où des femmes sont kidnappées et tuées ?
La scène de la fusillade à Juárez était difficile parce que le danger est réel. L’incertitude de savoir si vous êtes au bon endroit au bon moment est présente plusieurs fois par jour.
La peur était donc l’une des composantes du tournage ?
Une des premières conséquences de vivre dans un tel endroit est la peur. La partie la plus difficile de Luchadoras était donc de faire face à nos peurs.
La peur est quelque chose de personnel, individuel et – surtout – irrationnel. Ne pas faire confiance à ses voisins est le pire qui puisse arriver dans un endroit violent.
Après quelques semaines à Juárez, nous avons appris que la chose la plus importante dans ce genre d’endroit est de faire partie d’une communauté ; que ce soit la communauté de lutte, la famille, ou vos amis, être dans un groupe est un moyen d’être en sécurité.
Qu’est-ce qui vous a le plus touché ou bouleversé pendant le tournage ?
Réaliser que le travail des femmes, les actions des femmes, les paroles des femmes… Tout cela a moins de valeur qu’en ce qui concerne les hommes. Et la cruauté des crimes.
Quelle est l’ambition de votre film ? Que veut-il démontrer, au fond ?
Pour nous, il est important que nous soyons conscients des sociétés dans lesquelles nous vivons. La violence faite aux femmes se produit dans le monde entier. Pas seulement au Mexique. Dans certains endroits plus durs que dans d’autres.
Il y a beaucoup de victimes qu’il ne faut pas oublier, mais en même temps, il y a beaucoup de femmes et d’hommes qui s’y opposent aussi. Nos Luchadoras, nos combattantes, en sont la preuve.
Par exemple, « The short statued » Mini Serinita, travaillant dans une usine, gagnant 50 Dollars par semaine. Elle n’arrêtera jamais de se battre pour ses rêves et rien ne viendra se mettre en travers de son chemin.
Nous aimerions que le public s’inspire d’elle et des autres protagonistes, comme nous l’avons fait. Même dans les moments de peur, être courageux, parler, agir et se dresser contre le visage de l’injustice.
Est-ce aussi une façon de montrer une autre féminité ?
C’est une façon de montrer de nouveaux modèles. Nos protagonistes sont des femmes qui vivent dans la ville du féminicide.
Mais elles ne sont pas présentées comme des victimes. Ce sont des combattantes. Tel est le message.
Pensez-vous que le sport peut changer la vie ?
Bien sûr.
Grâce à ce film, pensez-vous pouvoir faire évoluer les choses ?
Je ne sais pas ce que nous pouvons vraiment changer… Mais ce que nous faisons, c’est ouvrir un dialogue, nous donnons de la visibilité, et c’est la première étape pour un changement.
C’est-ce qui vous a inspiré à devenir cinéaste ?
Faire des documentaires est une façon passionnante de comprendre et de connaître le monde. Comprendre et apprendre à connaître différentes perspectives, différentes histoires, différentes personnes.
À de nombreuses reprises, chaque projet parvient à me sensibiliser aux structures, aux idées ou même aux préjugés que je pourrais avoir sur des sujets spécifiques. Donc, au bout du compte, être capable de faire des films est une forme de développement personnel.
Et, dans le meilleur des cas, je peux transmettre au spectateur ce que j’ai appris.
Travaillez-vous déjà sur un autre film ?
Oui, en ce moment, je suis très concentrée sur notre monde et la nécessité d’arrêter le changement climatique si nous voulons continuer à exister ici.
Diriez-vous que vous êtes une cinéaste engagée ?
Oui !
« Luchadoras » a reçu le prix ’spécial’ du documentaire illustrant le rôle du sport comme outil contribuant à une société plus juste, éthique et inclusive, aux Sportel Awards 2021 de Monaco, en partenariat avec l’ONG Peace and Sport.
Le 26 juin, le Triathlon de Paris fait son grand retour. Accessible à toutes et tous, les inscrits vont pouvoir mélanger sport et visite de la capitale. Ou comment allier l’utile à l’agréable. Allez, zou, enfilez la combi !
Tessa Worley par-çi, Tessa Worley par-là… Alors que les Championnats du monde de ski alpin à Courchevel et Méribel battent leur plein, on parle de « Tess » encore et encore, l’une des favorites françaises de la compet’. Mais alors, comment s’est construite la si belle réputation de cette étoile bleue ? Une petite idée en 5 infos…
Première femme à arbitrer un match de Ligue des champions masculine, le 2 décembre dernier, la voilà désormais entrée dans les annales du foot. À 36 ans, la Frappart frappe les esprits et poursuit sur sa lancée, celle d’une pionnière dans le monde de l’arbitrage. Décryptage d’une carrière sans faute.
Le terrain du sport féminin, Émeline Dodard le connaît bien depuis qu’elle s’est jetée dans l’aventure du football américain. Passionnée par ce jeu tactique, elle met son esprit d’ingénieure au service de son poste d’attaquante. Et donne de la voix pour le médiatiser. Témoignage d’une fille aussi audacieuse que coriace.
C’était en 2001. Il y a vingt ans, Jutta Kleinschmidt mettait « à mâle » les sports mécaniques en inscrivant son nom au palmarès du Paris-Dakar. Première femme à remporter le plus célèbre des rallyes-raids du monde, elle continue, depuis, à militer pour la cause des femmes dans un domaine très masculin. Portrait d’une pionnière qui en a sous le capot.
Gravissant la rude paroi du monde de l’escalade avec l’agilité prudente et conquérante d’une Spiderwoman, Julia Chanourdie, 24 ans, vient d’entrer dans l’histoire de son sport en devenant la première grimpeuse française et la troisième mondiale à réussir une voie cotée 9b. Un exploit réalisé de main de maître. Athlète au sommet de son art, elle représentera la France aux JO de Tokyo. Conversation ascensionnelle avec une fille au mental de roc.
Deux ans et demi à courir, plus de vingt-huit-mille kilomètres avalés sur quatre continents traversés. Marie Leautey a tout quitté pour vivre son rêve : expérimenter le monde comme seules six personnes avaient osé le faire avant elle. Une aventure unique qu’elle a voulu dédier aux femmes, mais aussi à celles qui souffrent en récoltant des fonds pour l’organisation humanitaire « Women for women ». Rencontre au pas de course.
« On ne peut contribuer à l’émancipation des femmes si on n’écoute pas leurs histoires », disait la féministe américaine Gloria Steinem. Depuis 9 mois maintenant, ÀBLOCK! invite les sportives à se raconter. Au-delà du sport et de ses performances, nous entrons dans leur univers très privé, cet univers fait de dépassement de soi qui leur permet de s’imposer, de se réaliser dans toutes les sphères de leur vie. En 2020, ÀBLOCK! a mis en lumière des femmes d’exception qui ont fait du sport un acte de militantisme, même si ce n’est, le plus souvent, ni conscient ni voulu. Et ce n’est qu’un début. Lisons-les, écoutons-les, ces confidences sont sources d’inspiration : leur force, leurs réussites, leur joie à aller toujours plus loin, mais aussi leurs doutes, leurs échecs sont une leçon de vie autant que de sport. Et 2021 sera encore une année riche de rencontres. Mais, pour l’instant, pour encore quelques heures, retrouvons celles qui ont illuminé 2020 à nos côtés !
Elle est la langue officielle des Jeux Olympiques. Plusieurs langues sont utilisées lors des compétitions internationales et, pourtant, c’est le français qui est privilégié depuis la création des Jeux modernes…
Sur les terrains, au début des années 2000, la joueuse de tennis russe a rapidement marqué les esprits par sa détermination acharnée et son talent affirmé. Dotée d’un tempérament de feu, avec la raquette ou en entreprenariat, Maria Sharapova a conquis les courts et les cœurs. Malgré les soupçons de dopage, même après sa retraite sportive. Retour en 5 infos sur une icône qui a porté haut les couleurs de son pays.
C’est l’athlétisme qui l’a choisie et non l’inverse. Emeline Delanis s’est mise à courir parce qu’elle était douée. Tout simplement. La jeune Francilienne, 24 ans, est rapidement montée en puissance… et en distance. Passée du 800 mètres au 10 000 mètres avec succès, double championne de France espoir 3000m steeple et 5000m en 2017, 3e aux Championnats de France élite l’an dernier, elle ne compte pas s’arrêter là et lorgne désormais du côté de la course sur route, mais aussi du marathon avec, dans un coin de sa tête, les Jeux Olympiques. Rencontre avec une fille endurante !
En avril dernier, le Think Tank « VersLeHaut » publiait une étude sur « Le sport terrain d’éducation » visant à mieux exploiter les pratiques sportives dans le domaine éducatif, à l’école et en dehors. Alors, qu’en est-il des jeunes filles, sont-elles suffisamment prises en compte sur les terrains ? Le rapporteur de l’étude, David Blough, a planché sur le sujet.