Nelly Viennot « Même si les mentalités évoluent, on continue de dire une femme-arbitre et non pas une arbitre. »
Elle a été la première femme à arbitrer un match de D1 masculine en France. Nelly Viennot est de celles qui ont ouvert la voie et pavé les chemins. Sa carrière terminée, elle continue d'œuvrer, bénévolement, auprès des jeunes filles pour assurer la relève.
Par Sophie Danger
Publié le 10 novembre 2022 à 11h43
Nelly, vous êtes la première femme de l’histoire du football français à avoir officié lors d’une rencontre de D1 masculine. Cet amour pour le football, il n’est pas né sur le terrain mais à la télévision, grâce à une équipe, Saint-Etienne…
Oui, ça aété un déclic. Il faut dire que le football était, à l’époque, le seul sport que l’on pouvait regarder à la télévision et en famille. Mon pèreétait un mordu de foot. C’était des moments passionnants partagés avec lui, mes oncles et mes deux frères.
Comment êtes-vous passé des écrans de télévision aux terrains ?
Moi, à l’époque, je faisais du handball. J’ai découvert le sport en rentrant au collège et ça aétéma première discipline.
En ce qui concerne le football, il y avait une équipe qui se créait dans les environs et l’une de mes cousines m’a proposé de venir jouer un match. Et j’ai tout de suite aimé ça.
Pendant longtemps, j’ai pratiqué et le hand et le football parce que je n’arrivais pas à choisir entre les deux. Au tout début néanmoins, le football était plutôt un sport que je pratiquais l’été, lorsque la saison de hand était terminée.
C’est pour cela qu’avec une partie de mes copines, nous avons décidé de créer une équipe à Condé-sur-Noireau… pour occuper nos étés.
Comment a été reçue cette idée de créer votre propre équipe ?
Nous avons pu le faire grâce à nos parents qui nous ont suivies et qui nous ont embarquées dans l’aventure.
Parmi eux, il y avait un papa qui appartenait à un club et c’est comme cela que nous avons pu bénéficier de structures. Pour le reste, les gens pensaient que nous ne faisions ça que pour nous amuser et que nous n’allions pas réussir.
Peu à peu, comme nous gagnions souvent les tournois, on nous a proposé de former une équipe à onze, puis un club. Nous, nous étions des compétitrices, nous avions envie de gagner.
Vous étiez gardienne à Condé-sur-Noireau et, avec vos équipières, vous allez grimper les échelons jusqu’à être sacrées championnes de France à l’issue de la saison D2 en 1982-83, quatorze ans tout juste après la création du club. Qu’est-ce que vous gardez de ces années ?
Nous étions réputées pour être une équipe physique mais aussi technique. Le président du club avait recruté des joueuses qui évoluaient au Stade Malherbe de Caen et à Fécamp pour densifier l’effectif et nous permettre de gravir les échelons.
Ce titre de championnes de France de deuxième division a été pour moi, pour nous, une grande fête, une grande joie. Condé-sur-Noireau est un petit bourg et nous avions ramené quelque chose à la ville.
C’était aussi un aboutissement au regard de tout le travail que nous avions pu fournir.
De votre parcours de joueuse, reste une frustration, celle de ne pas avoir pu intégrer l’équipe de France en raison de votre petite taille (1,52m, Ndlr).
Aujourd’hui, je dis merci aux sélectionneurs de ne jamais m’avoir prise en équipe de France car je n’aurais peut-être pas vécu tout ce que j’ai vécu avec l’arbitrage.
Ceci étant, j’aurais malgré tout aimé porter le maillot de l’équipe de France rien que pour mes parents. C’est le sélectionneur lui-même qui, en venant à Condé-sur-Noireau, a dit à mon père, sans savoir qui il était, que je ne serais pas retenue en raison de ma taille.
À force de me voir travailler, travailler – je m’entraînais huit heures par semaine -, il a finalement craqué et m’a expliqué que, quoi que je fasse, je n’irais jamais en équipe de France.
Ça aétédur à digérer car, lorsque l’on est compétitrice, on veut toujours gagner, aller plus haut mais là, je ne pouvais pas tricher sur ma taille.
Est-ce pour cela qu’en 1987, vous décidez de mettre un terme à votre parcours de joueuse ? Vous dites alors être arrivée à saturation du jeu. Est-ce que cela signifie que vous n’aviez plus le goût du football ?
Il est vrai que, comme je savais que je ne serais jamais internationale, le ressort s’est un peu cassé.
À ce moment-là, j’avais changé d’équipe pour voir autre chose mais je n’ai pas trouvé ce que je cherchais. Je savais que je pouvais encore apporter quelque chose à mon club mais je me suis rendu compte que j’avais fait le tour.
Malgré tout, vous n’êtes pas prête à renoncer au football. Vous allez bifurquer vers l’arbitrage pour éviter au club de payer une amende. Ça s’est finalement imposé à vous ?
Oui, ça s’est imposé à moi. J’ai passéle diplôme d’animatrice et d’initiatrice de football et le diplôme d’arbitrage.
Nous n’avions pas beaucoup de ressources, nous étions toutes étudiantes et nous avons fait ça avec d’autres copines, pour éviter que nos parents n’aientà payer des amendes.
Au tout début, je jouais et je faisais, en parallèle, le nombre de matches requis pour éviter ces amendes mais, au départ, lorsque j’ai passé l’examen d’arbitrage, je n’avais aucune ambition dans ce domaine.
Vous vous souvenez de votre premier match en qualité d’arbitre ?
C’était un match de minimes à Villers-Bocage mais je ne me souviens plus de l’affiche. La seule chose dont je me rappelle c’est que, lorsque je suis arrivée au stade, on m’a dit que ce n’était pas possible que je sois là car sur ce genre de rencontre, il n’y avait jamais d’arbitres.
Je me suis posée des questions, j’avais en effet une convocation. C’était un peu la panique mais j’ai finalement réussi à arbitrer.
Oui, à l’époque il y avait peu d’équipes féminines. Lorsque l’on commence, on commence en général chez les garçons. Il y a d’abord les minimes, les cadets et les juniors.
Moi, j’ai débuté comme arbitre de district et j’ai passél’examen d’arbitre de Ligue parce que j’aiété repérée très vite. Le président de la Ligue de Normandie a cru en moi, les observateurs venus me voir aussi et tout s’est enchaîné.
Ce soutien hiérarchique a été important pour vous qui évoluiez souvent au sein d’un corps arbitral presque toujours masculin ?
Oui, ça donne confiance. En tant que femme, il faut toujours en faire un peu plus car on a moins le droit à l’erreur et ça, on le ressent.
Malgré tout, j’avais l’avantage d’être connue en tant que joueuse dans la région et ça m’a beaucoup, beaucoup aidée. J’étais joueuse de haut niveau et on me respectait.
Les joueurs savaient que j’avais des connaissances en tant que footballeuse, ce qui fait que j’étais perçue de manière différente. Il y a pu, parfois, avoir des remarques de spectateurs mais de joueurs, non, jamais. J’ai toujours eu de très bonnes relations avec eux.
Le fait d’avoir joué m’a aussi permis, je pense, de mieux comprendre leurs réactions, il y a une sensibilité que l’on n’a pas lorsque l’on n’a jamais joué.
Petit à petit, vous allez gravir les échelons et, en 1995, vous vous retrouvez au sifflet pour un rendez-vous international de football féminin.
À 95 %, ma carrière s’est faite chez les garçons car il n’y avait pas toutes ces compétitions féminines à l’époque.
En 1996, lorsque je fais les Jeux Olympiques, c’est la première fois qu’il y a du football féminin aux Jeux. En janvier 1995, la FIFA a créé son premier corps d’arbitres internationales féminin.
Je suis dans la liste et c’est comme cela que je suis amenée à faire ma première sortie au Danemark, pour Danemark-Roumanie, un match féminin.
Est-ce que c’est différent d’arbitrer un match féminin ?
Tout est différent entre un match féminin et un match masculin : la vitesse de jeu, les fautes… ce qui n’empêche pas que l’on doit aborder les deux types de rencontres de la même façon, avec le même sérieux.
Ce qui change néanmoins, c’est davantage le comportement de certaines personnes qui pensent qu’arbitrer des femmes, ce n’est pas valorisant mais, pour moi, un match est un match.
L’année suivante, en 1996, vous allez franchir deux nouveaux caps. Le premier a lieu en avril, le 23, vous êtes désignée pour officier sur la touche à l’occasion de PSG-Martigues, un match de D1 masculine qui se déroule au Parc des Princes. Cette désignation, c’est un journaliste qui vous l’a apprise.
C’est tout à fait ça. C’est un journaliste de l’AFP qui s’est présenté et m’a demandé ce que je pensais de ma désignation. Je lui ai répondu qu’il faisait erreur.
Puis il y a eu un deuxième journaliste, un troisième… Alors, je me suis décidée à appeler Michel Vautrot à la Fédération (Directeur technique national de l’arbitragefrançais, Ndlr) pour comprendre ce qui se passait et il me l’a confirmé en me disant : « Ils ont été beaucoup plus vite que nous ! ».
Comment avez-vous réagi à l’idée de devenir la première femme de l’histoire du football français à arbitrer un match de D1 masculine ?
C’était surprenant, très surprenant, je n’y croyais pas. Pour moi, ce n’était pas possible, je n’étais pas encore arbitre de la Fédération, j’étais internationale mais je n’avais fait que du national et quelques matches de Ligue 2.
Sur le moment, je ne réalisais pas. Même quand Michel Vautrot me l’a confirmé, j’ai eu du mal à réaliser. Pour moi, je ne pouvais pas faire ce match car je n’avais pas le titre.
Est-ce que vous savez pourquoi on vous a choisi vous ?
Michel Vautrot me l’a expliqué. Il m’a dit que, comme j’avais été désignée pour les Jeux Olympiques d’Atlanta et que, aux États-Unis, le football féminin était professionnel, j’allais me retrouver dans des stades avec 30-40 000 spectateurs.
Ils avaient donc décidé de me donner l’occasion de vivre ces moments-là en France en Ligue 1. Ceci étant, ils ne savaient pas alors que Paris jouerait le titre et Martigues le maintien.
La pression, et notamment la pression médiatique, a été énorme. Vous n’avez jamais eu de craintes ?
C’était tellement soudain ! Pendant un mois, les médias n’ont pas cessé de venir à la maison pour faire des reportages. La pression, c’est eux qui me l’ont mise.
Le jour de la rencontre, je suis arrivée pour faire mon match tout en ayant conscience que je n’avais pas le droit à l’erreur,à la fois pour l’arbitrage féminin mais aussi pour tous ceux, comme Michel Vautrot, qui m’avaient fait confiance. Eux aussi ont eu la pression car beaucoup de présidents de club ne voulaient pas de femmes à ce niveau-là.
Tout cela, je l’ai su après même si, la veille du match, Europe 1 m’a appelée pour me demander ce que ça me faisait de ne plus être sur le match. J’étais aussi surprise que pour ma désignation car personne ne m’avait dit une telle chose.
J’ai abordé cette rencontre en sachant qu’il ne fallait pas que je me rate, mais qu’il est aussi important que je ne me mette pas la pression.
C’est difficile de ne pas avoir la pression lorsque l’enjeu est à la fois d’une importance capitale pour soi mais aussi pour celles qui, à votre suite, pourraient être amenées à vous emboîter le pas .
Oui, mais j’avais déjà été un mois sous pression avec les médias ! Et puis, j’avais deux supers arbitres à mes côtés, Gilles Chéron et Dominique Guillon, qui m’ont fait confiance. Il y avait aussi Joël Quiniou qui était l’observateur pour le match. Aucun d’eux ne m’a mis la pression.
La seule chose qui est certaine, en revanche, c’est que les cinq dernières minutes de cette rencontre ont été, et sont toujours, les cinq dernières minutes les plus longues de ma carrière. J’avais l’impression de ne pas avoir commis d’erreurs mais je n’avaisqu’une hâte, c’est que Gilles, au centre du terrain, siffle la fin de la rencontre.
Exceptionnellement, pour vous préserver, l’échauffement a lieu à l’intérieur pour ne pas vous lâcher, d’emblée, dans l’arène. À 20h, vous êtes entrée sur la pelouse, quel accueil avez-vous reçu ?
Nous avons été super bien reçus, j’ai eu des cadeaux de bienvenue, c’était très bizarre. Lorsque nous sommes rentrés sur le terrain, j’ai eu un peu plus la pression lorsque j’ai vu qu’il y avait trois rangées de photographes à la sortie du tunnel.
Je me disais : « Mais ce n’est pas possible, ce n’estqu’un match de foot ! » Et puis, Bernard Lama, qui était capitaine du PSG, a demandé à Gilles Chéron, au moment du tirage au sort, de ne pas me mettre de tel côté parce qu’il y avait le kop parisien qui pouvait être virulent.
Moi, j’étais assistante numéro 2, à l’opposé des bancs, et finalement, tout s’est super bien passé, je n’ai aucun mauvais souvenir des spectateurs dans le stade.
Comment ça s’est passé après ? Vous êtes rentrée chez vous et vous avez dormi pendant une semaine pour évacuer tout ce stress ?
C’était fait, c’était passé et tout le monde était satisfait. Luis Fernandez était d’ailleurs venu me voir à la fin du match, il était trèscontent. Il n’y avait pas eu d’erreur d’arbitrage et c’était le principal.
Tous ces moments sont des moments que je ne peux pas oublier parce qu’ils sont importants dans ma carrière. Réussir son premier match est toujours un point positif.
Après, moi j’étais heureuse de retrouver mon mari, ma famille, ma petite vie. C’était un super moment, je ne savais pas qu’il y allait en avoir d’autres et j’ai savouré.
La même année, il y a également ces fameux JO à Atlanta. Vous êtes la seule arbitre française, hommes et femmes confondus, à être retenue pour arbitrer des matches du tournoi olympique. C’était beaucoup d’évènements de taille pour une seule saison ou vous étiez ravie, là encore, de vivre un moment marquant ?
Je compare tout le temps mon histoire à un nuage qui vogue dans le ciel. J’ai toujours eu la chance de naviguer dessus jusqu’à arrêter ma carrière à 45 ans, comme c’était prévu à l’époque, le tout sans vraiment d’encombres et en vivant des moments exceptionnels.
Les Jeux Olympiques, à la base, c’était inespéré. Ce sont des moments grandioses durant lesquels on rencontre des gens de culture, de religion différentes, c’est extraordinaire.
J’ai eu la chance de rencontrer Claude Simonet qui était là-bas avec l’équipe de France espoirs, j’ai eu la chance d’arbitrer avec Pierluigi Collina, le plus grand des arbitres.
C’était aussi la première fois que des femmes arbitraient des matches d’hommes aux Jeux et ça aussi, c’était quelque chose d’incroyable.
Même si le football n’a pas la même importance aux Jeux Olympiques que lors d’autres compétitions, pour nous, arbitres, ça reste exceptionnel.
Vous avez pu rencontrer, là-bas, d’autres femmes arbitres. Vous n’étiez, pour une fois, plus seule ou presque, c’était une satisfaction également ?
Oui, il y avait la barrière de la langue car, à l’époque, l’anglais n’était pas encore obligatoire mais on arrivait toujours à échanger entre nous.
Je me souviens de mon premier match avec une Mexicaine et une Brésilienne, on se comprenait avec les mains, avec des dessins et on a réussi à faire notre match et à communiquer.
Ça aété cinq semaines intenses de découverte et de super moments car j’ai aussi eu la chance, durant ces Jeux, d’arbitrer la finale.
Finalement, ce qui relevait de l’exceptionnel va devenir la norme, vous avez arbitré 187 rencontres de Ligue 1 et environ 80 matches européens – Ligue des champions et Ligue Europa – deux Jeux Olympiques, une Coupe du monde féminine… Est-ce que la surprise de voir une femme au sifflet a, à un moment, disparu ?
Malheureusement, non. On dit toujours une arbitre-femme et non pas une arbitre. C’est dommage et c’est toujours d’actualitémême si çaévolue.
Je suis hyper contente, par exemple, de voir six filles partir à la Coupe du monde au Qatar. Moi, je n’ai pas pu le faire en 2006. Ce qui se passe à présent, c’est qu’à la FIFA, il y a Pierluigi Collina. C’est lui qui dirige l’arbitrage et l’arbitrage féminin, il connaissait déjà.
À l’UEFA c’est pareil avec Roberto Rosetti avec qui il m’est arrivé d’arbitrer dans des compétitions. Ce sont d’autres mentalités car ce sont des hommes qui ont déjà vécu avec l’arbitrage féminin.
Il vous est arrivé, en France, d’arbitrer avec une femme ? Ou pas du tout ? Je crois qu’à l’époque, vous étiez trois avec Corinne Lagrange et Florence Guyot.
J’aiarbitré une fois avec Corinne Lagrange et EricPoulat sur un match à Sochaux, je crois. C’est arrivé làet c’est tout.
Vous vous attendiez à ce que ce soit si long de féminiser le corps arbitral, notamment à haut niveau ?
C’est compliqué car la base est tellement pauvre ! Dans les districts, dans les Ligues, il n’y a pas beaucoup de jeunes femmes qui arrivent. Là, ça change, on voit une augmentation du nombre de candidates mais on a pris beaucoup de retard.
Durant les années pendant lesquelles j’officiais, la DTA n’a peut-être pas assez travaillé, on s’est contenté d’avoir trois arbitres assistantes au plus haut niveau.
Il y a néanmoins beaucoup de femmes qui ont essayé de devenir arbitres fédérales, il ne faut pas oublier Sabine Bonin, par exemple, qui a été F4 et a même fait un match de Ligue 2. Il y a Séverine Zinck, qui a étéla première arbitre au niveau national, Florence Dorigny qui, lorsque j’étais assistante, était la seule arbitre de la fédération.
Il y avait du monde, mais pas assez.
Votre carrière, vous l’avait dit, s’est déroulée sans encombre, ou presque. En décembre 2000, lors d’un Strasbourg-Metz, vous êtes victime d’un jet de pétard, votre tympan est touché. Vous vous êtes interrogée sur le fait de savoir si cela vous est arrivé parce que vous étiez une femme ?
Pour moi, c’est l’arbitre qui a été touché. Avant le pétard, il y a eu d’autres projectiles lancés vers moi et, à chaque fois, après des décisions prises contre Strasbourg.
Pour moi, ce n’est pas la femme qui était visée mais l’arbitre parce que je sanctionnais les Strasbourgeois.
Patrick Proisy, le président du Racing à l’époque, avait dit que le scénario aurait été tout autre si un homme avait été à votre place car lui ne serait pas tombé. Ce genre de remarques ne vous a jamais fait baisser les bras ?
C’est vrai que, lors de la commission de discipline, il est venu avec un tout petit pétard – qui n’a rien à faire dans un stade quoi qu’il arrive – et qu’il a tenu ces propos.
Mais, homme ou femme, ce qui s’est passé c’est que mon oreille a été touchée. Toutes les commissions qui ont suivi ont été hyper dures à gérer parce que le président de Strasbourg œuvrait pour son club et n’acceptait pas le fait que je sois blessée. Mais l’équipe avec laquelle j’arbitrais – EricPoulat et Daniel Béquignat – était là pour me soutenir.
J’ai failli arrêter, mais pas après ce match. Lorsque j’ai repris, en janvier-février, à l’occasion d’un match Bordeaux-Marseille, il y a eu là aussi un pétard. Il ne me visait pas du tout mais il a éclaté dans la fosse. J’ai eu hyper peur et après, j’ai fait n’importe quoi.
À la fin de la rencontre, je me suis dit que c’était fini. J’avais deux petites filles à la maison, je ne voulais pas être de nouveau blessée, j’attendais autre chose du football.
J’aiétéarrêtée un mois de plus car je ne me sentais pas capable de revenir sur un terrain.
Où avez-vous trouvé la force de revenir ?
Il y a eu beaucoup d’appuis, d’aide de la part d’Eric et de Daniel mais aussi de personnes que je ne connaissais pas. J’aireçu des courriers, des cartes, Michel Hidalgo m’a également envoyé un message pour que je revienne.
De mon côté, j’ai pris le temps d’autant plus qu’après le match de Strasbourg, un garçon qui était en CP, dans la classe de ma fille aînée, lui avait dit que j’étais morte. Mon mari avait eu beau lui dire que c’était faux, je n’étais pas là le matin avant qu’elle aille à l’école. Je ne voulais pas qu’elle revive ce genre de situation.
Finir la saison a été compliqué mais le fait de repartir sur un tournoi de jeunes m’a redonné l’envie. Pour moi, c’était ça le football, le côté amateur. Je me suis relancée comme ça et, là, je ne sais pas pourquoi, mais je savais que lors de la saison qui s’annonçait, rien ne pourrait plus m’arriver.
Ce parcours dans l’arbitrage, il vous surprend toujours ?
J’ai toujours dit – et je le dis aux jeunes arbitres que je forme actuellement : « On nous donne une chance, il faut foncer, tout faire pour y arriver et une fois arrivé, continuer à travailler pour pouvoir garder ce niveau, voire pour aller plus haut. »
Je me suis toujours reposée sur ce principe. Je n’ai pas eu la chance de porter le maillot de l’équipe de France mais on m’a donné une autre chance dans l’arbitrage et j’ai croqué à fond, j’ai tout donné.
Le seul regret c’est de ne pas avoir participé à la Coupe du monde de 2006. Vous êtes alors la seule femme parmi les 82 candidats retenus et vous allez finalement êtrerecalée au test de sprint pour… un dixième de seconde.
Ce qui s’est passé, c’estqu’en juin, nous sommes convoqués pour un tournoi espoirs aux Pays-Bas. Les tests physiques viennent de changer, j’ai 44 ans et je ne suis pas prête à 100 %.
J’échoue au 150 mètres, une nouvelle épreuve, et toute l’équipe a dû rentrer sans pouvoir faire la compétition. Ça m’a beaucoup marquée et, aujourd’hui encore, je m’en veux.
Pour que ça ne se reproduise pas, j’ai pris un préparateur physique. Je repasse les tests en septembre et je les réussis haut la main. En janvier, nous sommes désignés pour un match Egypte-Libye or la fédération égyptienne ne veut pas de femme.
Par la suite, d’autres tests sont au programme. Ils devaient avoir lieu fin mai mais ils sont finalement avancés à début avril et les temps ne sont plus les mêmes : avant, il fallait faire 6×40 mètres en 6’’2, là c’est en 6’’0.
Pressée par les échéances, je n’ai pas eu le temps de mettre en place tout ce que mon préparateur physique avait prévu. À l’issue du 6×40, je suis à 6’’1 et pas 6’’00, j’échoue pour un dixième de seconde.
Plus tard, je suis allée voir le préparateur physique de la FIFA, un très bon ami, pour lui demander pourquoi les temps de sélection avaient étémodifiés en cours de compétition et la seule chose qu’il a su me dire c’est : « On savait que tu allais échouer ». C’estça l’histoire.
On peut l’interpréter comme on veut, mais je pense simplement que certains pays n’étaient pas prêts pour l’arbitrage féminin et c’est pour cela que ça me fait plaisir que là, au Qatar, il y ait ces femmes. Ça veut dire que les mentalités ont vraiment évolué.
Ce rendez-vous manqué mis à part, vous retenez quoi de ce parcours d’arbitre et de pionnière ?
Je pense, modestement, que ce que je retiens avant tout, c’est le fait d’avoir réussi à ouvrir, du moins d’avoir réussi à entrouvrir, des portes qui étaient fermées. D’autres femmes dans d’autres pays l’ont fait aussi comme là, à la CAF.
Voir une arbitre au centre lors d’un rendez-vous comme celui-ci, qui aurait pu imaginer cela il y a quelques années ? Avoir entrouvert des portes qui s’ouvrentcomplètement maintenant, c’est déjàpas mal !
Vous n’officiez plus sur les terrains officiels mais vous continuez à œuvrer pour l’arbitrage féminin en formant les futures recrues. Arrêter complètement le football vous était impossible ?
Oui, arrêter complètement n’était pas possible. L’arbitrage m’a beaucoup apporté, m’a beaucoup appris. C’est vraiment une école de la vie. Ça m’a permis de bien me cadrer, d’être à l’écoute aussi, on apprend beaucoup en étant à l’écoute.
Toute la force que ça m’a apporté, j’essaie de la transmettre aux jeunes filles qui arrivent maintenant. C’est compliqué parce qu’on est dans une génération qui pense qu’en claquant des doigts, on va tout avoir. Elles ont du mal à comprendrequ’il faut travailler la théorie, le physique, pour arriver à un certain niveau.
Je me bats pour leur faire comprendre ça, leur montrer qu’il y a tellement de belles choses à faire dans ce domaine même si l’on n’est pas reconnues.
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