Mathilde Mignier : « Ce que j'apprends à mes élèves résonne avec mon parcours de championne... »Métier : professeure d’EPS et championne de savate boxe française

Mathilde Mignier
Pour elle, le sport c’est comme un jeu, mais un jeu sérieux. Montée sur un ring très jeune, rien ne peut mettre cette fille K.O. Triple championne du monde de savate boxe française, multi championne de France et d’Europe, Mathilde Mignier est aussi prof d’EPS. Une double vie sportive, en solo et avec ses élèves, toujours tournée vers le sport plaisir, passion et… progression !

Propos recueillis par Claire Bonnot

Publié le 21 janvier 2021 à 10h29, mis à jour le 09 janvier 2024 à 20h22

  • 10 métiers du sport, 10 femmes, 10 témoignages. À l’occasion de l’opération « Sport Féminin Toujours » lancée par le ministère des sports et le CSA, ÀBLOCK! s’associe à Femix’Sports, l’association pour la promotion du sport au féminin. Ensemble, nous avons choisi de mettre en lumière les métiers de la sphère sportive, ces métiers à féminiser d’urgence pour davantage d’équité et d’équilibre dans cet univers encore trop masculin. Place aujourd’hui à Mathilde, prof d’EPS.

 

« Le sport, je l’ai dans la peau depuis toute petite ! Mes parents ont toujours insisté pour que j’ai une activité sportive et une activité culturelle. Je changeais de sport régulièrement, j’en ai essayé beaucoup… Alors, pourquoi avoir choisi la boxe française ? Ça s’est fait un peu par hasard. J’ai poussé la porte d’un cours quand j’avais 12/13 ans, j’ai tout de suite accroché et jamais lâché !

Ça peut paraître violent comme sport quand on est enfant, mais j’ai fait du handball et c’est bien plus violent que la boxe ! En fait, il y a deux disciplines : l’assaut et le combat. Quand on est jeune, on ne pratique que l’assaut où il y a du contact, mais sans puissance. C’est à dire que les coups ne sont pas suffisamment efficaces pour mettre en danger l’intégrité de l’adversaire. Donc, c’est plus soft !

Dans la savate boxe française, j’aime le fait qu’on s’amuse tout de suite. C’est un jeu où l’on doit toucher et ne pas être touché ! Je suis aussi certainement tombée sur les bonnes personnes, les bons enseignants, qui m’ont permis d’apprécier ce sport. Et ça, c’est fondamental : si j’étais rentrée dans un autre club, j’aurais peut-être moins adhéré à la boxe française.

©DR

J’ai fait peu de compétitions jusqu’à l’âge de 18 ans : mon club était en Ariège, c’était loin pour les déplacements et je n’étais pas focus sur ce sport, j’en pratiquais encore d’autres à côté comme le handball. J’étais au lycée à l’époque, en option sport donc je faisais un peu de tout. Et c’est vraiment lors de ma deuxième année en tant que cadette que ma voie se confirme lorsque je remporte le titre de vice-championne de France.

Quand je suis rentrée à la fac en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives, ndlr) après mon bac, je suis restée licenciée dans mon club en Ariège – et c’est toujours le cas d’ailleurs ! – mais je suis allée dans un club « ami » pour pouvoir m’investir de plus en plus, jusqu’en 2010 où j’ai intégré le Pôle France de Toulouse. Ça a été un tremplin fabuleux pour moi, c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à collectionner de bons résultats.

Parmi ces résultats, je retiens mon premier titre de championne de France assaut en 2013. J’avais été plusieurs fois vice-championne de France, mais, autant la première fois ça fait plaisir, autant au bout de six fois on a envie de monter sur la première marche du podium ! Et je retiens aussi mon premier titre en combat car il y a plus ou moins une hiérarchie culturelle entre les deux disciplines. Donc, arriver à gagner aussi en combat a été une grande fierté pour moi ! Quant aux titres internationaux, ils ont tous une saveur particulière pour moi.

©DR

C’est en parallèle de ma carrière sportive que j’ai construit mon projet professionnel. Il m’a menée au métier de professeure d’EPS. Je ne peux pas vraiment dire que ça a été un déclic. La boxe française n’étant pas un sport professionnel, je ne pouvais pas en vivre, il fallait que je poursuivre mes études. Je savais, bien sûr, que je voulais rester dans le milieu sportif.

À 17 ans, quand je suis arrivée à Toulouse en Pôle France, j’ai poursuivi mes études en passant un master 2 spécialité EEPS (Enseignement de l’Éducation Physique et Sportive, ndlr) en même temps que le concours de prof d’EPS. J’ai donc validé mon master 2 et le Capeps en 2011 et, l’année suivante, je devenais prof d’EPS à temps plein.

 Pour devenir professeur d’EPS, il faut réussir le concours. Même s’il a évolué, ça se passe en deux étapes écrites et orales, avec des examens physiques. Ça demande d’être bon dans une multitude d’activités, avec une sélection drastique à la fin. Ce n’est pas simple, mais ça vaut vraiment le coup !

Pour s’engager dans cette voie, je dirais qu’il faut avoir des qualités d’adaptation maximale ! On travaille avec des enfants ou des adolescents, on sait qu’il y aura des situations à gérer. Tout bêtement, par exemple, s’ils arrivent épuisés en cours, il faut être capable de trouver comment les motiver car l’idée est vraiment de les faire progresser dans la pratique. Pour moi, c’est un échec si l’élève ne s’améliore pas. Autrement dit, il faut être capable de « motiver les foules » : ça passe par l’aspect ludique du sport, en leur proposant un travail de groupe, en équipe. Ils s’encouragent, se mobilisent, se motivent ! Enfin, je dirais : la rigueur, le sérieux. À l’image de mon parcours sportif, en fait !

Comme j’avais – et j’ai encore – le statut de sportive de haut niveau, j’ai une affectation à titre provisoire, renouvelable tous les ans en fonction de mes résultats sportifs. Elle me permet de rester enseigner à Toulouse qui est aussi mon centre d’entraînement. Si les résultats sportifs ne sont plus là, j’entrerai à nouveau dans le mouvement de mutation national…

Ça booste, l’objectif étant de rester sur le double projet sportif et professionnel.

©DR

Mon organisation est vraiment minutée, ce n’est pas tous les jours facile : j’ai deux entraînements par jour au Pôle, le matin et le soir, et, en journée, je suis avec les élèves. Mais, tant qu’il y a plus de plaisir que de contraintes, je continue !

En étant professeure d’EPS, je touche à plein d’activités sportives, j’aime rester au cœur du sport ! Ce métier était le plus adapté pour moi. J’aime vraiment aider les gens aussi, les voir progresser, il correspondait à ce que je cherchais. Pour autant, jamais je n’aurais vraiment imaginé faire cette carrière-là, même si je voulais un job lié au sport.

Au quotidien, j’essaye d’insuffler le goût de l’effort à mes élèves et je leur dis que le travail finit toujours par payer, même si ce n’est pas forcément dans l’instant. Dans tous les cas, ce n’est jamais quelque chose de perdu et, à un moment donné, on s’en servira ! Ça résonne avec mon parcours sportif, je n’étais pas prédestinée à être championne et j’ai certainement travaillé beaucoup plus que d’autres pour en arriver là ! J’essaye quand même de ne pas trop parler de ma carrière sportive aux élèves, ce qui ne les empêche pas d’aller chercher tout ça sur internet… Parce que je veux qu’ils apprennent à respecter la personne que je suis et non la championne que je suis.

Après, au sein de chaque établissement dans lequel j’enseigne, j’essaye systématiquement de proposer des cours de boxe française dans l’association sportive tenue par les profs d’EPS et qui se fait sur le temps périscolaire.

©DR

Ce que je trouve génial dans ce métier, c’est cette nécessité de se remettre en question parce qu’on travaille sur l’humain. Il faut tout le temps être prêt à modifier son fonctionnement. On discute beaucoup entre collègues, on est très soudés entre professeurs d’EPS. C’est très enrichissant. Ensuite, c’est vraiment extra de voir l’évolution des jeunes sur l’année, voire plusieurs années ! De voir qu’on leur apporte vraiment quelque chose au quotidien. L’EPS offre un réel moment pour s’exprimer différemment.

 Il y a quatre ou cinq ans, j’enseignais dans un collège où on a réussi à faire les Championnats de France UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire, ndlr) avec une équipe en boxe française. Quel souvenir ! De voir les élèves dans un autre contexte, c’était super sympa, et ça a créé une émulation au sein de cette équipe, émulation qu’ils ont toujours gardé. En revenant au collège après avoir participé à un tel événement, ils avaient confiance en eux. C’est merveilleux ce que le sport peut faire !

Dans l’enseignement de l’EPS, il n’y a aucune différence homme-femme, mais sur le terrain des élèves, c’est autre chose. En collège, la différence est moins marquée qu’en lycée où, à ce stade, il y a des différences physiques entre les garçons et les filles. Après, il reste des barrières culturelles avec des sports catégorisés « de garçons » et « de filles » : ce n’est pas toujours facile d’arriver à casser ces stéréotypes.

Finalement, on arrive toujours à faire des cycles danse avec les garçons, mais on est obligés de se battre avec ces clichés au quotidien : le foot et le rugby ce n’est pas pour les filles… ce genre de choses ! Même la boxe d’ailleurs… Mais je suis l’exemple parfait qui démontre que ce n’est pas parce qu’un sport est dit « de garçon » qu’on ne peut pas y réussir en tant que femme.

Dans le cadre de l’association sportive de boxe, je diffuse aux élèves des vidéos de combats afin qu’ils se rendent compte que le sport est le même que vous soyez fille ou garçon. Et, surtout, pour qu’ils et elles se disent : « Si un sport me plaît, peu importe lequel, j’y vais ! »

Mathilde Mignier, boxeuse en assaut, membre de l’équipe de France, en 2013

  • Devenir Professeur d’EPS

En résumé, un professeur d’EPS (éducation physique et sportive) a pour mission d’initier les collégiens ou les lycéens à la théorie et à la pratique de plusieurs disciplines sportives.

Quelle formation ? Les professeurs d’EPS du second degré de l’enseignement public sont recrutés sur concours national : le Capeps (certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive). Pour cela, après le bac, il faut s’engager en faculté pendant 5 ans pour obtenir un master. Le plus recommandé est le master STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) et se présenter aux concours de l’Éducation nationale, le Capeps. Il est cependant accessible après le Master 1 (bac + 4). L’agrégation n’est ouverte qu’aux titulaires de master 2 (bac + 5).

Pour en savoir + sur les emplois et métiers autour du sport, direction le site du ministère des Sports

Le témoignage de Mathilde a été recueilli dans le cadre de notre opération visant à féminiser les métiers du sport. En partenariat avec Femix’Sports, l’association qui accompagne le développement et la promotion du sport au féminin et en mixité.

Femix'Sports

Sur les réseaux sociaux, utilisez #SportFémininToujours et #PlusDeSportAuFeminin

Illustration Lisa Lugrin

Elles aussi sont inspirantes...

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève, jusqu’à avoir la peau en sang ! »

Loïs : « J’associe le sport à la vie : on essaie, on tombe, on se relève… »

Tombée dans la marmite du sport toute petite, Loïs, 17 ans, est une sportive tout-terrain qui n’a peur de rien et surtout pas des garçons sur un terrain de foot ou un ring de boxe. Future pompier professionnel, elle s’essaye autant au wakeboard ou au ski qu’au tennis et à l’escalade, histoire de s’éclater et de se préparer à s’adapter à toutes situations. Une tête bien faite dans un corps surentraîné.

Lire plus »
Maureen : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Maureen Marchaudon : « Grâce au street workout, on se sent maître de soi-même et de son corps. »

Suite à une anorexie mentale, Maureen Marchaudon découvre la pratique du street workout, un sport encore jusque-là réservé aux gros bras masculins. Piquée de ces figures qui allient force, agilité et technique, elle devient vite insatiable jusqu’à décrocher le titre de vice-championne de France 2024 de street workout freestyle et à l’enseigner aux femmes qui veulent r(re)trouver la confiance en elles. Who run the world ? Girls !

Lire plus »

Vous aimerez aussi…

Marie Wattel : « J'ai vécu des moments très compliqués, j'ai dû faire des choix forts et ça a payé. »

Marie Wattel : « J’ai vécu des moments très compliqués, j’ai dû faire des choix forts et ça a payé. »

Elle est un des grands espoirs de médaille de l’artillerie sous-marine française pour les Jeux Olympiques de Paris. Marie Wattel, 27 ans, a déjà accumulé une sacrée expérience et dans l’adversité, face aux doutes, aux blessures et aux critiques, elle n’a jamais lâché l’affaire et est toujours revenue ÀBLOCK! des épreuves traversées. Rencontre avec une guerrière aquatique.

Lire plus »
Cheerleading

Alexandrine : « Je suis une cheerleader, pas une pompom girl, et c’est du sport ! »

Elle a trouvé son sport, son club, et quand elle en parle, elle donnerait envie aux plus récalcitrantes d’enfiler la tenue pour aller goûter au « cheer spirit ». Alexandrine pratique le cheerleading à travers ses casquettes d’athlète et de coach, en parallèle de ses études. Mais ne vous y trompez pas, elle est une cheerleader et pas une pompom girl ! Pour elle, la nuance est d’importance. Témoignage d’une jeune femme à la passion communicative.

Lire plus »
Fiona : « Le vélo m'a appris qu'on a plus de ressources que ce que l’on pense. »

Fiona : « Le vélo m’a appris qu’on a plus de ressources que ce que l’on pense.”

À 22 ans, Fiona Colantuono, future ingénieure en énergies renouvelables, a décidé de prendre une année sabbatique pour mener à bien un projet un peu fou : parcourir l’Europe de l’Ouest en vélo solaire. Un défi de 8 000 kilomètres pour aller au bout d’elle-même, mais aussi pour mettre en lumière des initiatives locales consacrées à la transition énergétique. On vous embarque !

Lire plus »
Iga Swiatek

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Notre dossier spécial Roland-Garros avec la victoire d’Iga Swiatek (sur notre photo), un podcast avec un mec ÀBLOCK!, un retour sur un événement tragique du tennis, un zoom sur les basketteuses tricolores pour leur Euro, une footeuse pionnière… On dévore le meilleur d’ÀBLOCK!

Lire plus »
Iga Swiatek

Roland-Garros : les 7 dernières killeuses de la terre battue

Les Internationaux de France de tennis s’ouvrent porte d’Auteuil et avant de savoir qui soulèvera la coupe Suzanne-Lenglen (les paris donnent gagnante Iga Swiatek sur notre photo), zoom sur les championnes de ces sept dernières années, celles, souvent inattendues, qui ont brillé sur les courts du plus grand tournoi parisien.

Lire plus »
Tanya Naville

Des femmes, des films et des cimes

La montagne est inspirante et les femmes qui s’y frottent n’ont rien à lui envier. Le festival de films “Femmes en Montagne“ qui aura lieu en Haute-Savoie et en version digitale, s’apprête à mettre en avant, pour sa deuxième édition, des sommets conquis et filmés par des grimpeuses, des réalisatrices ou même des spectatrices.

Lire plus »
Changeons les règles

Les femmes et l’océan, vers de nouvelles « règles »

Un distributeur de protections périodiques éco-responsables pour les navigatrices, c’est l’initiative du jour. L’association Horizon Mixité de la navigatrice Isabelle Joschke et son partenaire le Club Nautique de Lorient (CNL) s’engagent pour les femmes et pour la protection de l’environnement. Prenons la vague.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner