Elle pourrait disputer, à Pékin, les quatrièmes Jeux Olympiques de sa carrière, les deuxièmes sur neige.
À 39 ans, Lolo Jones est l’une des – très – rares athlètes à pouvoir se targuer d’avoir participé à la plus grande compétition du monde et dans sa version estivale, et dans sa version hivernale.
La native de Des Moines (Iowa, USA), actuellement en quête d’une place dans l’équipe américaine de bobsleigh, a en effet tenté, par deux fois déjà, de décrocher le titre suprême en qualité non de pousseuse mais… de hurdleuse !
C’est à Bâton-Rouge, à l’université d’état de Louisiane, que l’épopée prend forme. Nous sommes au début des années 2000 et Lolo, qui n’est encore que Lori Jones, y a posé ses bagages après une enfance chaotique.
Trimballée entre une mère dévouée mais qui peine à subvenir aux besoins de ses cinq enfants et un père abonné à la case prison, la jeune femme a connu la misère, la rue et les familles d’accueil.
Son salut, elle le doit en grande partie à ses talents d’athlète. Repérée au collège, elle se rêve, depuis, en sportive professionnelle.
Les championnats universitaires vont lui offrir une première occasion de briller. Sacrée sur 100 mètres haies en 2002, elle décroche, dans la foulée, le titre indoor en 2003 et en 2004.
Des performances remarquées mais pas suffisantes, malheureusement, pour valider son billet pour les Jeux Olympiques d’Athènes, en Grèce. Déçue, Lolo Jones s’accroche.
Quatre ans plus tard, l’heure de la revanche a sonné. Victorieuse des championnats du monde indoor, titrée lors des championnats US disputés à Eugene (Oregon, USA), elle débarque à Pékin, en Chine, avec un statut de favorite à défendre.
Intraitable en série, elle met la concurrence à distance lors des demies en remportant la mise en 12’’43, meilleure performance mondiale de l’année et record personnel à la clé.
L’explication finale qui s’annonce semble devoir n’être qu’une simple formalité pour Lolo Jones. Du moins jusqu’à la neuvième et avant-dernière haie. L’Américaine, alors en tête, heurte une latte.
Déséquilibrée, elle laisse filer la concurrence et, à l’or promis, doit finalement se contenter d’une septième et avant-dernière place. La douche froide pour l’athlète de l’Iowa qui s’apprête à vivre quatre années compliquées.
Victime de stress post traumatique, diminuée par des blessures, Lolo Jones s’accroche et bataille pour être de la partie à Londres, en Grande-Bretagne.
Championne du monde du 60 mètres haies pour la deuxième fois de sa carrière en 2010, elle remporte son cinquième titre national sur 100 haies en 2012 et s’assure une place aux Jeux britanniques.
Une virée européenne qui, une fois encore, va lui échapper. Deuxième temps des séries (12’’68), la néo trentenaire passe, de peu, à côté de la catastrophe en demie.
Surclassée par l’Australienne Sally Pearson en finale, elle échouera finalement au pied du podium, devancée de 10 centièmes, pour le bronze, par sa compatriote Kellie Wells.
L’échec de trop pour la populaire hurdleuse à qui l’on reproche, dans le même temps, son physique avantageux et son palmarès famélique, le premier étant, selon ses détracteurs, outrageusement mis en avant à la seule fin de masquer le second.
Le coup de grâce pour Lolo Jones qui, de dépit, délaisse les pointes pour s’aventurer en terres inconnues, celles du bobsleigh où, casque vissé sur la tête, elle pourra, pense-t-elle, avancer masquée.
Devenue pousseuse-freineuse, elle s’illustre d’emblée sur le circuit Coupe du monde avec une deuxième place à Lake Placid (USA) trois mois seulement après avoir refermé le décevant chapitre londonien.
Sacrée à l’issue de l’épreuve par équipe aux Mondiaux de Saint Moritz (Suisse) début 2013, elle est retenue pour les Jeux de Sotchi, en Russie, où elle termine 11e en bob à deux.
Lolo Jones prend date. Sa revanche, elle la prendra à Pyeongchang. Un souhait qui se révèlera finalement n’être qu’un vœu pieux.
Laissée sur la touche pour la Corée du Sud, elle hésite alors à reprendre du service sur les haies pour les Jeux de Tokyo 2021, mais la pandémie de covid-19 viendra, là aussi, contrarier ses plans.
Pas suffisant, néanmoins, pour la contraindre à renoncer à ses ambitions olympiques. À presque 40 ans, l’endurante américaine, passée spécialiste dans l’art de revenir de nulle part, est en effet loin d’avoir dit son dernier mot.
Sacrée championne du monde de bob à deux avec sa néo-compatriote Kaillie Humphries en février dernier, la Louisianaise lorgne désormais sur… Pékin !
Quatorze ans après son échec retentissant sur les haies, Lolo Jones y voit là une occasion unique et ô combien symbolique de boucler la boucle en décrochant, enfin, dans la capitale chinoise, ces lauriers olympiques après lesquels elle n’a de cesse de courir, que ce soit sur le tartan et sur les pistes glacées, depuis bientôt deux décennies.
Ouverture ©Lolo Jones