« J’ai toujours aimé les sensations fortes et je me suis toujours sentie comme quelqu’un d’atypique. Mon père était passionné de voitures, mais c’est avec mon chéri, fou de motos, que j’ai commencé à rouler. J’ai d’abord été « sac de sable » sur sa moto, entendez par là : sa passagère. Puis, à 30 ans, j’ai passé mon permis et découvert la piste, cette fois derrière un guidon.
Ça m’a tout de suite plu, cette adrénaline et ce côté challenge, surtout là où on ne m’attend pas. Parce que c’est encore un univers de garçons, mais surtout parce que je suis un petit gabarit, 1,56m pour 47 kg. En plus, je pilote des grosses cylindrées, comme des Ducati Panigale V4, considérées comme des motos “de bonhommes”.
Au début, on faisait deux grandes sorties par an, en mode amateurs. Aujourd’hui, j’ai un staff, une équipe, c’est devenu mon métier.
Et même le fait d’avoir eu un fils en 2013, ne m’a pas freinée. Paradoxalement, j’ai eu envie de faire de plus en plus de moto. Notre gamin, à trois semaines, je l’emmenais dans les paddocks, c’est aussi une école de la vie ! Ce n’est pas parce que tu es mère que tu es obligée de tout plaquer. Au contraire, on vit cette passion en famille.
Trois ans plus tard, j’ai créé mon blog pour partager mes aventures. Et j’ai démarré la compétition par la Women’s Cup lors d’une manche en ouverture des 24 Heures Motos du Mans. C’était sous la pluie, ce fut un coup de foudre, un déclic.
Je me suis lancée à fond dans la compétition avec dans l’idée de dégommer le cliché de la motarde garçon manqué. Je suis ultra-féminine dans la vie et je ne vois pas pourquoi je changerais une fois sur une moto ! Je suis maquillée, j’ai les ongles peints, une panoplie de Wonder Woman… on m’appelle Wonder Lili ! J’aime la symbolique de la femme amazone, libre, indépendante.
Du coup, j’ai toute la déco : moto, équipements, combinaisons, casque. Et je fais évoluer le personnage tous les ans en fonction de mes envies.
Mais si je me la joue girly, je ne suis pas là pour faire de la figuration, je suis une compétitrice. Et rien ne m’arrête.
Lors du Bol d’Argent, en 2017, j’ai subi un gros crash : 60 mètres de glissade avec ma moto de 300 kg. J’ai laissé une partie de ma cuisse sur le bitume, passé cinq mois chez les grands brûlés, subi des tentatives de greffes, des curetages, et j’ai aujourd’hui une belle cicatrice.
C’est le genre d’accident qui peut te calmer, mais j’ai plutôt fait l’inverse. J’avais perdu ma maman peu de temps auparavant, tout ça m’a fait réfléchir sur la vie, sur mes envies.
Résultat : j’ai vendu ma pharmacie et je suis remontée en selle.
Outre la reprise de la compétition, j’ai suivi une formation pour pouvoir encadrer, coacher, dans le cadre de l’initiation à la moto sur piste.
J’organise aussi des événements avec des filles. Je ne suis pas pour ghettoïser la discipline, fille ou garçon, sous le casque, on s’en fout -d’autant que je progresse et m’amuse davantage avec les gars, mais rouler entre femmes permet de mettre le pied à l’étrier à des filles qui n’osent pas démarrer sur piste sous le regard des hommes, c’est une bonne façon de casser les appréhensions.
Je participe avec mon moto club à des roulages, des entraînements sur piste, avec des groupes de tous niveaux. Il y a quelques années, certains garçons adoraient venir me donner des conseils, ce qui est plutôt sympa aujourd’hui, c’est que les rôles se sont inversés. Le chrono ne ment pas, j’ai fait mes preuves sur la piste et fille ou pas, les félicitations se font entre pilotes, pas entre hommes et femmes.
Nous, les filles, on a des côtés scolaires, bonne élève, et je considère ça comme un atout. On me dit un truc, je l’applique. J’écoute le coach qui est un bon pilote et à partir du moment où j’ai compris, j’y vais et je progresse forcément. On dit de moi que j’ai un joli style, je roule propre, je me donne à fond.
Au début, avec mon image haute en couleur, on ne me prenait pas au sérieux. Ça peut être dangereux de se positionner avec cette représentation très girly, mais c’est ce que je suis dans la vie, je veux rester fidèle à moi-même.
Alors, c’est vrai, je ne me fonds pas dans le paysage, mais je suis respectée : ce qui se passe sur la piste est plus important qu’un look. Aujourd’hui, c’est devenu une vraie force car j’ai fait mes preuves. Cette image fun n’est plus un frein.
J’ai envie de montrer dans le milieu de la moto, et même en dehors du sport, qu’on peut être une fille ultra-féminine et y arriver ; j’ai à cœur de bousculer les codes et les idées préconçues.
Pour moi, demander l’égalité des sexes, c’est demander à ce qu’on ne fasse pas de différences entre les hommes et les femmes.
Le machisme dans l’univers de la moto, je connais, mais il y en a partout et comme partout, il y a aussi de la bienveillance. La moto est un sport dangereux, cela exige de la discipline donc du respect. C’est rare que je sois tombée sur des machos agressifs, c’est davantage des idiots avec des réflexions à la con.
Quand je suis face à la bêtise machiste, j’utilise l’humour et l’autodérision. Plus on va me challenger ou me coller une étiquette, plus je vais provoquer, aller vers l’ultra-féminité et leur clouer le bec sur la piste.
Lors des essais du Bol d’Or Classic cette année -qui malheureusement a été annulé, on était une quarantaine à aller rouler et peu de filles. J’attendais avant de retourner sur la piste, un mec se pointe et me dit quelque chose du genre : « Excuse-moi, mais tout à l’heure, je ne t’ai pas fait peur lorsque je t’ai doublée dans le virage ? » J’ai refermé ma visière, je me suis dit : « Tiens, ça faisait longtemps… le cliché du mec qui voit en la femme une fille fragile ! »
On repart et au bout de la ligne droite, je le vois qui me double. J’accélère, je le dépasse et dans ma tête, je suis en mode : « J’espère que je ne t’ai pas fait peur en te doublant ! ». Le mec a dû avoir un petit moment de solitude. Il faut savoir s’imposer. »
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