Elle a 23 ans et rien ne semble lui faire peur. Kon Hiyori lutte aussi bien sur le dohyô que sur le terrain des droits des femmes.
Le dohyô, ce cercle de combat devenu son territoire depuis l’âge de six ans, est en effet pour elle le lieu de toutes les revendications féministes. Ou plutôt d’une seule, mais au Japon, ça veut dire beaucoup : obtenir que les femmes puissent participer à des compétitions professionnelles de sumo. À l’heure actuelle, elles sont seulement autorisées à pratiquer en amateurs.
Celle qui fut baptisée « Little Miss Sumo » par le réalisateur britannique Matt Kay, qui filma Kon Hiyori en 2018 pour les besoins d’un documentaire multi primés dans le monde, est une sportive de poids.
Lorsque son frère l’emmena pour la première fois à un match de sumo, elle n’eut plus qu’une idée en tête : combattre. Et lorsqu’elle s’y essaya, le public fut bluffé par cette gamine au talent inné.
Lors de ses trois premières années de pratique, elle ne perdra pas un seul match, y compris lorsqu’il lui arrivera de combattre avec des garçons.
Les femmes, considérées comme « impures », ne peuvent toucher le dohyô…
Elle remportera sans faiblir le Championnat du monde junior féminin de sumo, catégorie poids lourd, en 2014 et 2015, puis décrochera la médaille d’argent aux Championnats du Monde en 2018 et 2019. Des championnats amateurs…
Car impossible pour elle de participer à des compétitions professionnelles : les femmes n’y sont pas autorisées, une injustice que Kon Hiyori ne cesse de vouloir réparer.
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L’idée : faire évoluer les mentalités dans ce sport japonais qui interdit aux femmes d’entrer ou de toucher le dohyô car elles sont considérées comme « impures ».
Une bataille de longue haleine pour Kon Hiyori à l’heure où l’Association japonaise de sumo (JSA) considère qu’il serait déshonorant de modifier des règles érigées par les Anciens.
Mais Kon Hiyori y croit. À l’université de Ritsumeikan, à Kyoto, elle a étudié les théories du genre tout en pratiquant le sumo dans son club qui ne comptaient dans ses rangs que trois filles.
Peu à peu, elle est devenue non plus seulement une grande athlète, mais une figure du féminisme japonais.
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« Il y a même eu un moment où je pensais que je n’étais pas digne d’être la représentante japonaise. »
Aujourd’hui, Kon Hiyori est la seule femme à faire partie de cette équipe de l’université Ritsumeikan, l’une des rares à accepter d’enseigner le sumo à une fille.
« C’est une jeune femme qui suit ses rêves mais elle est aussi drôle et timide, et d’une certaine manière assez confiante en elle-même… elle a une grande présence à l’écran », explique le réalisateur Matt Kay.
Mais elle est aussi d’une grande sensibilité. Lorsqu’elle perd aux Championnats du Monde en 2018 contre la Russe Anna Poliakova qui fait trois têtes de plus qu’elle, elle confie : « C’était vraiment difficile, il y a même eu un moment où je pensais que je n’étais pas digne d’être la représentante japonaise ».
Pour ensuite relativiser : « Il est vrai que les athlètes étrangers, contrairement aux athlètes japonais, ont souvent bénéficié de l’entraînement dans plusieurs arts martiaux. Ce que j’entends souvent, c’est qu’ils commencent le sumo comme passe-temps pour compléter leur entraînement de lutte, par exemple. Ainsi, ils utilisent une variété de techniques dans leurs combats, ce qui les rend très forts. »
Pour autant, gagner en compétition n’est pas le but ultime de Kon Hiyori qui considère sa discipline comme une philosophie, un moyen de se faire comprendre, entendre, estimée : « Le sumo n’est pas seulement un sport, mais une forme d’expression », dit-elle.
Et de faire un parallèle avec la vie : « Même si vous êtes confronté à quelqu’un qui est grand et fort, ce n’est pas quelque chose à fuir, vous devez vous engager, comme à la manière sumo. Il y a tellement de possibilités et de choses qui peuvent naître en vous grâce au sumo. C’est juste un sport merveilleux. »