D’un côté les louanges, de l’autre les critiques. Durant la Guerre Froide, les sœurs Press sont devenues des figures importantes de la société soviétique grâce à leur formidable palmarès sportif. Mais Irina et Tamara n’ont pas échappé aux critiques du bloc d’en face. Des capacités physiques qui interpellent, et les rumeurs sur le véritable sexe de ces femmes vont bon train.
Toutes les deux sont nées un 10 mars à Kharkov, en Ukraine. Tamara en 1937, sa petite sœur Irina en 1939. Alors qu’elles sont encore de jeunes enfants, leur père est tué par les Nazis en 1942. La mère décide alors de fuir la guerre avec ses filles, direction Samarcande, une ville d’Ouzbékistan. C’est là-bas que les deux jeunes femmes commencent à pratiquer l’athlétisme.
Avec son physique bien charpenté (1,80 m, 100 kg), Tamara se spécialise dans le lancer de disque et de marteau. Sa petite sœur Irina (1,68 m, 74 kg) est plus complète. Elle court, saute et balance à foison. Le pentathlon est fait pour elle. Les sœurs Press sont devenues championnes olympiques et ont établi des records mondiaux dans leurs disciplines respectives.
Aux Jeux de Rome en 1960, Irina brille sur la piste. La cadette choisit de participer aux 80m haies, car le pentathlon n’est pas encore inscrit au programme. Cela s’avère être le bon choix puisqu’elle remporte la médaille d’or. Pendant ce temps, Tamara fait trembler le sol du stade en décrochant l’or au lancer de poids et l’argent au lancer de disque.
Mais c’est à Tokyo, en 1964, que les sœurs Press font la plus forte impression. Pour la première apparition du pentathlon aux olympiades, Irina monte sur la plus haute marche du podium. Lors de cette victoire, la cadette établit un record du monde dans chacune des 5 disciplines. Pendant ce temps, sa sœur Tamara ajoute deux nouvelles médailles d’or à sa collection. Un magnifique doublé avec à la clé le record olympique au lancer de poids et du disque.
Pourtant, derrière leur succès éblouissant, plane une aura de mystère. Leur physique robuste et leurs traits jugés masculins ont, comme ce fut le cas de l’athlète Stella Walsh en 1932, alimenté toutes sortes de spéculations. Elles sont accusées par le bloc capitaliste d’être intersexes, dopées à la testostérone, ou transgenres. Les détracteurs leur accordent même un petit nom : les « frères Press ».
Mis à part lors des grandes compétitions, les sœurs Press ne sont jamais aperçues sur les stades en Occident. Leurs déplacements sont limités sur ordre du Kremlin. Aucun journaliste ne peut les approcher. Irina et Tamara ne donnent jamais d’interview.
Malgré ces doutes persistants, la nature féminine des sœurs Press n’a jamais été remise en cause. Du moins officiellement. Car lorsque le Comité International Olympique souhaite introduire des tests de vérification du sexe, les deux athlètes choisissent de mettre fin à leur carrière sportive. Ainsi en 1966, la Fédération hongroise met en place des contrôles de féminité lors des Championnats d’Europe de Budapest. Mais les sœurs doivent se rendre au chevet d’un proche gravement malade… Les dirigeants de l’équipe d’URSS les retirent de la compétition.
Ce départ prématuré laisse planer le mystère. Pour beaucoup, il n’est pas question d’une simple coïncidence. Pour preuve, l’établissement du genre des athlètes devient obligatoire en 1968. Les deux sœurs prennent leur retraite sportive juste avant de devoir s’y soumettre.
Une fois les pointes raccrochées, Irina s’engage dans les troupes de frontière du KGB et devient officière. De son côté, Tamara se convertit en ingénieure civile et écrit plusieurs livres sur le sport. La cadette décède en 2004, Tamara plus récemment en 2021. Les sœurs Press laissent derrière elles un héritage éclatant sur la scène sportive, mais aussi un voile secret qui continue de captiver l’imagination du public.