Erica Wiebe, la lutteuse qui envoie les clichés au tapis !

Erica Wiebe
Une guerrière, une passionaria, une femme de tête. Championne olympique 2016 en lutte libre, la Canadienne remettra son titre en jeu sur le tapis des prochains JO, à Tokyo. Ambassadrice de la lutte féminine, Erica Wiebe se bat pour que les jeunes filles soient intégrées dans l’arène sportive. Go for showtime !

Par Claire Bonnot

Publié le 22 octobre 2020 à 20h23, mis à jour le 20 juin 2022 à 13h57

« J’ai commencé la lutte à l’âge de 13 ans, c’était en 2003. À cette époque, les femmes ne pouvaient pas encore participer aux Jeux Olympiques », raconte-t-elle. C’est en effet en 2004, aux Jeux d’Athènes, que les lutteuses purent faire leur entrée aux JO. Erica Wiebe avait alors déjà mis nombre d’adversaires au tapis dans son collège canadien de Stittsville, dans l’Ontario.

Née en 1989 à Ottawa, elle débute la lutte libre en troisième, attirée par une pancarte affichée dans son école. Celle qui pratiquait plusieurs sports dont le football, tombe rapidement « en amour » pour ce sport costaud ! « L’affiche parlait d’entraînement de lutte. J’avais joué au foot toute ma vie et j’ai pensé que la lutte avait l’air beaucoup plus « fun » : j’allais pouvoir affronter des garçons et porter des maillots en spandex ! Je me suis rendue à mon premier entraînement et j’ai tout de suite été passionnée. »

Erica Wiebe
©Facebook Erica Wiebe

Tombée K.O pour la lutte

La jeune lutteuse apparaît sur la scène internationale en tant que junior lors des Championnats panaméricains de 2007 puis lors des Championnats du monde juniors de 2008 et 2009. C’est en s’inscrivant à l’Université de Calgary, qui abrite l’un des centres nationaux de formation de lutte féminine, que sa passion devient carrière.

Grand tournant : lorsqu’elle fait partie des partenaires d’entraînement de l’équipe canadienne aux Jeux Olympiques d’été de 2012, de quoi lui offrir une sacrée expérience dont elle se servira pour Rio, quatre années plus tard…

Sa première victoire d’envergure ? La médaille d’or des Jeux du Commonwealth de 2014. Une année de succès puisqu’elle remporte 36 matchs individuels consécutifs. Sur cette belle lancée, Erica Wiebe remporte les essais de l’équipe olympique canadienne pour participer à ses fameux premiers Jeux Olympiques en 2016 à Rio…

Erica Wiebe
©Facebook Erica Wiebe

Star mondiale sur tapis

À l’âge de 27 ans, Erica Wiebe décroche l’or olympique en lutte dans la catégorie des moins de 75kg, devenant ainsi la troisième femme canadienne à remporter une médaille dans cette discipline. « J’adore ce sport. Honnêtement, je n’ai jamais pensé que je deviendrais une championne olympique, mais c’était mon jour. C’est incroyable ce qui m’arrive ! »

Avec cette victoire triomphante, elle s’ancre ainsi dans une lignée de championnes pionnières. Nouvelle star de la lutte féminine, elle devient capitaine de l’équipe des Maharathi de Mumbai, en Inde, en 2017 pour la Pro Wrestling League India.

Une aventure internationale qui ne fait que renforcer son amour pour ce sport et son envie de continuer la lutte pour pousser les femmes à combattre : « L’ambiance qui règne ici, je ne l’avais jamais vécue avant. Il y a plus de médias, plus de spectacle, plus de frénésie qu’aux Jeux Olympiques. C’est une vitrine inouïe pour la lutte. Il y a en Inde une volonté évidente de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes. On le voit dans la formation des équipes de la ligue, qui sont mixtes », expliquait-elle à Radio Canada.

Un an plus tard, elle décroche la médaille de bronze chez les 76kg aux Championnats du monde de lutte à Budapest et la médaille d’or aux Jeux du Commonwealth.

Erica Wiebe
©Facebook Erica Wiebe

Une lutteuse contre les stéréotypes

« Je me souviens avoir su, plus tard, que ma mère avait été bouleversée de savoir que j’avais décidé de me lancer dans la lutte. Elle ne comprenait pas pourquoi sa gentille fille voulait faire un tel sport, mais mes parents m’ont finalement beaucoup soutenue tout au long de ma carrière. »

Être une femme dans un sport traditionnellement dominé par les hommes comporte plusieurs défis et a demandé force, courage et passion chevillée au corps pour l’athlète canadienne comme elle le confiait, en août 2020, sur le site officiel des Jeux Olympiques, elle qui se souvient qu’on lui ait dit qu’elle ne ressemblait pas à « une lutteuse » ou de commentaires qui ont ébranlé sa confiance en elle tels que : « Ah, les femmes luttent, elles-aussi ?! »

Erica Wiebe
©Facebook Erica Wiebe

Son conseil de sportive pour ruer dans les brancards ? « Rester concentrée sur l’objectif, (…) donner le meilleur de soi (…) et savoir que vous n’êtes pas censée faire cavalier seul. »

Erica Wiebe explique ainsi que la lutte peut sembler être un sport individuel mais qu’il faut absolument être entourée pour réussir, surtout en tant que femme où la stigmatisation est courante. Par les autres lutteurs et lutteuses avec lesquels elle s’entraîne en équipe chaque jour, par les entraîneurs qui la préparent et l’inspirent et par les proches qui apportent un soutien moral nécessaire : « Vous allez seule sur ce tapis, mais il y a un village entier qui vous soutient dans les coulisses. »

Erica Wiebe
©Facebook Erica Wiebe

« Les Canadiennes ont demandé à entrer dans les salles de lutte dès les années 1990 et réclamé une ligue aux côtés des hommes, au niveau universitaire et au niveau secondaire », rappelle la sportive dans son interview à CBC Sports.

« J’ai un amour et un grand respect pour les femmes qui ont construit ce chemin ainsi que pour les entraîneurs, arbitres, administrateurs qui les ont aidées. Je suis maintenant la troisième femme canadienne à avoir remporté une médaille olympique en lutte. C’est vraiment incroyable de voyager à travers le Canada et de voir toutes ces jeunes femmes, qui sont des lutteuses, qui me regardent et ne remettent pas en question leur capacité à pratiquer la lutte … L’histoire du sport féminin est une leçon sur la résilience et je ne pense toujours pas que nous soyons là où nous devrions être … C’est pourquoi je fais tout ce travail. »

Erica Wiebe
©Facebook Erica Wiebe

À la manière des pionnières…

Avec son bel esprit sportif, Erica Wiebe mise en effet sur la transmission et l’entraide pour la reconnaissance du sport féminin. À la manière des pionnières en lutte féminine de son pays, elle inspire les jeunes femmes qui s’engagent dans ce sport et participent à la construction de femmes fortes. « Je veux qu’elles voient ce que j’accomplis et qu’elles ne questionnent jamais leur place dans ce sport et leur amour pour lui  », confiait-elle récemment au site olympique.

Erica Wiebe est persuadée que les rôles modèles sont des leviers de motivation importants et elle n’hésite pas à coacher les jeunes générations pour les forger sur le plan physique et mental.

Selon elle, la lutte permet de donner confiance et puissance aux femmes, mais est aussi un vivier d’entraide entre coéquipiers, un soutien « particulièrement important pour les femmes, qui en l’absence de soutien institutionnel doivent souvent se battre pour la légitimité, la visibilité et les opportunités. »

Erica Wiebe
©Facebook Erica Wiebe

Tokyo 2021 dans le viseur !

La championne olympique en titre vient d’obtenir son billet pour les JO de Tokyo, une belle façon pour elle de « laisser une trace dans le sport féminin » : « Oui, il y a un peu de pression. Mais quand il y a de la pression, ça me motive, et je suis juste impatiente de défendre mon titre à Tokyo. C’est vrai que ce sera différent pour moi, avec tout ce que j’ai vécu depuis Rio. Mais ce sera encore une expérience incroyable. On ne le vit qu’une fois en quatre ans. Je me sens tellement privilégiée de faire encore ce que j’aime, de laisser une trace dans le sport féminin. Je ne me donne pas comme mission de gagner la médaille d’or, mais d’offrir une bonne performance. Je veux me battre à Tokyo, et n’avoir aucun regret. »

La lutte continue pour l’athlète engagée Erica Wiebe. Encore et toujours.

Vous aimerez aussi…

Rénelle Lamote : 
« Je me suis servie du sport pour exister. »

Rénelle Lamote : « Je me suis servie du sport pour exister. »

Elle a vécu des très hauts. Et des très bas. Rénelle Lamote est un phœnix. Après des Jeux Olympiques de Rio cauchemardesques et une lente descente aux enfers, la protégée de Bruno Gajer s’est relancée à Montpellier. Désormais en paix avec elle-même, cette spécialiste du 800 mètres aborde l’avenir avec sérénité et ambition. Son rêve : décrocher une médaille mondiale.

Lire plus »
Donnons des ailes au vélo

« Donnons des Elles au vélo J-1 », ces cyclistes qui sont sur la route toute la sainte journée…

Six ans qu’elles avalent des kilomètres. Six ans à se faire les mollets sur les routes de France, les mêmes routes que celles empruntées par la Grande Boucle. Ces filles-là donnent de la voix sur deux roues pour démontrer que le sport se conjugue aussi au féminin. Cette année, ces cyclistes militantes sont treize à pédaler pour la bonne cause. Et on est ÀBLOCK! avec elles !

Lire plus »
Hashimoto Seiko, l’olympisme et l’égalité à cœur et à cris

Hashimoto Seiko, l’olympisme et l’égalité à cœur et à cris

Couronnée du Trophée mondial « Femme et Sport » 2021 par le CIO, Hashimoto Seiko, présidente du Comité d’organisation des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 et septuple olympienne dans deux disciplines différentes, est plus que jamais une femme ÀBLOCK! Portrait d’une influente au royaume du sport mondial qui a l’olympisme et ses valeurs dans la peau.

Lire plus »
sport de combat

Sports de combat, bien plus qu’un exutoire

Sur ring ou sur tatamis, on les confond souvent. Pourtant, entre la boxe anglaise, le judo, l’escrime en passant par la lutte ou le krav maga, il en existe de très différents. Et si certains les disent violents, ils peuvent aussi et surtout apporter des bénéfices inattendus. Décryptage.

Lire plus »
Il était une fois le baseball... féminin

Il était une fois le baseball… féminin

Il débarquera aux Jeux Olympiques 2028 de Los Angeles. Rien de très surprenant pour un sport made in America. Les femmes en ont d’abord été écartées, mais elles ont vite pris les battes en main ! Retour sur l’histoire des pionnières du baseball.

Lire plus »
Euro de natation 2022, les Tricolores vont faire des vagues !

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Le récap’ historique du mois d’août, une cycliste pleine d’espoir, une championne dans les nuages, un Euro dans l’eau, une Coupe du Monde sur la vague, neuf championnats d’Europe en un, le retour sur les femmes et la natation et un trail pour transpirer, c’est sur ÀBLOCK! cette semaine. À lire on the rocks.

Lire plus »
Cendrine Browne

Cendrine Browne, la skieuse qui respire à fond

Elle a la glisse dans le sang. La canadienne Cendrine Browne est une fondue de ski. C’est le cas de le dire car elle, son truc, c’est le ski de fond, un sport qui la fait vibrer. Venue tardivement à la compét’, elle a découvert un espace d’expression et de liberté inattendu. Aujourd’hui, elle s’engage pour que les filles aient toute leur place dans le monde enneigé des sportifs.

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner