« Tout a commencé par un pétage de plombs. Mon profil était ce que l’on pourrait appeler un profil basique : j’ai fait une école de commerce et j’ai bossé, par la suite, dans de grandes entreprises à Paris. Aux alentours de la trentaine, j’ai eu besoin de faire une pause, de m’évader, de mettre ma vie sur « reset ». J’ai alors décidé de partir sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle pendant un peu plus d’un mois.
Ce n’était pas quelque chose qui m’était inconnu. Ma mère avait tenté l’aventure presque dix ans auparavant en partant du Puy-en-Velay. À l’époque, je m’étais dit : « Mais qu’est-ce qu’elle fait ?! ».
J’étais stressée de la savoir seule sur la route, mais elle en était revenue avec des étoiles plein les yeux. Quelques années plus tard, nous en avions parcouru une petite portion ensemble durant une semaine. Nous avions recommencé, pour deux semaines cette fois, en 2017.
En 2018, lorsque je me suis lancée sans elle, je suis partie de Bayonne. J’ai parcouru pas mal d’étapes en solitaire mais j’ai également rencontré, à mon tour, plein de gens géniaux. Tout le monde était simple, l’état d’esprit était bienveillant, il n’y avait pas ces a priori auxquels on peut être confronté au quotidien par rapport à son métier, à la façon dont on s’habille…
C’était une expérience dont j’attendais beaucoup et j’ai vécu un moment extraordinaire*. De retour chez moi, j’ai repris le cours de ma vie tout en ayant le sentiment, inconscient, que quelque chose avait commencé à s’amorcer.
Et puis, au bout de deux-trois mois, re-pétage de plombs. La vie que je menais n’était pas celle dont j’avais envie. Je me suis rendu compte que j’avais besoin d’un accès direct à un terrain de jeu naturel, je voulais pouvoir me dire que, tous les jours, je pouvais me faire une rando, une perspective qui me semblait magique.
Alors, en l’espace de deux semaines, j’ai quitté une vie stable et plutôt bien établie à Paris et je suis partie à Annecy.
Cette ville, je rêvais de m’y installer, mais je n’y avais ni boulot, ni amis, ni famille. C’était un gros challenge, notamment financièrement, alors j’ai été contrainte de repartir sur des boulots dans un domaine que je connaissais bien, celui du marketing et de la communication.
En parallèle de tout cela, j’avais une activité d’influenceuse. De ce côté-là, tout avait commencé en 2016-17. Je faisais partie d’un groupe de running sur Paris et, à l’époque, on nous avait dit de nous inscrire sur Instagram, de poster nos photos et de mettre des hashtags en nous expliquant que ça rapporterait des points.
Je n’y comprenais rien mais, lorsque, un peu plus tard, je me suis lancée dans la préparation de mon deuxième marathon, j’y ai trouvé un espace de communication très cool.
Pour moi, cette page était une sorte de journal de bord collaboratif : je rencontrais, virtuellement, d’autres coureurs et on se motivait, on échangeait des conseils. Peu à peu, je m’étais prise au jeu et j’avais passé le cap de l’influence sans, pour autant, jamais avoir eu pour objectif d’en vivre, juste celui de partager ma passion.
Une fois installée à Annecy, j’étais régulièrement contactée par des gens qui me disaient : « C’est génial ce que tu fais mais, moi, je n’oserais pas » ou bien : « J’aimerais me mettre à ce sport mais j’ai peur, parce que je suis une nana et j’ai l’impression d’être nulle » voire : « J’ai demandé des conseils sur un forum de vélo de route et on s’est foutu de moi »…
Je me suis rapidement rendu compte que beaucoup de monde avait envie d’aller dehors, de pratiquer un sport X ou Y mais que l’image renvoyée par certains de ces pratiques les en empêchait.
Je trouvais dommage que ces clichés soient un frein alors, en 2019, j’ai eu l’idée de créer un groupe de partage sur Facebook, « Outtrip », où il serait possible d’échanger en toute bienveillance, de demander des conseils, de se rencontrer pour faire en sorte que la pratique de l’outdoor soit plus accessible, plus inclusive.
Progressivement, Outtrip a commencé à générer de l’intérêt auprès des consommateurs, preuve qu’il y avait un besoin. Dans le même temps, j’ai été contactée par des marques, des concurrents. Le projet intéressait et les gens étaient curieux de savoir ce que j’allais en faire.
Je me suis mise à réfléchir à un projet digital mais, le problème c’est que je n’avais pas les compétences pour le mener à bien. Et puis, au cours d’un week-end Outtrip, j’ai rencontré Alexandre Lesage. Nous avons échangé sur mes envies. Lui était développeur web et il s’est proposé de m’aider.
J’ai vu ça comme un signe du destin et je me suis dit : « Tu as toutes les cartes en main, go ! ». La première version du site est née à l’été 2020.
Notre idée, à travers Outtrip, était d’aider les gens à accéder plus simplement à la nature et, ce faisant, de les aider à se reconnecter à eux-mêmes et aux autres. Concrètement, il répondait à trois problématiques centrales.
La première était le manque d’informations car, randonnée mise à part, si l’envie te prend de faire du paddle ou si tu es de passage à Nantes et que tu veux courir mais que tu ne connais pas où, il faut s’accrocher pour trouver des réponses.
La seconde problématique était de permettre à tout un chacun de rencontrer des gens avec qui pratiquer. Sur certains sports, il existe des groupes Facebook mais nous voulions offrir la possibilité aux visiteurs d’Outtrip d’entrer en contact les uns avec les autres soit pour échanger des conseils, soit pour partager des moments ensemble, voire pour être hébergé, emprunter du matériel.
Enfin, dernière problématique, nous voulions casser l’image de certains sports outdoor tout en prenant garde de ne pas embarquer les gens sur n’importe quel terrain de jeu alors qu’ils n’en ont ni les compétences, ni l’équipement.
Deux ans plus tard, nous avons désormais 2 500 personnes inscrites sur le site, 10 000 visites par mois et une communauté de 6 à 7 000 personnes sur les réseaux sociaux. Ça peut paraître anecdotique mais nous sommes contents parce que nous sommes arrivés là uniquement grâce à nos petits moyens et du bouche-à-oreille.
Nous avons désormais un peu plus de 500 Outtrips à disposition. Nous sommes beaucoup plus représentés sur la région Auvergne-Rhône-Alpes car c’est là que nous sommes basés et que c’est un terrain de jeu assez riche mais tout cela évolue. Nous sommes actuellement en train de lancer notre appli, ce qui est un gros chantier.
Tout est parti, pour nous, d’une communauté, de valeurs et je sais que, plus tard, je serai bien plus fière de ce projet s’il permet à des dizaines de personnes de s’éclater dehors et de revenir à l’essentiel que s’il nous rapportait des millions sans que ce soit d’aucune utilité. Alexandre et moi, nous avons une vision de passionnés. »
* Camille Dubois-Leipp, « Le camino seule, enfin presque » (Talent éditions)
- Pour rejoindre la communauté, direction leur site Outtrip
- Pour suivre les aventures de Camille et sa bande, c’est sur leur compte Facebook et Instagram