Amandine Henry« Je n’ai jamais perdu la foi ou l’envie de me battre. »

Amandine Henry : « Je n’ai jamais perdu la foi ou l’envie de me battre. »
Elle n'était pas du voyage en Angleterre pour l'Euro Foot, non sélectionnée par Corinne Diacre. Une déception pour la milieu de terrain qui a le foot dans la peau et voue un culte au maillot bleu. Pour autant, la Lionne Amandine Henry est une passionnée acharnée. Rencontre avec une blonde qui ne compte pas pour des prunes.

Par Valérie Domain et Sophie Danger

Publié le 28 juillet 2022 à 19h07, mis à jour le 30 juillet 2022 à 20h30

Le football, tu vas commencer très tôt, à l’âge de 5 ans. Ta maman voulait t’inscrire à la gymnastique et c’est ton père qui va bouleverser ses plans et t’inscrire au club de l’OSM Lomme…

En fait, elle m’a bien inscrite à la gym ! J’avais 8 ans, mais bon… elle voyait très bien que c’était pas du tout ma passion. J’en ai fait un an, mais ça a été vraiment un calvaire pour moi.

Du coup, elle a rapidement baissé les bras et je me suis consacrée au foot. Parce que, dès l’instant où j’ai su marcher, j’ai toujours été attirée par le ballon. Lors des réunions de famille, je jouais sans arrêts avec les cousins, dans le jardin… Tout le temps, le foot.

Et puis, à l’âge de 5 ans, j’ai demandé à mon papa de m’inscrire dans un club, ce fut celui de la ville où on habitait, j’y étais la seule fille.

Ma maman, c’est vrai, voulait que je fasse de la gymnastique, dans le but de pratiquer deux sports complémentaires, mais elle m’a toujours soutenue pour le foot.

Les sports collectifs en général, j’aimais beaucoup : à l’école, on faisait aussi du hand, du basket et j’aimais vraiment bien, mais c’est vrai que le foot a été un révélateur pour moi. Sans doute car on peut faire des centaines de matchs et d’entraînements, ça ne se ressemblera jamais, on apprend toujours.

Tes débuts, tu vas les faire dans des équipes de garçons car il n’y a pas d’équipe féminine autour de chez toi. Très vite, tu vas te rendre compte que tu empiètes sur un territoire qui n’est pas le tien et il faut faire tes preuves.

Oui, ce n’était même pas une équipe mixte, vraiment une équipe de garçons…et moi. Mais à 5 ans, je ne m’en suis pas vraiment rendu compte, parce qu’à cet âge-là on ne voit pas la différence fille/garçon.

On s’amusait tous autour du ballon, et c’était génial. C’était même assez naturel, c’est plutôt vers 10-11 ans, quand on commence à grandir, là on se dit : « Oui, c’est vrai que c’est des garçons et moi je suis une fille ! »

Tu expliques également que ça a eu des incidences sur la petite fille que tu étais, tu t’habillais de manière ample, il fallait cacher le plus possible que tu étais une fille…

Donc, après, à cet âge-là, j’ai voulu ressembler à un garçon. Je pensais que pour entrer dans le moule, il fallait que je ressemble aux garçons.

J’étais toujours en jogging, je voulais cacher au maximum ma féminité… et c’est nul, en fait.

Mais ça a été un mal pour un bien, parce qu’au final, ça s’est très très bien passé avec les garçons. Ça a été l’une des plus belles périodes de ma vie, j’étais un peu comme leur sœur, c’était cool.

Que je sois habillée en garçon ou pas, je ne pense pas qu’ils auraient fait la différence, d’ailleurs.

Tu as 10 ans lorsque tu tentes ta chance au LOSC mais, là encore, on te renvoie au fait que tu es une fille. Lille prépare l’avenir et l’avenir se conjugue uniquement au masculin, comment on encaisse ça ?

Oui, c’est vrai que plus je grandissais, plus c’était compliqué. Quand j’ai voulu passer le cap d’un meilleur football, d’un football de plus haut niveau, je me suis vite rendu compte qu’en fait, il n’y avait rien pour les filles.

Et même les équipes masculines ne voyaient aucun intérêt à ce que je continue avec eux. Elles ne voyaient aucun futur dans le foot féminin, donc elles se disaient : « Pourquoi perdre du temps à former une fille alors qu’il n’y aura pas de rentabilité ? »

Donc, j’ai dû redoubler d’efforts, ça a été dur car je ne comprenais pas bien pourquoi, parce qu’à cet âge-là on se dit qu’on joue juste au foot. Pourquoi nous limiter à garçon ou fille…

Et puis, au final, ils avaient tort parce qu’on voit bien aujourd’hui qu’il y a du niveau chez les féminines. À cette époque, il y avait un côté macho, tout simplement.

Et ta famille, qu’est-ce qu’elle te disait ?

J’ai eu la chance d’avoir une famille en or, qui m’a toujours soutenue, qui m’a toujours donné confiance en moi et poussée. Ils me disaient « Mais, Amandine, tu t’en fous de ce que disent les gens, tant que tu t’amuses, fonce ma fille, tu vas y arriver ! ».

À l’école, en revanche, tout le monde me regardait de travers. Les filles disaient : « Mais c’est quoi cette fille qui traîne qu’avec des garçons ? » ou alors : « Elle s’habille comme un garçon manqué »…

Résultat, j’avais plus de copains que de copines !

Tu devais être pourvu d’un sacré caractère quand même pour laisser glisser tout ça, parce qu’à cet âge-là on a plutôt tendance à craindre le regard des autres, et à vouloir être comme tout le monde. Tu n’as pas ressenti ça ?

Non, non, ça ne m’intéressait pas. Tout ce qui était autre que le foot, ça ne m’intéressait pas donc je ne me rendais même pas compte, j’étais dans ma bulle.

Moi, je mangeais foot, je dormais foot, je jouais foot, je faisais tout foot. Les filles, pour moi, c’était gnian gnian. Je me disais : « C’est pas grave, reste dans ton coin, va jouer au foot. »

Tu racontes, à ce propos, une anecdote très parlante. Ta maîtresse de primaire demande ce que vous voulez faire plus tard, les garçons répondent : « Footballeur pro », toi aussi, mais elle t’explique que ça n’existe pas…

Oui, c’est un souvenir très marquant pour moi, je m’en souviens encore. À chaque rentrée scolaire, il fallait mettre ce que papa faisait, ce que maman faisait, nous ce qu’on voulait devenir et, moi, j’écrivais la même chose : footballeuse professionnelle. On me répondait à chaque fois : « Mais non, Amandine, ça n’existe pas, trouve un autre métier ».

Pourtant, il n’y avait rien d’autre qui me plaisait. Ce qui me passionnait, c’était le foot. Donc, je ne mettais plus rien ! Et heureusement que je ne les ai pas écoutés.

En plus, quand je disais « footballeuse professionnelle » à l’époque, pour moi, ça ne voulait même pas dire gagner sa vie, ça voulait dire jouer dans un grand stade, remporter des titres, porter le maillot de l’équipe de France. Je ne parlais même pas d’argent.

Paradoxalement, alors qu’on te reproche d’être une fille, tu dis que c’est le football qui a fait de toi une femme, qui t’as permis de trouver ton identité, c’est-à-dire ?

Ça m’a inculqué beaucoup de valeurs… Déjà le dépassement de soi. Je pense que c’est dans n’importe quel sport, mais encore plus dans le foot parce qu’on m’a tellement répété quand j’étais petite que c’était pas pour moi, que c’était pas fait pour les filles que je me suis fait une carapace et je me suis dit que j’allais leur prouver le contraire.

Mais aussi la solidarité : c’est un sport d’équipe, on ne joue pas seule, c’est hyper important. Et aussi la tolérance. Quand il y a quelqu’un de plus faible ou en difficulté, il va falloir l’aider. Quelqu’un de différent de toi, il faut l’accepter parce que tu fais partie d’une équipe.

Le sens du sacrifice aussi, parce que je suis très tôt partie de chez moi, j’ai loupé beaucoup choses, mais je savais ce que je voulais.

Et puis aussi, tout simplement, le fait de me battre pour être reconnue en tant que femme dans le football. Ça, c’est venu au fur et à mesure.

Il y a eu des pionnières avant moi et, maintenant, je me sens aussi responsable de faire passer le meilleur des messages pour les futures générations.

Car le foot a fait de moi une femme.

Ton parcours va prendre un tournant décisif en 2005. Tu as 16 ans et tu entres au centre de formation du football de Clairefontaine. Pour la première fois, tu vas jouer avec des filles, qu’est-ce que ça a changé dans ton approche du sport en général et du football en particulier ?

Hmm… Au début, j’aimais pas. J’étais dans mon cocon, habituée à être toujours la seule fille. Et puis, quand j’étais avec les garçons, ça jouait beaucoup plus vite et, avec les filles, c’était beaucoup plus lent, vraiment différent.

Le temps d’adaptation a été un peu long, mais rapidement je me suis dit que c’était aussi très bien.

Après, je suis retournée voir jouer mes copains le weekend et là je me suis rendu compte qu’ils avaient vachement grandi, que c’était devenu des hommes. Et là, j’étais contente d’être partie avec les filles, parce que je n’aurais pas pu continuer avec eux, ils étaient tous trop grands, trop costauds.

Mais, dans tous les cas, jouer avec les garçons, ça m’a énormément servi pour la suite. Encore aujourd’hui, le foot masculin est en avance par rapport aux filles.

Là, l’étau commence à se resserrer mais je suis convaincue que jouer avec les garçons m’a permis de progresser plus rapidement à mes débuts.

Deux ans plus tard, tu prends la direction de Lyon et tu signes un contrat pro, ça s’est fait comment ?

Arrivée à la fin de notre formation à Clairefontaine, il faut trouver un club. Moi, à l’époque, tout ce qui m’intéressait c’était le terrain, je ne regardais pas trop les clubs, et c’est mon papa qui est venu me voir pour me dire que l’Olympique lyonnais (OL) aimerait bien que je signe chez eux.

Je lui ai dit : « Oui, ok, mais ce sont des stars qui jouent là-bas, je ne sais pas si j’ai le niveau… ». Il m’a répondu : « L’entraîneur aimeraient te rencontrer, vas-y ! » Après, ça s’est fait assez naturellement. Et me voilà embarquée avec l’OL en 2007.

Pour autant, au début, c’est un peu compliqué, tu n’es pas encore majeure et tu te retrouves dans une ville, une région qui n’est pas la tienne à devoir te débrouiller seule…

Quand j’étais à Clairefontaine, ça allait parce qu’on était en internat. C’est un centre de formation, donc on est toutes pareilles. Au final, on devient presque sœurs. Il y a du partage, on n’est jamais seules. Donc là, ça allait.

Mais quand j’ai signé à l’OL, c’était différent. Se retrouver à l’autre bout de la France, seule dans un appartement… j’ai eu un petit coup de blues et il m’a fallu un temps d’adaptation. Je n’ai jamais eu envie d’arrêter, mais la solitude…

Évidemment, j’ai l’impression d’avoir fait des sacrifices parce que j’aurais pu dire :  » Non, là c’est trop dur, je rentre. » Mais à chaque fois que j’allais à l’entraînement je me disais : « Non, en fait, c’est bien ! ». Je suis contente d’avoir tenu bon.

Je me rends compte que j’ai eu une enfance différente, mais je ne peux pas dire que ce soit une souffrance. Je suis super heureuse d’avoir vécu tout ce que j’ai vécu, et si je ne l’avais pas fait, peut-être que je ne serais pas là aujourd’hui.

Ton ascension va être stoppée nette à l’hiver 2008. Tu es blessée au genou, tu te fais opérer – une greffe de cartilage – encore jamais pratiquée sur un sportif de haut niveau – et le chirurgien n’est pas très optimiste quant à un possible retour sur les terrains, tu l’as vécu comment ?

Je venais d’arriver à l’OL, donc quand le médecin me dit ça, ça entre dans une oreille et ça ressort par l’autre.

Mais c’est au moment où je me fais opérer que je me dis : « Mais, en fait, c’est grave comme blessure ! ».

Après, je suis tombée dans une période… je peux le dire maintenant, je pense que je faisais une dépression. Je pleurais pour un rien, j’étais à fleur de peau, je mangeais plus…

Aujourd’hui, je mets le mot dépression là-dessus, mais à l’époque je me disais juste : « Ça sert à rien de pleurer, vas-y avance, qu’est-ce que tu veux faire ! ».

Donc, oui, ça a été long. Et même si, à un moment, je me suis dit que je ne rejouerai peut-être jamais au football, je ne pouvais pas y croire. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire d’autre.

Donc, je me suis dit : « Non, tu vas revenir, je ne sais pas dans quel état, mais tu vas revenir, tu vas travailler pour. »

Est-ce que tu n’as pas l’impression que depuis toute petite tu as eu un mental très fort, peut-être même supérieur à d’autre. Tu te fichais du regard des autres, tu as toujours su ce que tu voulais faire et tu t’es battue pour…

Je ne dirais pas supérieur à d’autre, mais compétitrice, ça c’est sûr. Déjà à l’école, pour n’importe quel jeu, pour n’importe quoi je voulais toujours être la première.

Je voulais toujours faire mieux, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai eu cet instinct de compétitrice dès le plus jeune âge. J’ai horreur de la défaite, mais j’ai aussi besoin de me challenger.

Une fois encore, tu vas déjouer tous les pronostics, toutes les idées reçues et revenir en force. Avec l’OL, tu vas décrocher, en tout, treize titres de championne de France, sept Coupes de France, six Ligues des champions…

Je me dis que j’ai une bonne étoile. Après, c’est sûr que ça n’a pas été simple, c’est beaucoup de travail, beaucoup de mental. Et puis, je me dis aussi que je peux être fière de moi, j’ai vécu des hauts et des bas, mais c’est ce qui fait aussi le charme d’une carrière. Si c’est monotone, c’est pas drôle !

Si je devais choisir un moment, un titre… Ça serait, il y a deux, trois mois, la dernière finale de Ligue des champions. Pour moi, ça a été un match parfait, une consécration.

Parce que, arrivée à la trentaine, en France, on aime bien dire que les athlètes sont terminés. Et le fait d’avoir joué ce match, j’ai été performante, j’ai marqué un super but, c’était pour moi une bonne réponse.

Et le trophée… je ne pouvais pas rêver mieux, donc, en termes d’émotions, ça a été très fort.

Sinon, il y a aussi le premier titre de Ligue des champions qu’on a remporté avec l’OL, parce que c’était le premier, que ça faisait des années que l’OL n’y arrivait pas, ça a été un travail collectif.

Et puis la fête qui a suivi a reflété toute la saison qu’on avait passée !

Est-ce que, avec les années, on s’habitue à gagner et cette habitude, finalement, tue un peu le plaisir ? Comment garder la motivation ?

Non, pas du tout, parce que la défaite fait tellement mal qu’on n’a pas envie de la vivre. En fait, quand tu gagnes tu as l’impression que ton travail est fait, t’es bien, t’es zen, vraiment légère.

Et, à l’inverse, quand tu perds, tu pars sur une note d’inachevé, tu te remets en question mais dans le mauvais sens, tu broies du noir… Ouais, c’est pas top. Ça motive pour continuer à gagner !

C’est super important d’apprendre à gérer la défaite. Et j’apprends encore tous les jours de ce côté-là parce que le foot évolue, les mentalités évoluent, les façons de travailler aussi…

Donc, la remise en question est permanente, sur chaque entraînement, tous les jours…

On parlait de l’habitude de la victoire, c’est aussi pour cela que tu vas prendre la direction des Thorns de Portland aux USA, avec lesquels tu vas remporter un titre, pour la saison 2016-2017. Tu découvres un autre monde et une autre manière d’envisager le sport et notamment le football qui là-bas, est dominé par les femmes. En quoi, cela a fait de toi une joueuse différente de celle que tu étais avant ?

Pour moi, ça a été une des plus belles expériences de toute ma vie, parce qu’au-delà du foot j’ai appris une nouvelle culture, une nouvelle façon de travailler avec toujours la positive attitude. Une mentalité complètement différente.

Nous, en France, on a l’habitude d’être vraiment dans une bulle, les coachs et le staff aiment savoir ce qu’on mange, à quelle heure on se couche… Aux États-Unis, c’est une responsabilité. Ils se moquent de savoir comment tu te prépares : du moment que tu es performante sur le terrain, tu peux faire ce que tu veux.

Après, sur la façon de jouer, c’est un jeu beaucoup plus direct, avec du physique, du contact. En France, on est plus porté sur la possession de balle, la technique…

Et ensuite, c’était aussi apprendre l’anglais, se nourrir différemment. Tout était différent, c’était très enrichissant.

Comme les saisons sont décalées, tu vas combiner États-Unis et France avec un petit passage par le PSG avant, finalement, de retrouver l’Olympique Lyonnais, qu’est-ce qui t’a permis de retrouver cette petite flamme qui semblait moins briller qu’auparavant ?

Non, cette flamme brillait toujours autant, même quand je suis partie aux États-Unis. J’avais simplement envie de vivre un autre challenge, je voulais vivre autre chose.

Et l’expérience a été pleine, parce qu’on a remporté le championnat, et après il était temps de rentrer, parce que ma famille me manquait, mon compagnon aussi avait envie de rentrer, donc on a fait le choix de revenir en France.

C’est vrai que je suis passée rapidement au PSG, mais, après, l’OL m’a proposé un projet de jeu différent de celui de Paris, et puis je savais où je mettais les pieds comme j’avais été formée là-bas, donc c’était juste un retour aux sources.

Et c’est vrai aussi qu’au retour des États-Unis, revenir à Lyon, dans un environnement connu où on avait tous nos amis, c’était sympa.

Parallèlement à ton parcours en club, il y a l’équipe de France. Après ton parcours dans les catégories jeune, tu inaugures ta première sélection en EDF A en avril 2009 face à la Suisse. L’équipe de France, ça représentait quoi pour toi ?

C’était une consécration de pouvoir porter le maillot de l’équipe de France. Je vivais enfin mon rêve. Ça a toujours été dans ma tête.

Je revoyais tous ces moments où on me disait : « Amandine, ça n’existe pas », « Amandine, tu ne pourras pas être professionnelle »… Et je me disais  :  » Enfin, j’y touche à ce maillot bleu ! »

Là aussi, tu vas connaitre des joies et quelques déboires, notamment avec Bruno Bini qui va t’écarter du terrain pendant deux ans… Tu penses alors que c’est terminé ?

Non, jamais. Tant que je jouerais au foot, je ne me dirais jamais que c’est terminé.

Je me disais :  » C’est comme ça, tu travailles, tu vas revenir encore plus forte c’est tout. » Évidemment, il y a beaucoup de doutes, de remises en question, mais ça fait partie du job.

Il y a une raison à tout, donc je me disais :  » C’est bon, c’est pas grave, il y a pire dans la vie. »

À l’époque, on avait eu une discussion, c’était plutôt un choix de sa part. J’étais jeune et je ne comprenais pas vraiment, mais c’est comme ça, tu ne peux pas aller à l’encontre de ton coach. T’es obligé d’accepter son choix, mais pas forcément de le comprendre.

Parfois, d’ailleurs, il ne faut pas chercher à comprendre.

Tu vas, malgré tout, participer à deux campagnes européennes, deux campagnes mondiales et une campagne olympique à Rio en 2016, la France s’est inclinée, chaque fois, en quart de finale. Qu’est-ce qu’il a manqué selon toi pour que les Bleues passent ce petit cap ?

Le mental, je pense. Arrivées, à ce niveau-là, c’est beaucoup de mental, c’est un déclic qu’il faut avoir.

Il y a la fraîcheur physique aussi, on arrivait face à des équipes où l’on ne pouvait pas vraiment faire tourner…

Peut-être, qu’en France par rapport à certains pays, le football féminin était encore un peu jeune. On manquait sans doute d’expérience.

Au niveau de la cohésion d’équipe, ce n’est pas toujours facile de s’entendre avec toutes ses partenaires, est-ce que c’est quelque chose que tu as ressenti ? Des jalousies…

Oui, forcément, mais je pense que c’est dans n’importe quel sport, dans n’importe quel métier.

Le principal, c’est de mettre ça de côté et de tirer dans la même direction pour aller chercher un trophée.

On ne va pas toutes partir en vacances ensemble, mais il faut juste qu’on ait toutes le même objectif en tête.

Tu n’as malheureusement pas été sélectionnée pour l’Euro en Angleterre, une décision de la sélectionneuse Corinne Diacre qui a été difficile à digérer pour toi, comment tu te sens par rapport à ça ?

C’est sûr que ça ne fait pas plaisir de le regarder derrière une télé, mais bon, voilà, ce sont ses choix et je ne peux rien y faire.

Moi, je peux me regarder dans un miroir en sachant que j’aurais tout fait pour cette équipe, maintenant, elle n’a pas voulu de moi, j’ai plus qu’à travailler encore et encore pour montrer que j’avais les capacités pour être là-bas et pour aider l’équipe.

Mais, après, je souhaitais quand même qu’elles aillent le plus loin possible, parce que c’est l’équipe de France, ça passe au-dessus de tout. Au-dessus de n’importe quelle rancœur, de n’importe quelle joueuse ou de n’importe quelle coach.

Ça me fait un léger pincement au cœur mais, finalement, c’est quand même toutes mes coéquipières qui sont là-bas, donc je suis super contente pour elles et j’aurais adoré qu’elles récupèrent ce trophée !

La saison prochaine, on te retrouve sous les couleurs de l’OL, club avec lequel tu es engagée jusqu’en 2023, comment tu vois l’avenir ?

L’avenir ? Je le vois plein de trophées, championne… Non, c’est vrai que, chaque année, c’est les mêmes objectifs, et j’espère qu’il y aura encore quelques saisons comme ça.

Je n’ai jamais perdu la foi ou l’envie de me battre. Tous les ans ça évolue, et on a envie de remettre notre titre en jeu, de montrer qu’on peut encore gagner et qu’on est toujours au top.

Tu vas avoir 33 ans au mois de septembre, tu as déjà quinze ans de football pro derrière toi, comment a évolué ce sport en quinze ans de temps ?

Il a eu une sacrée évolution, notamment au niveau médiatique, parce que ça faisait un moment qu’on avait besoin de reconnaissance, et on l’a enfin !

J’espère que ça va continuer comme ça, on en a besoin, tout comme on a encore besoin de progresser et d’évoluer. Donc, oui, en quinze ans, il s’est passé énormément de choses, mais bon quinze ans, c’est long…

Je pense qu’un jour, le football féminin aura la même médiatisation que le masculin, mais il va falloir encore pas mal de temps.

Je suis certaine que je ne verrai pas ça depuis les terrains…

Lorsque tu auras raccroché, est-ce que le football fera toujours partie de ta vie ou est-ce que tu pourrais envisager d’emprunter une autre voie, je crois que tu te passionnes pour les animaux, par exemple ? Tu es ambassadrice d’une marque pour chiens et chats ORIJEN, qu’est-ce qui te motive dans ce partenariat ?

Je pense que le foot fera toujours partie de ma vie et je ferai en sorte que, dans ma reconversion, il prenne une petite place parce que c’est ce que j’aime faire, mais c’est sur qu’il n’aura pas une place aussi importante qu’aujourd’hui. J’aurai d’autres priorités.

Les animaux, c’est ma deuxième passion. J’ai deux chiens, et vraiment, ce sont mes bébés ! C’est ma raison de me lever le matin, de rentrer le soir aussi parce que, même quand je ne pars que cinq minutes, ils me font la fête lorsque je reviens. Quand tu vois leurs bouilles, tu oublies tout, même si tu es en colère.

Du coup, le partenariat avec ORIJEN, j’ai trouvé ça hyper intéressant parce que c’est une très bonne marque de croquettes, je voulais le meilleur pour eux. Je prends soin de mon corps, de ce que je mange, et j’avais besoin de la même chose pour eux.

Ce ne sont pas mes enfants, parce qu’on ne peut pas comparer un enfant avec des chiens, mais c’est tout comme. Ils ont leur nounou qui en prend soin, qui m’envoie des photos et vidéos, chaque fois que je suis en déplacement, et ils sont choyés.

Ce partenariat avec ORIJEN prend donc tout son sens.

Peut-être, qu’un jour, tu auras de « vrais » bébés. On parle de plus en plus de la maternité des sportives, est-ce que c’est un sujet qui t’intéresse ?

Oui, énormément ! Ça commence à changer dans le foot féminin français, donc je suis super contente et j’espère que les filles n’auront plus à choisir entre leur profession sportive et la maternité, parce que c’est normal, il n’y a pas à choisir.

On ne se sent pas que joueuse, on est des femmes à part entière. On a des envies, on a des compagnons qui ont envie d’être papas. Enfin, c’est une vie de femme.

Est-ce que tu as l’impression d’être un « role model » pour les petites filles qui voudraient se mettre au foot aujourd’hui ? Ça se démocratise, mais pas complétement…

Oui, c’est sûr, on a la responsabilité de montrer le meilleur à la future génération et notamment aux petites filles qui arrivent.

De leur montrer que c’est super important de rester fille ou femme avant d’être footballeuse.

De leur dire qu’il faut croire en soi et dépasser ce plafond de rêves qu’on nous impose…

Ouverture ©Facebook Amandine Henry

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