Althea GibsonLa première icône noire du tennis si vite oubliée

Althea Gibson
À l’heure où Wimbledon se termine, l’occasion est toute trouvée de rendre hommage à une figure du circuit qui a, à elle seule, révolutionné le monde du tennis. Douze ans avant son compatriote Arthur Ashe, Althea Gibson est la première athlète noire à s’être imposée en Grand Chelem. L’Américaine, victorieuse de Roland-Garros en 1956 a ajouté à son impressionnant palmarès deux victoires, en simple, à Wimbledon et à l’US Open. Avant de sombrer dans l’oubli.

Par Sophie Danger

Publié le 11 juillet 2021 à 9h32, mis à jour le 22 décembre 2021 à 15h11

C’était il y a soixante-quatre ans. Althea Gibson victorieuse de sa compatriote Darlene Hard en deux sets (6-3, 6-2) est sacrée reine de Wimbledon sous les yeux d’une autre souveraine, Elisabeth II.

Avec son trophée pour seule couronne, la jeune Américaine devient, à 30 ans, la première joueuse noire à s’imposer sur le gazon londonien. Une véritable consécration pour la New Yorkaise que rien ne vouait à un tel triomphe.

©AELTC/Arthur Cole

Née en 1927, Althea Gibson passe les trois premières années de sa vie à Silver, en Caroline du Nord, loin, très loin du All England Club et de ses fastes. Ses parents, Daniel et Annie Gibson, sont métayers et travaillent dans une plantation de coton.

En 1930, la Grande Dépression les pousse à migrer vers le nord. La famille met le cap sur New York. C’est là, dans le quartier de Harlem, qu’elle découvre le sport et s’initie au paddle tennis.

Douée, elle a tout juste 12 ans lorsqu’elle remporte le tournoi organisé par la ville. Ses qualités athlétiques et son esprit de compétition acéré tapent dans l’œil de l’organisateur, un certain Buddy Walker.

Ce dernier va lui ouvrir les portes du Harlem Cosmopolitan Club, une société réservée à une clientèle noire aisée.

Coachée par Fred Johnson, l’adolescente y prend ses premiers courts de tennis avant de se lancer sur le circuit ATA – American Tennis Association – le pendant afro-américain de l’USLTA – la Fédération de Tennis américaine – instance officiellement ouverte à tous mais officieusement réservée aux seuls blancs.

Les débuts sont prometteurs et, en 1946, Althea Gibson est repérée par Hubert Eaton et Robert Johnson. Ces deux médecins, militants des droits civiques, se sont mis en tête de dénicher le – ou la – futur Jackie Robinson (le premier athlète afro-américain a avoir évolué en Ligue Majeure au baseball) du tennis. Pour eux, aucun doute, ce sera elle.

Impressionnés par son talent, ils la prennent sous leur aile et se chargent de son éducation scolaire et sportive. Les résultats ne tardent pas. La New Yorkaise commence à se forger un joli palmarès… sur le circuit ATA.

Mais Eaton et Johnson rêvent plus grand. En 1949, après de multiples tentatives infructueuses, ils réussissent le tour de force de la propulser sur le circuit USLTA.

À 22 ans, Althea Gibson devient la première joueuse noire invitée à participer au Championnat indoor.

Une victoire de taille pour la jeune fille, mais le chemin vers l’égalité est encore long. Il lui faudra le soutien, public, d’Alice Marble, joueuse blanche victorieuse de huit Grands Chelems, pour qu’elle soit, enfin, autorisée à prendre part au prestigieux US National Championships, l’ancêtre de l’US Open.

Althea Gibson y fait ses premiers pas en 1950. Victorieuse de Barbara Knapp au premier tour, elle se frotte à Louise Brough au second.

Malgré les huées et les insultes, elle résiste vaillamment avant de s’incliner en trois manches face à la gagnante de l’Open d’Australie. Une défaite qui va, définitivement, lancer sa carrière.

L’année suivante, en 1951, elle devient la première tenniswoman noire à prendre part à Wimbledon. La consécration viendra quatre ans plus tard. En 1956, elle s’impose à Roland-Garros.

Première athlète noire, tous sexes confondus, à remporter un Grand Chelem, elle réitère la performance en 1957 et en 1958 à Wimbledon et à l’US Open.

Un exploit qui lui vaudra un défilé triomphal dans les rues de New York et les Unes de Time et de Sports Illustrated, privilège jusqu’alors réservé aux seuls sportifs blancs.

Une reconnaissance tardive, mais méritée, qui ne lui suffit malheureusement pas à subvenir à ses besoins.

Aux prises avec des difficultés financières, Althea Gibson prend, progressivement, ses distances avec le tennis. Mais pas avec le sport. Après quelques tentatives infructueuses dans la chanson et le cinéma, elle se lance dans une carrière de golfeuse.

Confrontée, là aussi, à la ségrégation raciale, elle parviendra à se hisser au 27e rang mondial avant de prendre sa retraite en 1978, à l’âge de 51 ans.

Elle consacrera, en partie, le reste de sa vie à promouvoir et soutenir la pratique du tennis dans les quartiers défavorisés. Elle s’éteindra en 2003, à 76 ans, dans l’anonymat le plus complet.

D'autres épisodes de "Tennis : femmes sur court"

Vous aimerez aussi…

Alice Finot

Mondiaux d’athlétisme 2023, le récap’

It’s over ! Les championnats du monde d’athlétisme 2023 se sont conclus ce dimanche 27 août. Si le niveau de la compétition a une fois de plus été époustouflant, on ne peut malheureusement pas en dire autant pour notre équipe de France… A moins d’un an des JO, l’athlétisme français est en crise.

Lire plus »
Anouk Garnier : « En grimpant la Tour Eiffel à la corde, je ne serai plus seulement “unstoppable“ mais monumental. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une gymnaste qui a dépassé la dépression et les embûches pour mieux performer, une warrior qui a passé la corde au cou à la Tour Eiffel (Anouk Garnier sur notre photo) ou encore une nageuse ambitieuse et une runneuse qui nous emmène dans les coulisses de sa vie, c’est le meilleur d’ÀBLOCK!

Lire plus »
Caroline Garcia, la saison n'est pas finie…

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Un triathlon interactif, deux Ultra-Trails à couper le souffle, une tenniswoman qui est de retour au top (Caroline Garcia sur notre photo), une militaire à la force spéciale, une pionnière du ballon ovale et la Question Qui Tue, c’est le meilleur d’ÀBLOCK! pour cette semaine. En attendant la prochaine…

Lire plus »
Lolo Jones, la course à la revanche olympique

Lolo Jones, la course à la revanche olympique

Elle a déjà été de trois campagnes. Alignée sur 100 mètres haies à Pékin et Londres, engagée en bobsleigh à deux à Sotchi, Lolo Jones a désormais les Jeux d’hiver en ligne de mire à partir du 4 février. L’Américaine de 39 ans espère y décrocher une médaille qui se refuse obstinément à elle depuis quatorze ans.

Lire plus »
Il était une fois le water-polo… féminin

Il était une fois le water-polo… féminin

Les 22 et 23 avril, se terminaient les Playoffs du Championnat Elite Féminin de water-polo. À domicile, le champion en titre, Lille, a battu Mulhouse en finale. Hé oui, les poloïstes du LUC Métropole Water-Polo sont championnes de France pour la 9e fois ! Un palmarès impressionnant qui mérite de regarder un peu en arrière… pour se pencher sur l’histoire du water-polo féminin.

Lire plus »
Jeanne Richard

Jeanne Richard : « En biathlon, je peux partir très loin dans ma tête. »

Elle fonce avec la fougue de sa jeunesse et vise juste. Jeanne Richard est la biathlète française à suivre à la trace. Doublement médaillée aux Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2020, la haut-savoyarde vient de se placer en première place des Championnats du monde jeunes de biathlon. Fraîcheur, plaisir et récompenses, Jeanne Richard a trouvé son sport-épanouissement !

Lire plus »
Tessa Worley

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Quelques idées pour entretenir sa culture du sport féminin, un trail nocturne et enneigé, des descentes à 250 km/h, une délégation olympique française qu’on espère bientôt en or aux JO de Beijing 2022 (dont Tessa Worley sur notre photo), le retour de notre fameuse « question qui tue », une rugbywoman qui défonce les préjugés et une athlète qui les prend de vitesse, c’est le Best-of ÀBLOCK! de la semaine. Enjoy !

Lire plus »
Mathilde Mignier

Mathilde Mignier : « Ce que j’apprends à mes élèves résonne avec mon parcours de championne… »

Pour elle, le sport c’est comme un jeu, mais un jeu sérieux. Montée sur un ring très jeune, rien ne peut mettre cette fille K.O. Triple championne du monde de savate boxe française, multi championne de France et d’Europe, Mathilde Mignier est aussi prof d’EPS. Une double vie sportive, en solo et avec ses élèves, toujours tournée vers le sport plaisir, passion et… progression !

Lire plus »
Véro Grafe : « Je viens des sports de combat et quand je masse ces sportifs surpuissants, ils me respectent. »

Véro Grafe : « Je viens des sports de combat et quand je masse ces sportifs surpuissants, ils me respectent. »

Métier : réparer les hommes les plus forts du monde. Massothérapeute pour gladiateurs du XXIe siècle alias les Strongmen, Véronique Grafe -appelez-la simplement “Véro“- envoie du lourd pour les remettre d’aplomb ! « Maman » de cette troupe de mecs super balèzes, l’ex-boxeuse se bat pour institutionnaliser sa discipline. Incursion au cœur de l’incroyable corps humain et de la force poussée à son extrême.

Lire plus »
Laura Georges : « Je ne me suis jamais dit que le football n’était pas fait pour moi. »

Le Best-of ÀBLOCK! de la semaine

Une footeuse engagée (Laura Georges sur notre photo), une Question Qui Tue essentielle, une histoire du breakdance conjugué au féminin, des femmes musclées et fières de l’être ou encore un zoom sur du handball écolo, c’est le meilleur de la semaine sur ÀBLOCK! Enjoy !

Lire plus »

Recherche

Soyez ÀBLOCK!

Abonnez-vous à la newsletter

Mentions de Cookies WordPress par Real Cookie Banner