Qu’elle que soit l’étude que l’on lit, il semblerait que dans les zones urbaines dites « sensibles », les filles désireuses de pratiquer une activité sportive n’aient pas les statistiques pour elles.
Tout d’abord parce qu’elles sont des femmes et, malgré d’importantes avancées, ces dernières sont sous-représentées dans le monde du sport (pratique, médias, encadrement sportif).
Ensuite, parce qu’elles vivent dans des territoires dont le taux d’équipement sportif est relativement faible : 2,8 % des équipements du territoire national pour 6,8 % de la population de France métropolitaine, selon un rapport établi en 2014 par le Crédoc et en cours de réactualisation.
Une appréciation trop parcellaire des enjeux autour du sport
Or pendant très longtemps, les deux chantiers de la féminisation du sport et de l’intégration par le sport ont été traités, mais séparément.
Si dès les années 80, les pouvoirs publics ont fait de la pratique sportive un élément clé de leur action dans les banlieues, les dispositifs mis en place se sont concentrés sur les garçons. L’idée ?
Miser sur les vertus pacificatrices du sport pour « réduire les opportunités délinquantes en occupant les jeunes », ainsi que le résume la sociologue Carine Guérandel, maître de conférence en sociologie à l’université de Lille*, dans son étude « Sport, filles et cités : un enjeu de cohésion sociale ? ».
Résultat : dans ces zones, les filles sont presque deux fois moins nombreuses qu’ailleurs en France à pratiquer un sport.
Une multiplicité de freins à la pratique sportive
Dans les banlieues plus qu’ailleurs, le sport, lieu d’apprentissage de la gestion de la puissance physique, a une connotation ultramasculine : une histoire de virilité donc, de laquelle les filles sont exclues.
Sans compter que le sport implique un certain rapport avec son corps ou celui de l’autre, et qu’ici comme partout, cela devient compliqué à l’adolescence.
Très engagée sur le sujet, Sarah Ourahmoune, boxeuse médaillée olympique et tout récemment nommée déléguée du gouvernement en Seine-Saint-Denis, résume assez bien la situation d’une mixité qui effraie : « Le prétexte c’est les études, les parents, les grands frères qui freinent et les terrains de sport qui sont trop souvent investis par les garçons. Il faut changer le regard des garçons mais aussi celui des filles elles-mêmes. C’est un problème d’éducation, plus qu’économique. »
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Ouf, ça bouge !
Côté associatif, même constat, comme le souligne Quentin Moreno**, directeur Île-de-France de l’association Sport dans la Ville : « Nous nous sommes aperçus qu’à partir d’une certaine tranche d’âge, les 14-16 ans, nous n’avions plus aucune fille sur les terrains. »
La réponse ne se fit pas attendre via le programme « L dans la ville » spécifiquement conçu pour les jeunes filles et permettant notamment à celles-ci de suivre des cours exclusivement féminins, avec des sports plus variés que l’offre première, centrée sur le foot et le basket.
« Ce qui compte, c’est la réappropriation de l’espace public », dit encore Quentin Moreno : il s’agit de leur permettre de reprendre confiance en elles, de s’affirmer, et in fine, « de créer les conditions propices à un retour à la mixité ».
Comprendre : une mixité réelle, gérée, et non une simple « coprésence », ce que le sociologue Erving Goffman qualifiait « d’ensemble-séparé ».
Rassurons-nous, ici non plus les filles ne se contenteront pas de « couronner les vainqueurs », contrairement à ce que voulait un certain Pierre de Coubertin, peu désireux de les voir participer aux jeux Olympiques.
- * « Le sport fait mâle - La fabrique des filles et des garçons dans les cités » (PUG)
- ** www.sportdanslaville.com
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