Sophie Danger« De grandes figures sportives féminines, il y en a plein, mais Alice Milliat est celle à qui on doit tout ! »
Les JO de Paris 2024 seront paritaires, enfin ! Et l'on parle de la matronne du sport féminin, enfin ! Dans son livre, « La femme olympique », la journaliste Sophie Danger retrace la vie de cette femme secrète et méconnue, Alice Milliat, qui organisa en 1922 les premiers Jeux féminins. Un livre qui nous embarque dans une folle épopée, une enquête aussi rigoureuse que poétique.
Publié le 19 avril 2024 à 15h58
Tu as arrêté tes études de psychanalyste pour devenir journaliste à L’Équipe. Tu as également travaillé pour Sport 365 et aujourd’hui, tu écris pour ÀBLOCK!… Le sport a toujours fait partie de ta vie ?
Je viens d’une famille de grands sportifs, mes parents sont de ceux qui ne tiennent pas en place. Il y en a qui ont des enfants hyperactifs, moi j’ai mes parents !
En plus, ils sont très bons en sport, ce qui était un peu énervant parce que je n’arrivais jamais à les battre. Ça m’a donné l’envie de gagner et surtout, ça m’a appris à être bonne joueuse.
Ensemble, on a fait beaucoup de sport nautique. J’ai fait de la danse toute mon enfance, mais aussi du basket, du volley, de la gym, de l’athlé… Mes principales passions, c’était vraiment l’eau et la danse.
Sophie Danger en mode furtif…
Tu as écrit un livre sur Alice Milliat, grande athlète et première dirigeante du sport féminin mondial, c’est ton premier ouvrage ?
Le troisième ! Mon premier, c’était sur les graffitis de chiottes. Ensuite, j’ai écrit la biographie de la plongeuse Laura Marino, avec ÀBLOCK!.
Tu connaissais déjà Alice Milliat avant d’en faire le sujet de ton nouveau livre ?
Pendant le confinement, j’ai eu beaucoup de temps pour moi. Je travaillais sur un documentaire sur les pionnières et pendant mes recherches, je suis tombée par hasard sur Alice Milliat.Je n’avais jamais entendu parler de cette femme et pourtant, je travaille dans le sport !
Donc, tu as entendu parler d’elle par hasard et tu as décidé d’écrire sur sa vie ?
J’ai toujours aimé partir d’un tout petit truc, creuser et finir par découvrir des choses bien plus vastes sur le monde. Alice Milliat a occupé mes journées et je la remercie mille fois pour ça, j’ai découvert une femme incroyable !
Je m’étais dit : àla fin du confinement, je travaillerais sur un livre et un film documentaire. J’aime bien, quand je peux, matérialiser les histoires en mots et en images.
Ton livresort donc ce 19 avril aux éditions Les Pérégrines. « Pérégriner », ça veut dire voyager librement, pour le plaisir… C’est un peu ce que tu as fait finalement, tu as entrepris un voyage dans le passé. C’est encore un hasard ou tu as choisi cette maison d’édition pour ça ?
J’ai découvert les Pérégrines grâce à ÀBLOCK!. J’ai interviewé Audrey Millet, autrice du livre, « Les dessous du maillot de bain, une autre histoire du corps »,publié chez Les Pérégrines. On a discuté et elle m’a donné ses contacts pour que j’aille leur présenter mon projet.
C’est une petite maison d’édition gérée par trois femmes. Il y a la directrice, Aude, et les deux éditrices, Alice et Constance. Avec leur collection « Les Audacieuses », elles donnent la chance à des autrices inconnues, comme moi, de parler de femmes peu ou pas connues, comme Alice.
Le titre de ton ouvrage, c’est « La femme olympique », pourquoi ?
Au départ, on voulait quelque chose d’un peu provocant, donc on était parti sur « Vous êtes une emmerdeuse, madame Milliat ». Parce qu’elle a emmerdé toutes les instances masculines à un point phénoménal ! D’une part, pour que les femmes puissent faire du sport, et puis pour les emmener à la reconnaissance suprême : les Jeux Olympiques.
Finalement, même si on commence à beaucoup parler d’elle, peu savent qui elle est. On s’est dit qu’avec ce titre, les gens ne sauraient pas à qui ils ont à faire, donc on a préféré opter pour un titre plus sobre. On a choisi « La femme olympique », parce que c’est elle, à force de lutte, qui a permis l’introduction des athlètes femmes aux Jeux. En plus, elle s’est beaucoup battue avec le Comité International Olympique qui lui a refusé l’usage du terme « olympique » … Donc c’était un double hommage.
C’est quel genre de livre ?
C’est une biographie romancée, ou un roman biographique comme on veut. L’objectif des Pérégrines, avec la collection Les Audacieuses, est de faire découvrir des femmes qui ont marqué notre histoire. C’est pour ça qu’Alice Milliat leur a tapé dans l’œil comme elle m’a tapé dans l’œil.
En fait, des grandes figures sportives féminines, il y en a plein mais, elle, c’est la matronne, c’est celle à qui on doit tout ! Je suis vraiment partie de sa biographie, donc j’ai écrit en suivant la chronologie de sa vie.
La publication d’une biographie d’Alice Milliat, la mère des Jeux Olympiques féminins, à quelques mois des premiers JO paritaires de l’histoire, c’est un joli clin d’œil !
Dans mon parcours, j’ai toujours aimé faire les choses à contre-courant… mais pour une fois, le timing est parfait !
Tu n’as pas écrit à la première personne, pourquoi ?
Je n’ai pas réussi ! Entre mes études de psychanalyste et le journalisme, j’ai eu peur de la trahir. Donc, les seules fois où elle parle en « je », ce sont des bouts de discours qu’elle a réellement prononcé.
Et puis mon envie première, c’était de la réinscrire dans une époque. À travers elle, je voulais aussi parler de toutes ces femmes-là, les premières sportives comme Lucienne Velu, Marguerite Radideau… Ces athlètes qui ont vécu l’aventure à ses côtés et qui, par leurs résultats et leur personnalité, ont aussi permis de convaincre d’autres femmes d’oser.
J’ai essayé de trouver un juste milieu entre tout raconter par le prisme d’Alice, et laisser de la place à toutes ces athlètes qui ont participé à ces premiers Jeux Olympiques féminins et qui sont aussi responsables de l’avènement du sport féminin.
Depuis que Paris a été choisie pour accueillir les JO 2024, on parle beaucoup d’Alice Milliat. Comment expliquer cette soudaine mise en lumière d’une femme qui, malgré son destin fascinant, a été totalement effacée de l’Histoire ?
Je pense qu’il y a un mouvement de fond qui cherche à réhabiliter les femmes, dans tous les domaines. Et puis le sport, c’est un microcosme, donc quand quelqu’un met en valeur une figure sportive, tout le monde s’y intéresse.
Du côté de la sociologie du sport et de l’histoire du sport, notamment féminin, ça avance bien. Il y a davantage de femmes chercheuses et elles se sont évidemment intéressées à Alice Milliat, parce qu’elle est formidable !
Cette femme a quand même fait des Jeux Olympiques 100 % féminins pour tenir tête au CIO et leur montrer que le sport féminin avait de la valeur. C’était une femme seule, veuve, qui a organisé le sport féminin au niveau national et international. Elle a défoncé tous les murs pour permettre aux femmes de pratiquer leur sport, et puis de participer aux JO. Et elle a fait tout ça il y a un siècle, dans un contexte d’entre-deux-guerres, c’est incroyable !
Tout ça, ça n’est pas un petit héritage. Si nous, les filles, on fait du sport aujourd’hui, Alice Milliat y est pour beaucoup. S’intéresser à cette figure-là, c’est un juste retour des choses.
Comment expliquer, justement, qu’elle soit tombée dans l’oubli malgré ses coups d’éclat pour faire avancer la cause de l’égalité dans le sport ?
J’ai l’impression, qu’à un moment, elle en a eu marre, donc elle s’est retirée de la scène publique. On lui tirait dessus à boulets rouges, c’était devenu insupportable. Mais elle n’a pas cherché à ce qu’on lui rende hommage, ou même à ce qu’on lui rende ce qui lui était dû.
D’ailleurs, un des premiers à s’être penché sur la vie d’Alice Milliat est un historien qui s’appelle André Drevon (auteur d’ « Alice Milliat : La pasionaria du sport féminin », Vuibert 2005, Ndlr). Il a mené l’enquête sur son dernier domicile connu, à Paris, et y a rencontré une de ses voisines. Alice s’occupait de la co-propriété donc elle avait des relations avec ses voisins et pourtant, cette jeune femme ignorait tout de ses accomplissements. Elle n’en avait jamais parlé ! En fait, elle a fait ce qu’elle avait à faire et ensuite, elle s’est retirée.
Tu n’as pas eu trop de mal à trouver les informations nécessaires à écrire cette biographie romancée ? Quelle est la part de fiction dans ton œuvre ?
Pour moi, en tant que journaliste, c’est très difficile d’écrire sur des faits imaginaires. La seule partie de sa vie dans laquelle je me suis permise d’utiliser mon imagination, et non des faits, c’est son enfance.
Pour faire mes recherches, j’ai eu le nez dans les archives pendant des mois et des mois. C’est une femme très secrète ! Elle vivait à Nantes et à l’époque, les journaux nantais publiaient les prix de toutes les écoles de la ville. Il se trouve qu’elle a été multiprimée, on sait qu’elle était excellente en classe !
On sait aussi qu’elle est partie à Londres à 18 ans, qu’elle s’est mariée là-bas… mais il manquait beaucoup d’informations sur le début de sa vie. Je me suis autorisée à combler ces trous, mais pour le reste, les faits sont tous étayés et vérifiés. Après, il y a aussi la mise en situation. De temps en temps, tu imagines des détails, ce qui se passe dans sa tête… Mais tout ce qu’elle voit et raconte dans le livre, c’est vrai.
Tu as pu rencontrer des membres de sa famille ?
Elle était veuve et n’a pas eu d’enfants, mais elle a encore de la famille oui. Même pour eux, son histoire semble assez floue. De toute façon, je n’avais pas envie d’être trop orientée. J’ai beaucoup hésité à contacter Florence Carpentier, une chercheuse qui a travaillé sur Alice Milliat.
Finalement, je me suis dit qu’il valait mieux s’affranchir de tout ça. J’avais déjà des informations vérifiées et vérifiables, donc j’ai décidé de faire mon propre chemin. Comme ça, peut-être qu’en additionnant tous nos travaux, on s’approche au maximum de la vérité.
Ton livre fait deux cents pages, mais s’il fallait décrire Alice Milliat en deux mots, tu dirais quoi ?
C’est une femmequi a vraiment du caractère, une femme très libre !
Et à ton avis, que penserait-elle de la reconnaissance des femmes dans le sport actuellement ?
Il y a encore des progrès à faire… ça prend beaucoup de temps. Pour les femmes dans tous les domaines il reste plein de choses à faire, mais c’est vrai que le sport, c’est compliqué. Ça touche au corps donc il y a des difficultés supplémentaires à bouger les lignes.
Mais là, tout de même, on s’apprête à assister à des JO paritaires… Je me dis qu’en cent ans, elle a bien bossé et j’espère qu’elle serait quand même fière de ce qu’elle a fait.
Et ton film documentaire dans tout ça, il est toujours d’actualité ?
Il est prêt ! Le synopsis, le scénario… même l’équipe est prête à tourner. On a juste à réunir tout le monde, trouver une date de tournage et puis appuyer sur le bouton REC.
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